mardi 28 mars 2017

Martin Luther King (1929-1968)

Martin Luther King
Né à Atlanta le 15 janvier 1929, Martin Luther King étudie la sociologie et la théologie. A 18 ans, il décide de devenir pasteur de l'Église baptiste, comme son père. En 1948, il termine ses études au Morehouse College, l'université noire de sa ville natale, et, en 1951, il entre au séminaire Crozer à Chester (Pennsylvanie). Ses origines bourgeoises l'ont protégé de la pauvreté, mais il a très tôt fait l'expérience de la discrimination raciale.

Il subit deux influences : celle du théologien Walter Rauschenbusch (1861-1918), dont les œuvres le persuadent qu'il faut appliquer les principes chrétiens aux problèmes sociaux et se préoccuper des âmes autant que des conditions socio-économiques qui agissent sur elles ; celle de Gandhi, dont il a dès son adolescence admiré la philosophie politique. Il reprend les idées de ce grand leader indien et devient lui aussi un adepte de la non-violence. Elevé dans une société régie par la ségrégation (sud des Etats-Unis), il va très vite lutter en faveur de l'intégration des noirs dans la société américaine.
Son action commence le 1er décembre 1955. Rosa Parks, une femme noire, est arrêtée pour avoir violé les lois ségrégationnistes de la ville en refusant de céder sa place dans un autobus à un homme blanc. Martin Luther King, témoin de la scène, mène le boycott des des transports publics de Montgomery.La population noire soutient le boycott et organise un système de covoiturage. Martin Luther est arrêté durant cette campagne qui dure 382 jours et qui devient extrêmement tendue à cause de ségrégationnistes blancs qui ont recours au terrorisme : la maison de Martin Luther King est attaquée à la bombe incendiaire. Les boycotters sont souvent attaqués physiquement et doivent faire face aux provocations du Ku Klux Klan. Mais l'ensemble des 40 000 noirs de la ville continuent de marcher, parfois jusqu'à 30 km, pour rejoindre leur lieu de travail. Le boycott se termine par une décision de la Cour suprême des États-Unis le 13 novembre 1956 déclarant illégale la ségrégation dans les autobus, restaurants, écoles et autres lieux publics.
En 1957, il joue un rôle capital dans la fondation de la Southern Christian Leadership Conference (SCLC,). Il s'agit d'une organisation pacifique qui participe activement au mouvement pour les Droits Civiques en organisant les églises afro-américaines pour conduire des protestations non violentes. Martin Luther adhère à la philosophie de désobéissance civile non-violente utilisée avec succès en Inde par Gandhi. Rassemblements, marches, sit-in, manifestations et désobéissance civile, sont autant de moyens d'action qui recourent à la non-violence, pour la revendication des «Civil Rights» (droits civiques) de la population noire américaine.
Il expose en 1958 son point de vue sur la ségrégation raciale et la spirale d'inégalité et de haine qu'elle provoque dans le livre Stride toward freedom; the Montgomery story (« la marche vers la liberté ») : « Souvent, les hommes se haïssent les uns les autres parce qu'ils ont peur les uns des autres ; ils ont peur parce qu'ils ne se connaissent pas ; ils ne se connaissent pas parce qu'ils ne peuvent pas communiquer ; ils ne peuvent pas communiquer parce qu'ils sont séparés. »

Le 28 août 1963, il prend la tête d'une marche sur Washington pour inciter le Congrès à voter la loi sur les droits civiques. S'adressant à plus de 200 000 personnes, devant le Lincoln Memorial, et à des millions de téléspectateurs, il prononce son célèbre discours I have a dream : « Je fais le rêve qu'un jour, jusqu'au fin fond de la Géorgie, du Mississippi et de l'Alabama, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront vivre ensemble comme des frères. »
Il parle de défendre des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de respect des différences. Son éloquence bouleverse un grand nombre d'Américains. Ce discours, resté célèbre dans l'histoire est devenu un véritable hymne à la solidarité et à l’espoir d’entente entre toutes les communautés. 

Martin Luther King - I have a dream - 
Discours du Lincoln Memorial - 28 août 1963

Mais Luther King doit aussi subir les attaques de ses adversaires. En l’espace de cinq ans, il doit faire face à une accusation de fraude fiscale, à un passage à tabac par la police, à une tentative d’assassinat mais aussi à plusieurs séjours derrière les barreaux. Mais face à la prison, il reçoit le soutien de grandes personnalités politiques : ainsi Kennedy intervient en faveur de sa libération en 1963.
Le 14 octobre 1964, Martin Luther King est âgé de 36 ans et  devient le plus jeune lauréat du Prix Nobel de la paix pour avoir mené une résistance non violente dans le but d'éliminer les préjudices raciaux aux États-Unis. Cette récompense traduit bien l'importance de l'engagement de cet homme charismatique en faveur des droits de l'homme et de la paix.
Mais deux menaces pèsent sur le mouvement de la non-violence. La première vient de la communauté noire elle-même. L'émeute qui éclate en 1965 dans un ghetto de Los Angeles montre que la jeunesse noire veut tout obtenir tout de suite. Auprès des Black Panthers, adeptes de la violence, King fait figure d'apôtre de la modération. La seconde menace est liée à la guerre du Viêtnam. Dès 1966, manifestant son opposition, King radicalise son action. La bourgeoisie noire, qui a toujours affiché son patriotisme, ne se reconnaît plus en lui. Le FBI commence à mettre Martin Luther King sur écoute en 1961, craignant que des communistes essayent d'infiltrer le mouvement des droits civiques. Aucune preuve n'étant trouvée, l'agence utilise certains détails enregistrés sur une durée de six ans pour essayer de le faire renvoyer de son rôle de dirigeant de l'organisation.

Le 4 avril 1968, Martin Luther King se trouve à Memphis, dans l'État du Tennessee, pour préparer une marche des pauvres sur Washington et soutenir une grève des éboueurs, en majorité noirs. En fin d'après-midi, il est assassiné sur le balcon de sa chambre d’hôtel à Memphis.

Survenant un peu plus de quatre ans après l'assassinat du président Kennedy, la disparition du défenseur charismatique des droits civiques des Noirs américains provoque une vive émotion et suscite des émeutes dans les ghettos, apportant une ultime preuve de sa popularité mais aussi de la fragile influence de sa doctrine.
Malgré menaces de mort et attentats, Il lutta toute sa vie contre la ségrégation et pour la justice sociale, donnant une impulsion décisive au Mouvement des Droits civiques. Sa ligne d'action, l'Evangile, sa méthode, la non-violence: «A votre force physique, nous imposerons notre force morale, disait-il à ses adversaires. Faites nous ce que vous voudrez, nous continuerons à vous aimer

Si sa mort prématurée l’a empêché d’agir contre la pauvreté, ses méthodes non-violentes ont certainement été fondamentales pour l’accomplissement de l’égalité des droits tout en évitant de  plonger le pays dans une guerre civile ou communautaire. Ayant toujours refusé de céder à la tentation de la violence, Martin Luther King s’est imposé au même titre que Gandhi comme le symbole d’une lutte qui ne laisse pas la place aux armes.


La pensée de Martin Luther King

Martin Luther King souligne que la non-violence n'est pas seulement une méthode juste, mais aussi un principe qui doit être appliqué à tous les êtres humains, où qu'ils soient dans le monde. La non-violence doit mener au pacifisme. Il invoque souvent la responsabilité personnelle pour développer la paix mondiale. Pour lui, le triomphe du bien sur le mal est inévitable, malgré les fréquents reculs et guerres de l'histoire
Il admet que cette opinion idéaliste et morale est difficile à tenir dans ce contexte historique, mais il souligne que la conscience et l'idéal de justice ne doivent pas reculer face à une opinion publique défavorable, au calcul politique ou à une tâche qui semble insurmontable Martin Luther King a écrit que sa première rencontre avec l'idée de désobéissance civile non-violente était en lisant "On Civil Disobedience" de Henry David Thoreau.

Au-delà de son combat pour l'égalité raciale, Martin Luther King a identifié que l'égalité raciale ne vient pas seulement des lois qui défendent la personne mais surtout de la façon dont cette personne se perçoit elle-même.
De par sa vocation de pasteur, Martin Luther King place la Bible au cœur de son message, considérant que l'humanité a été depuis trop longtemps « dans la montagne de la violence », qu'elle devait aller vers « la terre promise de justice et de fraternité ». Pour lui cet objectif est une mission divine car on « ne devait jamais se satisfaire d'objectifs inachevés […], toujours maintenir une sorte de mécontentement divin ». Cette volonté divine et ce message d'amour transmis par l'Évangile impliquent selon lui une volonté inébranlable face à l'adversité, « un esprit dur et un cœur tendre »

Martin Luther King considère que le pouvoir n'est pas quelque chose de mauvais en soit à partir du moment où il est compris et utilisé correctement, c'est-à-dire quand il n'est pas considéré comme l'opposé exact de l'amour. Une lutte pour le pouvoir sans amour ou conscience est donc vouée à l'échec,

Bien qu'homme de foi, Martin Luther est pour la laïcité et il approuve une décision de la Cour suprême d'interdire la prière dans les écoles publiques. Il commente que « cela ne cherche pas à mettre hors la loi la prière ou la croyance en Dieu. Dans une société pluraliste comme la nôtre, qui doit déterminer quelle prière doit être dite et par qui ? Légalement, constitutionnellement ou autre, l'État n'a certainement pas ce droit ».

Martin Luther King, sans préconiser un retour vers la simplicité volontaire ni devenir un critique du développement comme Gandhi, met en garde contre l'american way of life dont la course à la consommation et le matérialisme peuvent détourner l'homme de la cause du bien et de la spiritualité Pour lui, si la violence et la guerre deviennent si destructrices, c'est aussi parce que la vitesse du progrès scientifique a dépassé celle du développement de l'éthique et la morale, qui n'ont pu toujours restreindre ses applications négatives. Il souligne avec humour que « notre pouvoir scientifique a dépassé notre pouvoir spirituel. Nous avons des missiles guidés et des hommes désorientés. »

Des livres pour le connaître

La force d'aimer
La seule révolution
Révolution non-violente

Les citations de Martin Luther King

«Tant qu’un homme n’a pas découvert quelque chose pour lequel il serait prêt à mourir, il n’est pas à même de vivre
Discours à Detroit - 23 Juin 1963

«La race humaine doit sortir des conflits en rejetant la vengeance, l’agression et l’esprit de revanche. Le moyen d’en sortir est l’amour.»

 «Si la mort physique est le prix à payer pour libérer mes frères blancs d’une mort spirituelle irrévocable, rien ne peut être alors plus rédempteur.»
Why we can’t wait

«Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui.»
Stride toward freedom

«J'ai le rêve qu'un jour mes quatre enfants vivront dans une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais pour leur caractère
Extrait du discours J'ai fait un rêve

«Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier.»
Lettre

«Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m’aimer mais il est important qu’elle lui interdise de me lyncher.»
Wall Street Journal - 13 Novembre 1962

«L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut.»
Wall Street Journal - 13 Novembre 1962

«Un homme devrait faire son travail si parfaitement que les vivants, les morts, et ceux encore à naître ne puissent faire mieux.»
«Tout le monde peut être important car tout le monde peut servir à quelque chose
«A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis
«Faites le premier pas sur le chemin de la foi. Vous n’avez pas à le parcourir entièrement, juste à faire le premier pas.»
«Rien n’est plus tragique que de rencontrer un individu à bout de souffle, perdu dans le labyrinthe de la vie.»
The Measure of the man

 «Ce n'est qu'en aimant nos ennemis que nous pouvons connaître Dieu et faire l'expérience de sa sainteté.»
La Force d'aimer

«Tous les progrès sont précaires, et la solution d’un problème nous confronte à un autre problème.»
La Force d’aimer

«L’homme bon ne regarde pas les particularités physiques mais sait discerner ces qualités profondes qui rendent les gens humains, et donc frères.»
La Force d’aimer

«Une nation qui produit de jour en jour des hommes stupides achète à crédit sa propre mort spirituelle.»
La Force d’aimer

«Rien n’est plus dangereux au monde que la véritable ignorance et la stupidité consciencieuse.»
La Force d’aimer

«Tout ce que nous voyons n’est qu’une ombre projetée par les choses que nous ne voyons pas.»
The Measure of the man

«La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit.»
Why we can’t wait

«Ce n’est pas nous qui faisons l’histoire. C’est l’histoire qui nous fait.»
La Force d’aimer

«Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.»
Discours - 31 Mars 1968

«La haine trouble la vie ; l’amour la rend harmonieuse. La haine obscurcit la vie ; l’amour la rend lumineuse.»

«Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants ; c'est l'indifférence des bons.»

Martin Luther King - I have a dream - 
Discours du Lincoln Memorial - 28 août 1963

lundi 13 mars 2017

Le printemps - Sandro Botticelli (1444/45-1510)

Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli, est un peintre né entre le 1er mars 1444 et le 1er mars 1445, dans le quartier d'Ognissanti à Florence, où son père était tanneur. Il meurt en mai 1510 dans la maison de la Via della Porcellenna où il a travaillé toute sa vie.

Ce peintre est connu pour ses allégories. Son étude de l'Antiquité gréco-romaine fait partie de ses humanités (apprentissage). Peintre intellectuel dont le public est composé des courtisans d'un haut niveau de culture, autant que richissimes, il peint de nombreux tableaux sur le mode de la référence à la mythographie hellénique pour en tirer des allusions fines destinées à ses amateurs. Son thème général de travail est la représentation de la femme, sur laquelle il porte un regard nouveau, tout en la magnifiant et la rendant sublime: les amateurs de son art de son époque n'ont jamais pu égaler une telle splendeur dans la finesse des traits et la représentation charnelle.

Le Printemps, Tempera sur bois, 203x314 cm, (1478-1482), Galerie des Offices, Florence, Italie

Ce tableau est une allégorie mythologique tirée des Métamorphoses d’Ovide: à gauche, Mercure arrête l’hiver de son caducée, tandis que les Trois Grâces se mettent à danser ; à droite Zéphyr séduit la nymphe Chloris, engendrant Flora, déesse du printemps. Au centre, encadrée par les arbres comme par les piliers d’un temple païen, Vénus lève la main droite, tandis que Cupidon décoche une flèche.

Flora serait une allégorie de la ville de Florence, Mercure et Vénus représenteraient les deux jeunes mariés: le tableau a été commandé par Laurent de Médicis pour le mariage de son cousin Lorenzo di Serpietro. Il était le pendant de La Naissance de Vénus, dont il reprend les frondaisons.

En dépit du fait que l'interprétation première des personnages les associe à des dieux ou des idées, selon le mode d'expression pictural du néoplatonisme médicéen qui triomphe à la Cour, tout le talent du peintre consiste à rendre l'incarnation des chairs et le brio dans les expressions des visages, pleine illustration de la culture humaniste. Les corps des personnages sont traités avec élégance et souplesse, drapés dans des voilages fluides et transparents. Leurs visages sont emprunts de douceur et de sérénité. Cette œuvre exprime avec subtilité et raffinement la naissance d’un humanisme néoplatonicien, qui place l’homme au centre du monde.

Cette célèbre œuvre d'art fut trouvée dans la villa médicéenne di Castello de son commanditaire, un riche Toscan. Lui faisait face, sur l'autre mur, La Naissance de Vénus. Le nom du tableau provient de l'inventaire général de Giorgio Vasari effectué en 1550: il l'identifia à une célébration de l'arrivée du printemps. Le tableau fut caché au Castello di Montegufoni pendant l'occupation allemande et restitué aux Uffizi (Galerie des Offices) après la Seconde Guerre mondiale.

La composition de l'œuvre est constituée d'un premier plan, avec des figures en clair aux silhouettes longilignes mises en valeur par un arrière-plan plus sombre. Les femmes, pivot de la composition, dégageant une expression candide et apaisée ont toutes des caractères physiques longilignes similaires, une chevelure avec des mèches bien mises en valeur par des traits sombres, un visage de forme ovale allongé avec une bouche finement charnue, le nez droit et les yeux en amande exaltant leur fragilité.

Il s'agit d'un mélange de figures allégoriques à la fois profanes (renvoyant à la mythologie gréco-romaine) et sacrées (c’est-à-dire religieuses chrétiennes) sur un fond sombres d'orangers. La confusion entre Vénus et la Vierge est troublante. Le jardin représenté ici, rappelle le jardin de Vénus que Sandro Botticelli rapporte à celui des Hespérides, filles d'Atlas qui accompagnées d'un Dragon gardent les pommes d'or dédiées à la déesse de la beauté. Cependant les orangers fleuris qui semblent se refléter parmi les fleurs qui parsèment le sol nous indiquent que nous sommes au printemps et plus précisément au mois de mai.

Les hommes sont placés aux extrémités du tableau, délaissés, semblant uniquement encadrer les figures féminines. La scène est éclairée par la gauche comme en témoignent les ombres. La composition privilégie les lignes sinueuses et une chromatique toute en fraîcheur, avec un rendu minutieux des détails. Il y a plus de 500 espèces de plantes dans ce jardin.

Zéphyr et Flore

Le personnage de Flore jeune fille, à droite en robe blanche, devient l'allégorie de Florence, ville de Botticelli, une fois sa sexualité révélée. Ce sont des fleurs qui sortent de la bouche de Flore, qui se trouve être la nymphe des fleurs (Chloris) des Grecs, lorsque Zéphyr, fils du dieu du vent, lui souffle dessus, causant un trouble visible dans l'expression du visage, trouble qui va lui révéler sa féminité.Ces deux personnages mythologiques sont déjà présents lors de La Naissance de Vénus, où l'on peut apercevoir l'enlèvement de Chloris par Zéphyr qui la viole, puis la prend pour épouse et lui offre l'empire des fleurs. Ils sont donc très importants dans l'allégorie du printemps car Zéphyr apporte le vent humide et chaud bénéfique à cette saison et Chloris devient Flore déesse des fleurs et fleurit la nature. Allégorie de la ville tutélaire de Botticelli, Flore a cette fois acquis une maturité éclatante que vient souligner sa robe décorée de fleurs qui sortaient de sa bouche. Il faut savoir que l'artiste était aussi connu de son vivant pour peindre de tels motifs floraux sur les robes des riches madones de l'aristocratie florentine, ornementations particulièrement appréciées à l'occasion des fêtes.

Vénus

Le côté profane et art sacré religieux est mêlé avec cette figure, pour laquelle on ne sait dire s'il s'agit de la Madone, la vierge Marie (ce que l'aura végétale laisse entendre autour de sa tête, telle une auréole), ou du personnage païen qui fit la renommée du peintre : la Vénus en majesté. Cette subtile confusion fut manifestement voulue par l'artiste, dans la mesure où La Naissance de Vénus, son second tableau, lui faisait face dans la maison du donneur d'ordre où le tableau était exposé.

Le tableau tout entier, et cette figure en particulier, montre que la Renaissance s'affranchit du mode de représentation chrétien ; pour l'instant d'une manière équivoque puisqu'un représentant de l'inquisition ou de l'ordre moral, doutant de l'œuvre, pourrait se voir rétorquer que, sous une certaine forme d'interprétation, le tableau célèbre Marie par la présence de l'auréole végétale, le reste n'étant que licence artistique. L'artiste montre son intelligence et prouve le génie humain en cachant ses messages sous forme iconographique, au mépris de toute tradition héritée de l'ordre qui le précède.

Sandro Botticelli n'a rien représenté au hasard sur cette fresque réservée à un public très intellectuel, jusqu'à la posture prise par les personnages. Avec son ventre rond, Vénus semble prête à enfanter le monde. Sa posture rappelle celle des statues romaines et les rangées d'arbres amplifient cette position. Elle désigne de sa main droite les trois Grâces afin d'attirer notre attention sur son fils Cupidon. Elle arbore une tenue ample qui met ses formes en valeurs, et le voile blanc tenu par un léger serre-tête rappelle la coiffure des femmes mariées de la Renaissance. Elle arbore les mêmes traits fins que toutes les femmes peintes par Botticelli, avec un petit visage ovale et des yeux en amandes.

Cupidon

La flèche, la danse amoureuse, et la polarité de ces symboles. L'ange Cupidon, flèche tendue, se trouve au-dessus de la figure centrale. Une analyse très particulière du travail de Botticelli, cinq cent ans avant l'avènement de la psychanalyse, révèle des messages dans ce tableau que la bonne morale cléricale de son époque aurait considérablement réprouvés s'ils n'étaient, cachés, réservés à un public d'esthètes ou d'initiés: Amour, Cupidon va tirer sa flèche, c'est ce à quoi l'on s'attend de par la tradition picturale. Cela correspond à l'idée que l'on se donne du bourgeonnement végétal, sujet du tableau.

Les choses se corsent lorsque l'on considère quelle est la direction du tir pour la flèche, rapportée à la forme générale prise par la danse des trois Grâces. Ces dernières ne sont pas à prendre individuellement, mais dans leur ensemble représentant la sublimation de la féminité ; on réalise alors la raison pour laquelle la forme générale de la danse des Grâces est si différente de celle de Rubens, à titre de comparaison, et pourquoi les mains se joignent au-dessus d'elles afin de composer cette forme générale. Il serait possible de qualifier cette connotation de freudienne, si Botticelli n'avait pas quatre cents ans d'avance dans son symbolisme: la flèche, la danse amoureuse, et la polarité de ces symboles.

Les trois Grâces

Les trois Grâces sont représentées comme la Beauté, la Vertu et la Fidélité (renvoyant à la mythologie gréco-romaine).

Mercure


Un caducée pour faire disparaître les nuages entrant en haut à gauche du tableau. On peut reconnaître le dieu Mercure (Hermès chez les Grecs) grâce a ses trois attributs: le casque d'Hadès, le caducée et les sandales ailées qui font de lui le messager des dieux olympiens. Il constitue le gardien du jardin et en chasse les nuages qui risqueraient de l'assombrir: rien, pas même les intempéries, ne doit troubler l'idéal platonique apporté par les personnages-idées placées sur ce tableau.