samedi 15 décembre 2018

L'apprentissage de la Vérité

Il était une fois un homme qui contemplait l'opération de la nature. A force de concentration et d'attention, il finit par découvrir le moyen de faire du feu. Cet homme s'appelait Nour. Il décida de voyager de communauté en communauté pour faire part aux gens de sa découverte.


Nour transmit le secret à de nombreux groupes. Certains tirèrent parti de cette connaissance. D'autres, pensant qu'il devait être dangereux, le chassèrent avant même d'avoir eu le temps de comprendre de quel prix cette découverte aurait pu être pour eux. Pour finir, une tribu devant laquelle il faisait une démonstration fut prise de panique : ces gens se jetèrent sur lui et le tuèrent, convaincus d'avoir affaire à un démon. Les siècles passèrent… 

La première des cinq tribus qui avaient appris à faire le feu en avait réservé le secret à ses prêtres. Ils vivaient dans l'opulence et détenaient tout pouvoir tandis que le peuple gelait.
La seconde tribu finit par oublier l'art de faire le feu et idolâtra les instruments. 
La troisième adorait une représentation de Nour lui-même : n'était-ce pas lui qui les avait enseignés ? 
La quatrième tribu conserva l'histoire de la création du feu dans ses légendes ; certains y ajoutaient foi, d'autres les rejetaient. 
Seuls les membres de la cinquième communauté se servaient effectivement du feu, ce qui leur permettait de se chauffer, de faire cuire leurs aliments et de fabriquer toutes espèces d'objets utiles.

Un jour, un sage accompagné d'un petit nombre de ses disciples entreprit de traverser les territoires occupés par les cinq tribus. Les élèves furent stupéfaits de découvrir une telle variété de rituels. Et de dire à leur maître: 
-Mais ces différents procédés ne se réfèrent-ils pas tous à l'art de faire le feu et à rien d'autre ? Nous devrions éduquer ces gens !
- Eh bien, nous allons refaire notre voyage, proposa le maître. Lorsqu'il sera terminé, ceux qui auront survécu connaîtront les vrais problèmes et la manière correcte de les aborder

Quand ils arrivèrent sur le territoire de la première tribu, ils furent reçus avec hospitalité. Les prêtres invitèrent les voyageurs à assister à leur cérémonie religieuse au cours de laquelle un feu allait être allumé. Quand ils en eurent fini et que la tribu eut manifesté son émoi devant l'événement, le maître demanda :
- Quelqu'un désire-t-il prendre la parole ?
- Pour la cause de la Vérité, je me sens contraint de dire quelque chose à ces gens, dit le premier disciple.
- Si tu veux le faire, à tes risques et périls, je t'en donne la permission, dit le maître.
Le disciple s'avança et en présence du chef de la tribu et des prêtres, il déclara :
- Je peux accomplir le miracle que vous prenez pour une manifestation spéciale de la divinité. Si je le fais, reconnaîtrez-vous que vous êtes dans l'erreur depuis bien longtemps ?
- Saisissez-vous de cet homme ! s’écrièrent les prêtres. On l'emmena et on ne le revit jamais plus.

Puis les voyageurs entrèrent dans le territoire voisin où la seconde tribu idolâtrait les outils qui servaient à faire le feu. Une fois encore, un disciple se porta volontaire pour essayer de faire entendre raison à la communauté. Ayant reçu la permission du maître, il dit devant la tribu rassemblée : 
- Je sollicite la faveur de vous parler comme à des êtres raisonnables. Vous vénérez les moyens par lesquels quelque chose peut être fait, même pas la chose en soi. Vous retardez ainsi le moment de son utilisation. Je connais la réalité qui est le fondement de cette cérémonie.
Les membres de cette tribu étaient plus raisonnables. Ils répondirent au disciple :
- En tant que voyageur et étranger, tu es le bienvenu parmi nous. Mais, puisque tu n'es pas des nôtres et que tu ignores tout de nos coutumes et de notre histoire, tu ne peux comprendre ce que nous faisons. Tu te trompes. Peut-être même essaies-tu de nous enlever notre religion ou de la modifier. En conséquence, nous refusons de t'écouter.

Toute l'allégorie de la caverne de Platon en un seul coup d'ombre !

Les voyageurs poursuivirent leur chemin. Lorsqu'ils arrivèrent sur les terres de la troisième tribu, ils trouvèrent devant chaque maison une idole qui représentait Nour, le faiseur de feu originel. Ce fut au tour du troisième disciple de s'adresser aux chefs de la tribu :
- Cette idole représente un homme qui lui-même représente un pouvoir - et ce pouvoir peut être exercé.
- Peut-être en est-il ainsi, répliquèrent les adorateurs de Nour, mais il n'est donné qu'à une minorité de pénétrer le vrai secret.
- A la minorité qui le comprendra. Pas à ceux qui refusent de regarder certains faits en face, dit le troisième disciple.
- C'est là pure hérésie de la part d'un homme qui ne parle même pas correctement notre langue et qui plus est, n'est pas un prêtre de notre religion, murmurèrent les prêtres. Et il ne put aller plus loin.

Le groupe continua son voyage et arriva bientôt au pays de la quatrième tribu. Un quatrième disciple s'avança devant tout le peuple assemblé.
- L'histoire des faiseurs de feu est vraie et je sais comment faire du feu, dit-il simplement.
La confusion se répandit dans la tribu qui se divisa aussitôt en plusieurs factions. Certains dirent :
- C'est peut-être vrai. Et si c'est le cas, nous voulons savoir comment faire le feu. Mais, quand le maître et ses adeptes eurent interrogé ces gens, il s'avéra que la majorité d'entre eux étaient désireux d'utiliser ce savoir-faire à leur propre avantage et qu'ils ne comprenaient pas qu'il était destiné à favoriser le progrès de l'humanité. Les légendes déformées avaient pénétré si profondément dans l'esprit de la plupart que ceux qui pensaient qu'elles pourraient bien représenter la vérité étaient souvent des déséquilibrés, qui n'auraient pas été capables de faire du feu même si on leur avait montré comment procéder. Il se trouva une autre faction pour affirmer : 
- Il est évident que ces légendes ne reposent sur rien. Cet homme essaie tout bonnement de nous mystifier pour se faire ici une place au soleil !
- Nous préférons les légendes telles qu'elles sont, proclamait un autre groupe, car elles constituent le ciment même de notre cohésion. Si nous les abandonnons et que nous découvrons par la suite que cette nouvelle interprétation est sans valeur, qu'adviendra-t-il de notre communauté ? Et il y avait encore bien d'autres points de vue.

La petite troupe continua son voyage jusqu'à ce qu'elle atteigne le territoire de, la cinquième communauté. L'emploi du feu y était chose banale et ses membres avaient d'autres problèmes à affronter. Le maître dit alors à ses disciples :

- Vous devez apprendre à enseigner car les hommes ne veulent pas de l'enseignement. Tout d'abord, il vous faudra leur apprendre à apprendre. Avant cela même, vous devrez leur apprendre qu'il y a encore quelque chose à apprendre. Ils imaginent qu'ils sont prêts à apprendre mais ils ne veulent apprendre que ce qu'ils s'imaginent devoir apprendre, et non ce qu'il leur faut apprendre en tout premier lieu. Quand vous aurez appris tout cela, alors serez-vous en mesure d'inventer les voies de votre enseignement. La connaissance sans la capacité spéciale d'enseigner n'est pas la même chose que la connaissance plus la capacité.

Conte par Idries Shah (1924-1996), auteur et poète de la tradition soufie.

samedi 20 octobre 2018

Eloge de la différence - Albert Jacquard (1925-2013)

Les éditions du Seuil – Points Sciences
Résumé de lecture

Un objectif ancien : améliorer l’espèce
 
L’humanité n’est pas seulement responsable de sa transformation morale ou spirituelle, de son cheminement vers une civilisation meilleure, elle l’est aussi de son devenir biologique. Ce livre veut faire le point, provisoire bien sur, sur cette science nouvelle qu’est la génétique. Il cherche à se débarrasser d’idées reçues, c’est un premier pas vers la connaissance.

Chapitre premier, le processus élémentaire : faire un enfant

Le point de départ de toute réflexion sur la génétique est l’évidence d’une certaine ressemblance entre les enfants et les parents. La transmission de la vie s’accompagne de la transmission de certains caractères. Il n’y a pas reproduction. Un être sexué ne peut se reproduire. L’enfant de deux personnes est une création unique définitivement.

Le réel est unique, mais les possibles sont infiniment nombreux. Selon les lois de Mendel, chaque gène paternel ou maternel à la même probabilité (50%) d’être choisi. A l’état de nos connaissances, nous appelons cette probabilité le hasard.

Il faut distinguer le génotype et le phénotype.
 
Le phénotype correspond à l’apparence de l’individu, ou l’ensemble des caractéristiques que l’on peut mesurer ou qualifier chez lui. Le génotype correspond à la collection de gènes dont a été doté l’individu lors de sa conception. L’étude de la transmission des caractères consiste à préciser l’interaction entre génotype et phénotype en tenant compte du rôle du milieu. Lorsqu’il s’agit d’un humain, il est difficile de réduire l’être réalisé aux règles qui gouvernaient son développement. Les multiples événements qui ont réalisé sont phénotype font autant partie de son essence que les gènes initiateurs. Le génotype, c’est la partition, le phénotype c’est la symphonie que nous écoutons, marquée par la personnalité du chef d’orchestre selon les exécutants.


Chapitre deux, le processus collectif : structure et succession des générations

De nombreuses études ont permis de dresser des cartes du monde où les lignes qui habituellement joignent les points de même altitude (lignes de niveau) de même pluviométrie, joignent les points où on a trouvé les mêmes fréquences pour tel ou tel gène. Nous ne pouvons observer que des phénotypes, alors que la réalité profonde dont dépendent les générations futures, concernent les génotypes. Le langage mathématique permet de dégager une réalité que l’observation seule ne dévoile pas.

Progressivement la composition d’un groupe génétique se transforme au hasard, la population évolue, mais ce processus est d’une extrême lenteur. Dans un groupe de 100 personnes, il faudrait quelques millénaires pour réaliser un changement important. Les migrations représentent un élément essentiel des transformations des populations. Il est très peu probable qu’une population humaine reste isolée pendant plusieurs millénaires. Chaque immigrant arrivant dans une population "isolée" apporte des "gènes frais" qui se répandent dans le groupe et remplacent ceux que la dérive avait éliminés.

On a vu que les générations des enfants à partir de la génération des parents peuvent êtres vues comme une série de loteries. Chaque enfant, pour chaque caractère, reçoit deux gènes tirés au hasard. Mais ce tirage ne donne pas des chances égales à tous les gènes parentaux. Si un gène entraîne une diminution de la fertilité, ou une moindre résistance aux maladies, l’individu qui le porte sera moins représenté dans la génération suivante. C’est la sélection naturelle. Le patrimoine génétique collectif constitue la richesse biologique d’un groupe, son bien essentiel et véritablement durable. Pouvons-nous espérer le transformer volontairement ? 

S’opposent alors l’eugénisme et la génétique des populations.


Chapitre trois, l’avenir de notre patrimoine génétique : les dangers et les craintes

Une crainte vaine : l’effet dysgénique de la médecine

En soignant un enfant porteur de tares génétiques, en lui permettant de procréer, des gènes défavorables vont être transmis au lieu d’être éliminés. On appelle cela l’effet dysgénique du progrès médical. Cependant l’unité de temps ici est marquée par la procréation, c’est une génération. Nous sommes responsables du destin à long terme de notre espèce. Depuis que, devenu Homo sapiens, nous avons réagit contre les agressions extérieures en inventant des comportements adapté comme l’invention du feu ou l’emploie de peaux de bêtes, nous avons certainement empêché l’élimination d’enfants que leur dotation génétique rendait moins capables de lutter contre le froid.

Il est dans la nature même de notre espèce de vivre artificiellement. Nous n’avons jamais acceptés de subir passivement la sélection imposée par le milieu. La notion de bien ou de mal correspond à un manichéisme beaucoup trop simpliste face à la complexité du vivant. Certaines associations génétiques responsables du diabète sont "mauvaises" pour un individu trop bien nourrit, elles sont peut être "bonnes" pour le même individu qui doit supporter une famine. Comment, dans ces conditions, prétendre que l’action médicale conduit à une dégénérescence ? Cette crainte d’un effet dysgénique de la médecine est l’aspect négatif de l’espoir en l’eugénisme.

Un danger imprécis : la consanguinité
 
L’apparentement des conjoints implique chez les enfants l’accroissement de la proportion des caractères homozygotes. Certaines maladies sont dues à des gènes récessifs, ne manifestant leur effet néfaste qu’à l’état homozygote. L’apparenté du couple procréateur entraîne ainsi un plus grand risque de mortalité périnatale ou fœtale, donc de stérilité du couple.

Une crainte : les mutagènes dans notre environnement
 
Il arrive parfois pendant la réalisation d’un gamète qu’une modification, ou erreur survienne. L’héritage génétique devient différent. Il est très difficile de préciser la fréquence des mutations pour l’espèce humaine, où toute expérience est pratiquement exclue, pour des raisons éthiques ou pratiques (liées en particulier à la durée des générations). Les mutations sur des gènes récessifs ne se manifestent pas dès leur première apparition. L’évaluation est plus précise lorsqu’il s’agit de gènes dominants. La probabilité d’une mutation atteint 6% sur les centaines de milliers ou les millions de gamète émis par un individu, un nombre très important est donc porteur de mutation. Elles se produisent spontanément, au hasard. Cependant, les radiations provoquent une augmentation de la fréquence des mutations. La dose naturelle de radiation a été doublée depuis le début du XXème siècle. 

Même si l’on admet que ce niveau est encore supportable, il est clair qu’un infléchissement sera nécessaire : sinon le triplement puis le quadruplement serait vite atteint.

Mutagénicité des produits chimiques

Certains produits chimiques avec lesquels nous sommes en contact pénètrent nos cellules et réagissent avec elles, modifiant la structure de nos chromosomes, introduisant donc des mutations. Comment savoir si un produit naturel ou artificiel a de tels pouvoirs ? 
Notre ignorance en ce domaine est presque totale. Cette incapacité à déceler un éventuel pouvoir mutagène des substances chimiques nouvelles que nous utilisons parfois à haute dose est particulièrement grave. Devant cette carence de notre information, la seule attitude raisonnable devrait être la prudence ; il ne semble pas que cette attitude soit celle de note société.


Chapitre quatre : un concept flou : les races humaines

Dés que l’on observe un ensemble aussi complexe que l’ensemble des hommes, on ressent la nécessité de réaliser des classifications, en regroupant les individus paraissant le plus semblables. Les premières tentatives de classifications ne pouvaient que concerner "l’univers des phénotypes". Ainsi, les taxonomistes ont définis plusieurs races.

La génétique a apporté de la précision à la problématique en donnant un contenu plus objectif au concept de race: un ensemble d’individu ayant en commun une part importante de leur patrimoine génétique. La classification concerne "l’univers des génotypes".

Race et racisme
 
Les recherches scientifiques tentent de mettre au point des méthodes de classement des individus, permettant éventuellement de définir des groupes, des races relativement homogènes. Le racisme est une attitude d’esprit nécessairement subjective qui compare les diverses races en attribuant une "valeur" à chacune en établissant une hiérarchie. Le racisme, c'est-à-dire le sentiment d’appartenir à un groupe humain disposant d’un patrimoine biologique meilleur, est un sentiment universellement partagé. Il faut se demander ce qu’apportent la science, et principalement la génétique, à ce concept de race.

Qu’est ce que classer ?
 
Définie des espèces, c’est opérer des regroupements au sein de l’ensemble des individus appartenant au monde vivant. La capacité à se féconder est le critère de l’appartenance à une même espèce. Mais aucun critère de cette sorte ne peut être précisé lorsqu’il s’agit de décider si deux individus humains appartiennent ou non à la même race.

Classer les individus en race est une activité en réalité très complexe dont le résultat dépend de choix fort arbitraires. Il ne s’agit pas de nier toute valeur au résultat d’un classement, il s’agit d’être conscient de sa relativité. Le caractère spontanément pris en considération pour définir les races est celui qui est le plus facilement repéré : la couleur de la peau.
 
C’est un caractère évidement héréditaire soumis à un déterminisme génétique assez rigoureux mais mal connu. La couleur de la peau provient de la mélanine, un pigment présent chez les blancs, les jaunes, les noirs, à des densités très variables. Les différences constatées sont quantitatives, non qualitatives. A l’intérieur d’un même groupe, l’écart entre deux individus d’une même population peut être beaucoup plus grand que celui constaté entre les moyennes de deux groupes appartenant à des "races" distinctes.

Dans une optique mendélienne, les Blancs possèdent 8 gènes b entrainant une couleur claire, les Noirs 8 gènes n entrainant une couleur foncée. Tous les intermédiaires sont possibles, selon la valeur du nombre x de gènes b et du nombre 8-x de gènes n. On se rend compte qu’aucun classement basé sur la seule couleur ne peut avoir de sens biologique. La couleur de la peau ne correspond qu’à une part infime de notre patrimoine génétique (8 ou 10 gènes sur quelques dizaines de milliers). Les progrès de la biochimie apportent des données qui caractérisent les systèmes sanguins. Ainsi, le passage du phénotype observé au génotype est beaucoup plus aisé.
 
En 1900, on découvrit l’existence de 4 groupes A, B, AB et O (O étant récessif devant A ou B). En 1940 on découvrit le système Rhésus. Depuis, on a abouti à la mise en évidence de 70 systèmes sanguins, et la liste s’allonge chaque année. Ces systèmes nous permettent une comparaison des populations indépendantes des effets du milieu sur chaque individu. Ce qui distingue deux populations n’est pas le fait qu’elles possèdent ou ne possèdent pas tel gène, mais le fait que les fréquences de ce gène sont différentes. Ce n’est pas un critère par "tout ou rien ", mais un critère par "plus ou moins". Les données disponibles pour les nombreuses populations et portant sur de multiples systèmes sanguins permettent ainsi de calculer un ensemble de distances et de dresser des cartes génétiques surprenantes car les distances génétiques différent complètement des distances géographiques.
 
Variété des individus, variété des populations
 
La science ne rend pas plus facile le classement des populations. Son rôle n’est pas de fournir infailliblement des réponses claires à toutes les interrogations. A certaines questions, il ne faut pas répondre. Donner une réponse, même partielle ou imprécise à une question absurde, c’est participer à une mystification, cautionner un abus de confiance. Le classement des hommes en groupes plus ou moins homogènes que l’on pourrait appeler "races" n’a aucun sens biologique réel. Les groupes humains actuels n’ont jamais été totalement séparés durant des périodes assez longues pour qu’une différenciation génétique significative ait pu se produire.


Chapitre cinq : Evolution et adaptation

Le "monde vivant" n’est pas un monde fondamentalement différent du monde inanimé. Il est fait de la même matière, soumis aux mêmes forces, aux mêmes contraintes. C’est la dynamique même de la matière inanimée qui a provoqué l’apparition, non pas brutale, non pas éclatante comme un miracle, mais progressive, laborieuse, hésitante, de ce que nous appelons "la vie". Le nombre d’espèces répertoriées sur notre planète est de l’ordre d’un million et demi. La diversité de leurs apparences et de leurs fonctions donne l’impression d’une hétérogénéité fondamentale. Quoi de commun entre une algue et une mouette ? Entre une méduse et moi, un homme ?

L’évidence d’une parenté est pourtant aveuglante, lorsque l’on quitte les apparences externes pour les structures profondes, tant sont semblables les processus par lesquels ces organismes assurent leurs développement et leur survie. Toutes leurs cellules réalisent des transferts d’énergie au moyen de mêmes composés chimiques. Il paraît hautement improbable que ces traits aient pu se retrouver dans tous les organismes vivants, si ceux-ci n’avaient une origine commune. Avec une certitude à peu prés absolue, nous pouvons affirmer l’unité du monde vivant.
 
L’évolution darwinienne
 
En 3 Milliards d’années, la capacité de différenciation manifestée par les êtres vivants, a conduit à une prolifération d’organismes dotés de pouvoirs multiples, tous merveilleux, certains inquiétants. Ainsi, chez l’Homme, le pouvoir de prendre conscience de ses propres dons, de les multiplier et de se donner a lui-même le pouvoir de détruire toute vie. L’apport de Darwin n’est nullement l’idée que les espèces se transforment et descendent les unes les autres. Son originalité était d’expliquer l’évolution par un mécanisme précis, "la sélection naturelle". Le Darwinisme ne doit pas être confondu avec le transformisme. Le Darwinisme est l’explication de la transformation des espèces par "la lutte pour la vie" qui élimine les moins aptes et conserve les "meilleurs".
Les éleveurs parviennent à modifier les espèces animales. Dans presque toutes les populations, ceux qui parviennent à l’âge procréateur ont été choisis par  "une sélection naturelle" qui a éliminé les plus faibles. Les caractères sont sélectionnés naturellement. Ils doivent donc se répandre progressivement dans la population. Celle-ci, de génération en génération se transforme, elle évolue.

Une synthèse convaincante : le néo-darwinisme
 
Finalement, "ce" qui évolue n’est ni l’individu, ni la collection d’individus qui constituent une population mais l’ensemble des gènes qu’ils portent. D’une génération à la suivante, cet ensemble se transforme sous l’influence de multiples événements. Les mutations (événements très rares) apportent des gènes nouveaux.  Une novation peut provenir de l’entrée dans le groupe d’un gène, jusque là inconnu apporté par un immigrant provenant d’une autre population de la même espèce.

L’influence de ces nouveaux gènes peut être bénéfique ou maléfique et dépend bien-sûr du "milieu". La limitation de l’effectif du groupe entraîne une variation aléatoire des fréquences des gènes, le hasard jouant dans ce cas un rôle important : la "dérive génétique".

La façon dont les couples procréateurs se constituent peut influencer le processus de transmission des gènes. L’objectif du "néo-darwinisme" est de passer en revue ces divers facteurs, de définir leur influence sur le destin d’un gène et de préciser le rythme de la transformation des structures génétiques. La sélection naturelle ne peut qu’améliorer la situation ; le bien général est d’autant mieux servi qu’on la laisse librement opérer.

Un prolongement abusif : le darwinisme social

L’extraordinaire retentissement des théories de Darwin ne tient certainement pas à la seule qualité de sa pensée scientifique. Une société ne fait un tel accueil à une théorie nouvelle que si cette théorie contribue, même sans l’avoir cherché, à résoudre certains de ses problèmes.
 
Au XIXème siècle, des fortunes s’édifient grâce aux ouvriers qui reçoivent des salaires leur permettant à peine de survivre. Des enfants travaillent dans les mines et ne sont remontés qu’une fois par semaine. Les nations européennes participent à l’aventure coloniale. Elles aboutissent à la mise en tutelle de peuples entiers, considérés comme inférieurs aux peuples de race blanche dont le succès apparaît définitif.

Pour une société imprégnée d’une religion qui prêche l’amour de son prochain, une attitude aussi dominatrice peut poser problème. Lorsqu’un scientifique affirme que le progrès du monde vivant est le résultat de la "lutte contre la vie", certes, cette affirmation est fondée sur l’observation des animaux et concerne uniquement les caractéristiques biologiques liées à la survie et la procréation, mais elle est comprise immédiatement comme la justification d’un comportement de compétition. Le développement d’un darwinisme social qui consisterait à éliminer "les êtres inférieurs" ne représente nullement, malgré le terme employé pour le désigner un prolongement des constatations faites par Darwin au sujet de l’évolution du monde vivant. Il s’agit d’une réflexion tout autre, tendue vers une attitude délibérée, volontariste de sélection artificielle.

Une remise en cause radicale : le non – darwinisme

Il s’agit de mettre l’accent sur le facteur évolutif introduit par la découverte de Mendel, le hasard et de limiter autant que possible le recours au concept darwinien imprécis de "valeur sélective". Notre vision du processus de l’évolution s’en trouve profondément modifiée : le rythme de celle-ci n’est plus dicté par l’intensité des pressions sélectives, mais par la fréquence des mutations. Le premier rôle n’est plus tenu par la nécessité, mais par le hasard. Que le hasard soit introduit comme facteur explicatif, ou qu’il résulte de la complexité des déterminismes, c’est à lui que finalement nous faisons appel pour décrire l’évolution.
Illusion d’un type : réalité d’une dispersion
 
Le monde vivant que nous observons n’est pas un accomplissement d’une série de déterminismes qui ne pouvaient que le conduire à l’état où nous le voyons, il n’était pas nécessaire. L’arbre des espèces n’était pas pré-dessiné lors des premiers balbutiements de la vie ; les branches nouvelles qu’il peut encore produire sont imprévisibles. 


Chapitre six : L’amélioration des espèces : quelle amélioration ?

Les succès de la sélection artificielle ne sont pas niables. Mais avant de nous interroger sur la transposition de cette réussite à notre propos, il faut préciser: ses objectifs et les techniques utilisées. Au XVIIIème siècle, une action systématique a été entreprise en vue d’améliorer certaines caractéristiques du bétail. Les réussites ont été nombreuses, mais on a constaté une plus grande fragilité des animaux. Les progrès du rendement des céréales après hybridation des espèces ont été spectaculaires. La sélection qu’elle soit artificielle ou naturelle porte nécessairement sur les individus, non sur les caractères. Les résultats obtenus s’accompagnent d’effets secondaires qui, à long terme, peuvent avoir beaucoup plus d’importance que les modifications volontairement réalisées. Les scientifiques disent eux-mêmes ne pas maîtriser tous les concepts utilisés.

L’héritabilité : concept central

Un caractère est "héritable" lorsqu’une certaine ressemblance est considérée entre les parents et les enfants, ou entre les individus ayant un lien parental étroit. Attention, le terme "génétique" est un mot éculé, épuisé d’avoir été prononcé par tant de bouches, écrits par tant de plumes, vidé de tous sens précis, par la diversité des concepts auxquels il a servi d’étiquette.

Les deux concepts "héritables" et "génétique" ne sont pas indépendants, mais la liaison entre eux n’est ni simple, ni claire. L’interrogation primordiale des scientifiques tient se demander quelle est la part du patrimoine génétique dans la manifestation d’un caractère. En toute rigueur, nous ne pouvons pas affirmer qu’un caractère est gouverné par 1, 2 ou n paires de gènes, mais seulement les variations de caractère.

Un caractère peut être soumis à de multiples déterminismes mettant en jeu de très nombreux gènes, mais ne présenter dans une population donnée que des variations dues à une seule paire de gènes. On se pose naturellement la question lorsque l’on étudie un caractère soumis, de toute évidence, à la fois de l’influence des patrimoines génétiques des individus et aux milieux dans lesquels ils vivent. Cette question est: quelles sont la part du génotype et la part du milieu dans les différences que nous constatons entre les individus ?

Dés qu’un phénomène est quantifié, il est toujours possible de faire subir aux mesures observées des traitements mathématiques complexes, aboutissant à l’estimation de divers paramètres. Cependant si ces paramètres n’ont pas de sens précis, les calculs qui permettent de les estimer constituent une activité rigoureusement inutile. Dans de nombreux cas, l’interaction entre le génotype et le milieu est telle que la caractéristique étudiée ne permet pas de classer les génotypes.

Un habillage mathématique ne peut donner de sens à une mesure inepte. Un généticien perturbé, un psychologue dément peuvent un jour inventer le paramètre X obtenu, pour chaque personne chargée de famille, en divisant sa taille par le tour de tête de son conjoint et en ajoutant la moyenne des QI de ses enfants. Ils peuvent donner à X un nom à consonance grecque, ou mieux, anglaise, calculer X dans de nombreuses familles, comparer les moyennes de X selon les groupes socioprofessionnels, les races ou les générations, déterminer l’héritabilité de X, etc. La débauche de calculs n’empêchera pas tous les résultats obtenus de n’avoir aucun intérêt, puisqu’ils concernent des chiffres qui ne mesurent rien.

Les interrogations et les doute
 
Le patrimoine génétique des variétés végétales que nous sélectionnons est-il meilleur que le patrimoine ancestral ? Lui est-il au contraire inférieur ? A cette question, aucune réponse ne peut être donnée. Les variétés cultivées actuellement sont si éloignées des caractéristiques exigées naturellement pour la reproduction qu’elles ne peuvent se perpétuer sans intervention humaine. Si un cataclysme biologique ou atomique détruisait l’Humanité, les maïs disparaîtraient simultanément.
Quant aux espèces animales, beaucoup sont arrivées à un stade de spécialisation qui met leur survie sous notre dépendance, incapables de résister seules aux moindres agressions du milieu. Pouvons-nous nous vanter d’avoir amélioré le maïs ou les chevaux alors que nous en avons fait des espèces incapables de survivre sans nous ?


Chapitre sept : Intelligence et patrimoine génétique

La plupart des sociétés craignent une décadence, voire une dégénérescence biologique. Beaucoup pense que pour le bien du groupe, il faut que les "meilleurs" participent plus que les autres à la transmission du patrimoine biologique. Il faut s’interroger sur la signification de cet eugénisme spontané. La première question est : que veut dire meilleur ? Implicitement ou non, tous les programmes d’amélioration de l’Homme visent à créer des êtres d’une intelligence supérieure. 

Qu’est-ce que l’intelligence ? Le mot intelligence répond à une multitude de concepts variés. Elle peut être un ensemble de capacités, un pouvoir, une forme d’énergie dont nous ne connaissons pas la nature, mais dont nous constatons certaines manifestations comme la capacité d’abstraction, ou la capacité à adapter son comportement. Ces capacités se retrouvent aussi chez les animaux. Le Qi est un paramètre arbitrairement choisi pour représenter un objet inaccessible.
 
Age mental et QI
 
Les psychologues ont inventé de nombreux tests. Mais comment en faire la synthèse ? On peut établir une échelle faisant correspondre à chaque test l’âge auquel il est normalement réussi. En fonction des résultats d’un enfant à un ensemble de tests, on pourra alors calculer son "âge mental ". Mais l’âge mental que notre esprit saisit aisément, est une donnée unique qui ne garde qu’une faible partie de  l’information. Le quotient de développement intellectuel prend en compte l’âge et le développement intellectuel. Il est égal à 100 x le quotient âge mental / âge réel.

L’instabilité et l'imprécision du QI

Le développement intellectuel est peu compatible avec l’hypothèse d’une progression continue dans le temps. Le QI est une mesure qui reflète une certaine phase du développement qui dépend pour une part très importante des événements qu’il a vécu. Toute observation perturbe, l’interaction entre l’observateur et l’observé est telle que le résultat est influencé par le comportement du psychologue, ce qu’il en attend. Les tests utilisés pour aboutir à une estimation du QI ont été étalonnés avec grand soin. Personne, cependant, ne se hasarderait à prétendre qu’ils aboutissent à une mesure exacte. Le QI est tout au moins en moyenne, un bon indicateur des chances de réussite ou des risques d’échec au cours de la scolarité.

QI et patrimoine génétique
 
C’est une analyse très complexe de déterminer la part du milieu et des gènes. Il faudrait étudier des "vrais jumeaux" élevés dans des milieux différents. Or ce cas est très rare. Ces études sont peu nombreuses et ne portent que sur des effectifs très faibles.
 
Une autre direction de recherche consiste dans l’observation des enfants adoptés, en comparant la corrélation entre les QI de ces enfants et ceux, d’une part des parents biologiques, d’autre part de leurs parents adoptifs. Ce sont des études difficiles à mener sur le terrain. Un professeur de sociologie, C. Jenks à Harvard a estimé que 45% de la variance constatée pouvait être attribuée aux effets du patrimoine génétique, 35% aux effets du milieu et 20% de l’interaction entre le génome et l’environnement.

L’inégalité des QI selon les races et les classes

Une recherche américaine prouve que les noirs ont en moyenne un QI inférieur de 15% à celui des blancs. Cet écart peut être entièrement expliqué par la différence d’environnement culturel entre les deux. Ce sont des raisonnements dépourvus de toute logique. Des remarques semblables peuvent être faites à propos des écarts constatés entre les classes sociales ou les professions. Combiné avec l’affirmation affichée comme un dogme, que le QI est déterminé pour 80% par le patrimoine génétique, on veut démontrer que les inégalités sociales sont la conséquence des inégalités génétiques contre lesquelles personne ne peut rien. Il ne s’agit que d’un nouvel avatar du déterminisme social. 

Il est ridicule de persuader les professeurs que leurs patrimoines génétiques sont plus favorables que ceux des avocats ou des chirurgiens. Mais il est criminel de persuader les jardiniers ou les tapissiers que leurs dotations génétiques les placent à la limite inférieure de l’échelle intellectuelle et que leurs enfants seront marqués dés la conception par cette infériorité.

Le referendum de la Genetics Society s’est mise d’accord sur ce texte en 1975: "Il n’existe aucune preuve convaincante permettant d’affirmer qu’il y a ou qu’il n’y a pas de différence génétique appréciable de l’intelligence entre les races. Les généticiens doivent s’exprimer en s’opposant au mauvais usage de la génétique en vue d’objectifs politiques."

Recherche de la vérité ou manipulation d’opinion
 
Les médias tendent à diviser les scientifiques en deux groupes: Les "héréditaristes" admettant que l’intelligence est déterminée avant tout par le patrimoine génétique et les "environnementalistes" (la plupart des généticiens) prétendant que le milieu joue le plus grand rôle. 

Pour conclure, on peut dire que l’activité intellectuelle nécessite un organe construit à partir d’une information génétique, et un apprentissage de cet organe au cours d’une certaine aventure humaine bien mal désignée par le mot « environnement ». Deux individus quelconques ont nécessairement des patrimoines génétiques différents (sauf les jumeaux homozygotes) et ont vécu des expériences différentes. Les outils intellectuels dont ils disposent sont différents ainsi que leur QI, mais nous n’avons aucun moyen d’attribuer cet écart à une cause ou à une autre. La science ne peut être neutre. Son objectif principal ne doit pas être de répondre aux questions, mais de préciser le sens de ces questions.


Chapitre huit : La tentation d’agir

L’explosion démographique

Agir sur notre effectif est urgent: n’est-il pas naturel de traiter simultanément le qualitatif et le quantitatif, de nous efforcer d’améliorer l’Homme ? La première révolution démographique est apportée par l’invention de l’agriculture (-5000 avJC). La seconde révolution est apportée par les progrès médicaux contre la maladie et la mort. Au rythme actuel, 3 ans suffisent pour ajouter à l’Humanité autant d’hommes qu’il en vivait au temps de JC. Ce développement exponentiel ne peut qu’aboutir à une catastrophe si une action collective ne se développe pas rapidement. La limite de l’espace 300 hab/km2 par nombre d’habitants sera atteinte en 2100, dans cinq générations. Voulue ou subie, la troisième révolution démographique (c'est-à-dire le passage à la stabilité) ne peut être évitée. La limitation des naissances aura des conséquences innombrables sur l’organisation sociale et les attitudes individuelles.

Les conséquences d’un nouveau régime démographique

Accepter la croissance zéro, c’est accepter une culture où le droit de procréer est soumis, soit à une réglementation extrêmement sévère, soit à une pression sociale très forte. Un décalage entre les dates auxquelles les diverses sociétés entament la troisième révolution démographique entraîne un clivage, des tensions, dont les conséquences sont difficilement prévisibles. Nous sommes devant un phénomène explosif, non autorégulé auquel nous ne sommes pas préparés. Le déluge d’hommes qui submergent notre Terre semble donner du poids aux discours de ceux qui préconisent une politique de sélection de qualité, telle l’élite des epsilons imaginés par Aldous Huxley.

Recours passés et allusions actuelles à l’eugénique

L’Allemagne nazie a été très loin dans l’eugénisme, en enlevant des petites filles polonaises correspondant à certains critères, élevées ensuite en Allemagne et fécondées par des SS. Au bout de trois naissances, elles étaient éliminées.
Aux Etats-Unis, des travaux de biologistes amenèrent des mesures concrètes: la stérilisation des individus porteurs de tares considérées comme transmissibles. Entre 1907 et 1949, 50.000 stérilisations ont été pratiquées dans 33 états dont près de la moitié sur des "faibles d’esprit".

L’Immigration Act de 1924 limite sévèrement l’immigration à partir du Sud et de l’Est de l’Europe, parce qu’on déclare que ces populations sont inférieures. On se doute bien que nous allons vers un droit à la reproduction limité, il est dés lors inéluctable d’aboutir au raisonnement du biologiste américain G. Bentley Glass: "Le droit qui doit devenir le droit suprême n’est plus celui de procréer, mais celui qu’a chaque enfant de naître avec une constitution physique et mentale saine, basée sur un génotype sain." C’est le dernier terme de la phrase qui pose problème, naître avec un génotype sain n’est pas aussi simple que B. Glass semble le supposer. Comment juger de la qualité  d’un génotype ?
 
La difficulté de juger
 
Nous savons que certaines associations géniques responsables du diabète sont sans doute favorables en période de famine. Comment porter un jugement sur ces génotypes qui se transmettent pendant des millénaires et seront alternativement maléfiques et bénéfiques. Le critère n’est plus l’avenir de tel gène, ou à court terme, l’avenir de tel individu, mais l’avenir d’un groupe humain dans son ensemble, sa capacité à se renouveler.

Un bon patrimoine génétique collectif doit être divers. Il ne faut pas "améliorer les individus " mais préserver la diversité. Il faut sauvegarder la richesse génétique que constitue la présence des gènes divers. Nous sommes loin de la position simpliste consistant à proposer diverses mesures (prohibition de certaines unions, stérilisations…).

L’eugénique est sans doute l’exemple extrême d’une utilisation perverse de la science. Les abus conduisent beaucoup de nos contemporains à s’interroger sur le bien fondé de l’effort scientifique. Ce qui semblait œuvre de libération est devenu suspect, tout cet effort risque de déboucher sur une prise de pouvoir par quelques uns et l’aliénation du plus grand nombre. Le progrès de la connaissance, longtemps synonyme de progrès de l’Humanité, ne va-t-il pas aboutir à l’anéantissement de notre espèce ? Cette angoisse explique le succès du Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique fondé par Robert Mallet.

La richesse d’un groupe est faite de "ses mutins et ses mutants" selon l’expression d’Edgar Morin (sociologue et philosophe français). Il s’agit de reconnaître que l’autre nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable. C’est la leçon que nous donne la génétique. "Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente" St Exupéry.

L’amour des différences

Quel plus beau cadeau peut nous faire l’autre que de renforcer notre unicité, notre originalité, en étant différent de nous ? La leçon première de la génétique est que les individus, tous différents, ne peuvent être classés, évalués, ordonnés: la définition de "races" ne peut être qu’arbitraire et imprécise. Par chance, la nature dispose d’une merveilleuse robustesse face aux méfaits de l’Homme. 
Le flux génétique poursuit son œuvre de différenciation et de maintien de la diversité, presque insensible aux agissements humains. La révolte contre la trilogie métro-boulot-dodo, contre le carcan du confort douceâtre, l’affadissement du quotidien organise la mort insinuante des acceptations. Ce sont nos enfants qui nous l’enseignent. Sauront-ils bâtir un monde où l’Homme sera moins à la merci de l’Homme ?

dimanche 7 octobre 2018

L'atelier du menuisier

Un menuisier avait un bel atelier où il exerçait son métier avec amour. Un jour, en l’absence du patron, les ouvriers se réunirent en grand conseil. La séance fut longue et animée et parfois même véhémente. Il s’agissait d’exclure de l’honorable assemblée un certain nombre de membres.

L’un d’eux prit la parole: « Nous devons expulser notre sœur la scie, parce qu’elle déchiquette tout et fait grincer les dents. Elle a le caractère le plus mordant de toute la terre ! »

Un autre intervint: « Nous ne pouvons pas garder parmi nous notre frère le rabot. Il a un caractère coupant et tatillon au point d’éplucher tout ce qu’il touche. »

« Frère marteau, protesta un autre outil, a un sale caractère, lourdaud et violent. C’est un vrai cogneur. Sa façon de battre sans cesse, jusqu’à taper sur les nerfs de tout le monde, est plus que choquante. Chassons-le ! »

« Et les clous ? Peut-on vivre avec des gens piquants ? Qu’ils s’en aillent tous ! Sans parler de la lime et de la râpe. Leur compagnie est cause de continuelles frictions. Chassons aussi le papier de verre : il ne semble exister que pour égratigner son prochain ! »

Ainsi débattaient avec de plus en plus d’animosité les outils du menuisier. Ils parlaient tous en même temps. Le marteau voulait expulser la lime et le rabot qui, à leur tour, voulaient se débarrasser de clous et du marteau. Et ainsi de suite.

A la fin de la séance, tout le monde avait exclu tout le monde...



La réunion fut brusquement interrompue par l’arrivée du menuisier. Tous les outils se turent quand ils le virent s’approcher de son établi.

L’homme prit une planche et la scia avec la scie mordante. Il la rabota avec le rabot qui pèle tout ce qu’il touche. Sœur la hache, qui blesse cruellement, sœur la râpe à la langue rugueuse, frère papier de verre qui gratte et égratigne : tous entrèrent en action, l’un après l’autre, l’un avec l’autre.

Le menuisier prit ensuite les frères clous au caractère piquant ainsi que le marteau qui frappe et percute. Il se servit de tous ses outils avec leurs défauts, leur caractère insupportable et, grâce à eux tous, il fabriqua un berceau.

Un magnifique berceau pour accueillir un bébé qui allait naître.

Puis il attaqua son dernier projet : un bateau qui allait permettre de mener à bon port des gens éloignés les uns des autres par un océan de préjugés.

lundi 1 octobre 2018

L'Utopie peut-elle encore changer le monde ?

Dans la langue courante, le mot tend à prendre principalement le sens que lui confère le dictionnaire : " idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité. " Utopie ? " Chimère, illusion, mirage, rêve", dit le Robert.

Le mot serait-il condamné dès le départ par son étymologie ? En effet, Le terme utopie, inventé par Thomas More est un néologisme grec "ou" = non, et "topos" = lieu, signifie étymologiquement un lieu inexistant, un lieu de "nulle part". C'est une conception d'une société idéale où les rapports humains sont réglés mécaniquement ou  harmonieusement. 



Pourquoi l'utopie ?

- Pour prendre du recul

L'Utopie tend à se constituer comme l'image d'un univers ordonné s'opposant au chaos. Le recours à la fiction est un procédé qui permet de prendre ses distances par rapport au présent pour mieux le relativiser et le décrire, d'une manière aussi concrète que possible. L'épanouissement du genre utopique correspond à une période où l'on pense justement que, plutôt que  d'attendre un monde meilleur dans un au-delà providentiel, les hommes devraient construire autrement leurs formes d'organisation politique et sociale pour venir à bout des vices, des guerres et des misères. Développer l'Utopie vise à convaincre les autres que d'autres modes de vie sont possibles.

L'utopie traduit une manière de penser caractéristique de l'humanisme. La société idéale peut-être une construction humaine, sans qu'il faille compter sur la Providence divine ou sur un changement surnaturel. L'utopie a pour vocation de projeter un idéal social, non de le réaliser : métaphoriquement, l'utopie ressemble à une ligne d'horizon vers laquelle l'on tend, sans jamais l'atteindre. Et d'ailleurs, l'utopie, justement parce qu'elle n'existe pas, invite d'autant mieux à l'idéalisation.

- Pour critiquer la société

L'utopie peut être considérée comme une critique de l'ordre existant et une volonté de le réformer en profondeur. Sa description relève de l'imaginaire dans un récit à portée philosophique, politique, idéologique ou morale. La fiction dans ce cas s'appuie sur une critique globale de la société où vit son auteur et l'aspiration à un monde meilleur. Les progrès utopiques sont nés de l'imagination d'auteurs et d'artistes qui vivaient des époques de changement, de crise sociale où les valeurs morales, économiques et politiques étaient remises en question. 

- Pour penser le monde autrement pour mieux le changer

Il s'agit de penser le monde autrement pour mieux le changer. Aspiration à un idéal ? Rêve impossible en l’état actuel des choses ? L'utopie devient alors une plate-forme politique, un "projet de société", un projet  débordant d'ambition puisqu'il vise à mobiliser les convaincus pour qu'ils engendrent un monde radicalement différent de celui qui existe. Pour recréer sur terre l'harmonie universelle ? L'ordre idéal, qui émerge du chaos ? Une tentative de reproduire ici-bas l'ordre régnant dans l'ensemble de l'univers ?

Pour que l'utopie finisse par contredire son étymologie : Qu'elle soit quelque part.

L'Utopie peut-elle encore changer le monde ?

Utopie, Michel Devillers
Blog: Regarde avec l' Oeil de ton Coeur
Qu'en est-il aujourd'hui ? Le constat du décès de l'utopie est une tentation courante. Surtout après les échecs des utopies totalitaires du XX° siècle (fascisme, stalinisme, intégrisme religieux etc). 

Exemple: Le communisme est un ordre social dans lequel les moyens de production sont la propriété de la communauté, et où la répartition des biens se fait selon les besoins ; c'est aussi la démarche politique visant à atteindre un tel ordre social. La construction de la société communiste n'a pas tenu ses promesses. Cette belle idée s'est très vite transformée en dictature du Parti communiste et en un dogme figé. La découverte graduelle des véritables conditions de vie de certains régimes dits " utopiques", le mot utopie prend un autre sens plus péjoratif : ce n'est plus une simple chimère inoffensive mais une vue de l'esprit risquée, menaçant à tout moment de déraper dans le réel et d'engendrer un enfer totalitaire.

« L'Histoire moderne a montré que l'utopie est mère de toutes les dictatures . » Disait Jacques Attali

Le XXe siècle fait apparaître le progrès pour ce qu’il est: une croyance. Croyance nécessaire, peut-être, en ce qu’elle a pu cimenter, plus d’une fois, la volonté collective, mais croyance dont l’histoire nous a forcé à nous dépeindre à coups de désastres régressifs et de barbaries modernes. C’est à cette époque, que la littérature est traversée par l’opposition entre utopie et contre-utopie, entre rêve et cauchemar. C’est une opposition qui ouvre grand l’arc du possible, entre le pire et le meilleur, qui détruit les illusions du progrès. Du même coup, elle fait apparaître l’utopie comme un objet double, constitué d’une face radieuse et d’une face sombre. Certains récits utopiques font virer le rêve au cauchemar. Comme si le projet utopique pouvait à  l'occasion générer son contraire, une dystopie, une contre-utopie, fragilisant ainsi la frontière qui sépare la construction utopique de la construction totalitaire.

Exemple: Les visions de "1984" de Georges Orwell ou du "Meilleur des Mondes" d'Aldous Huxley sont dans certains cas tellement justes, quand on les compare à notre époque, leur justesse et leur vérité est à glacer le sang.
Toutefois, si l'on considère que l'utopie c'est :

- prendre du recul
- critiquer la société
- penser le monde autrement pour mieux le changer

Alors, il est possible d'imaginer et de créer pour le XXI° siècle des utopies non totalitaires et non violentes, immédiates et concrètes, non plus imposées par des autorités supérieures (états, religions, organismes…),mais décidées et mises en œuvre par les individus, groupes et peuples eux-mêmes.

Jacques Attali, pour faire écho à sa première citation a aussi écrit: « Faut-il se contenter du monde comme il est et de l'Histoire comme elle vient ? »

Quoi qu'on en pense, il est clair que la démarche utopique n'est pas prête de s'éteindre et que l'imagination sociale est une dimension constitutive de la vie en commun. Au demeurant, notre histoire est remplie de promesses non tenues et il vaut mieux imaginer le futur que le subir.

«J’atteins l’âge où proposer une utopie est un devoir ; l’âge où les époques à venir semblent toutes également éloignées : qu’elles appartiennent à des siècles lointains ou à de prochaines décennies, elles sont toutes tapies dans un domaine temporel que je ne parcourrai pas. »  Albert Jacquard

vendredi 28 septembre 2018

L'âme de l'argent - Lynne Twist (1945-)

L'âme de l'argent - 2003

Cet ouvrage nous montre qu'à travers un simple examen de notre rapport à l'argent (la façon dont on le gagne, le dépense, le partage, le garde) nous montre quelles sont nos valeurs primordiales.

Dans une société de consommation qui glorifie la publicité, la vente et l'avidité insatiable comme mesure de la valeur personnelle, Lynne Twist nous amène dans son livre à nous distancier et à réexaminer notre rapport à l'argent afin d'évaluer notre connexion aux principes humains fondamentaux. En vivant consciemment et pleinement ce rapport à l'argent, nous pouvons considérablement transformer tous les aspects de notre vie.

Lynne Twist, mandataire d'une fondation humanitaire, fondatrice de la Pachamama Alliance (qui travaille avec les indigènes à la sauvegarde de la forêt équatoriale), collectrice de fonds pour l'association Hunger Project, elle a voyagé en Amérique du Sud et œuvré avec des civilisations qui ne connaissent le concept d'argent que depuis peu de temps. Elle travaille à la fois avec les plus démunis sur terre (privés des ressources essentielles comme les habitants du Sahel) et les plus fortunés habitant les nations opulentes telles que la France, la Finlande, les États Unis...

L'argent signifie pour chaque civilisation des choses différentes. Comme elle l'évoque dans son introduction, l'argent exerce une emprise puissante sur nos vies, il nous inflige des blessures et des épreuves, et la plus petite somme peut être garante d'un extraordinaire pouvoir de guérison lorsque nous l'employons pour exprimer notre âme humaine, nos idéaux les plus nobles et les valeurs et allégeances qui nous tiennent à cœur.

Pour Lynne Twist examiner notre lien à l'argent peut amener la paix de l'esprit.


Lynne Twist
Extrait :

L'avion a atterri à New York en plein orage, et je suis finalement arrivée à destination: une vieille église de Harlem, dans le sous-sol de laquelle environ soixante quinze personnes s'étaient rassemblées pour la soirée.Quel contraste avec les luxueux bureaux que j'avais quittés quelques heures auparavant! A cause de la pluie, l'eau s'infiltrait un peu partout dans la salle. Çà et là le long des murs, des seaux avaient été disposés où les fuites s'accumulaient. En arrière-plan, la pluie tambourinait et l'on entendait le bruit régulier de l'eau dégoulinant le long des murs et du plafond. J'étais à la fois intimidée et soulagée, plus à l'aise au sein de cette assemblée communautaire que dans les bureaux de cette compagnie. J'étais toutefois consciente d'être la seule blanche présente, et la robe de soie qui avait eu pour but d'impressionner le chef de la direction de la grosse compagnie alimentaire de Chicago me paraissait déplacée et ridicule dans ces circonstances. Un seul regard sur l'assistance m'apprit que les gens présents n'avaient pas beaucoup de sous à offrir. je leur ai parlé de l'engagement en Afrique de Hunger Project, car je croyais que c'était le sujet le plus directement lié à leur vie et à leur héritage. Le moment venu de solliciter des dons, j'avais les mains moite; je n'étais plus certaine que c'était ce qu'il fallait faire. J'ai tout de même formulé ma requête. Un silence de plomb s'est abattu sur la salle.

Après ce qui m'a paru un interminable interlude silencieux, une femme se leva. Son siège était près de l'allée, vers l'arrière de la pièce. Elle avait environ soixante-dix ans, et ses cheveux gris étaient séparés par une raie au milieu et convenablement noués en chignon. Debout, bien droite, elle était grande, mince et altière. "Ma fille, commença-t-elle, je m'appelle Gertrude, j'aime bien ce que tu racontes et je t'aime bien. Par contre, je n'ai pas de compte en banque ni de carte de crédit. En ce qui me concerne, l'argent c'est comme l'eau. Pour certains, il jaillit dans leur vie comme une rivière tumultueuse. Dans la mienne, il ruisselle sous forme de rigole. Je voudrais cependant le partager de manière à faire le plus de bien possible au plus grand nombre de gens possible. J'estime que c'est mon droit et ma responsabilité. C'est aussi une joie. J'ai cinquante dollars dans mon sac à main, que j'ai gagnés en faisant la lessive d'une femme blanche, et je tiens à te l'offrir." (...)

L'argent de Gertrude était imprégné de son désir de faire le bien; il portait le sceau de son âme. En acceptant son don, je me suis sentie inspirée et régénérée par cette expression d'intégrité et de détermination. (...) Le montant exact et ce qu'il permettait d'acheter étaient d'une importance moindre que le pouvoir de cet argent qui circulait avec une raison d'être, une intention bienveillante et l'énergie du cœur. Gertrude m'a enseigné que ce pouvoir émane vraiment de l'intention avec laquelle l'argent est donné et de l'intégrité avec laquelle nous le distribuons dans le monde.(...) 

Gertrude m'a donc enseigné que l'argent est comme l'eau. Il circule dans notre vie à tous, parfois telle une rivière tumultueuse, parfois tel un ruisselet. Quand il passe, il purifie, nettoie, suscite la croissance et nourrit. En revanche s'il s'immobilise ou reste captif trop longtemps, il devient stagnant et toxique pour ceux qui le détiennent ou l'entassent.

Comme l'eau, l'argent est un transporteur. Il peut porter l'énergie bénie d'une intention et d'une potentialité, ou véhiculer le contrôle, la domination et la culpabilité. Tantôt il sera un courant d'amour, un conduit pour l'engagement, tantôt il apportera le mal et la douleur.

samedi 22 septembre 2018

Les quatre accords Toltèques - Miguel Ruiz (1952-)

Les quatre accords Toltèques - Editions Poche Jouvence
Né en 1952 dans une famille de guérisseurs au Mexique, Miguel Ruiz devient neurochirurgien, avant qu’une NDE (near death experience, « expérience de mort imminente ») dans les années 1970 ne transforme sa vie. Il décide alors de retrouver le savoir de ses ancêtres toltèques, devient chaman et se donne pour mission de transmettre cette sagesse au plus grand nombre. Après des années d’enseignement et d’écriture, il est victime d’une attaque cardiaque en 2002, à laquelle il a survécu. Il passe alors le relais à son fils, José Luis Ruiz.

Dans ce livre, l'auteur nous révèle la source des croyances limitatrices qui nous privent de joie et créent des souffrances inutiles. Il montre comment on peut se libérer du conditionnement collectif - le "rêve de la planète", basé sur la peur - afin de retrouver la dimension d'amour inconditionnel qui est à notre origine et constitue le fondement des enseignements toltèques que Castenada fut le premier à faire découvrir au grand public.

Miguel Ruiz propose de passer avec soi quatre accords visant à briser nos croyances limitatives. Celles que nous développons depuis l’enfance, qui distordent la réalité et nous maintiennent dans la souffrance. A force de conditionnements culturels et éducatifs (sur ce qui est juste ou faux, bon ou mauvais, beau ou laid) et de projections personnelles (« Je dois être gentil », « Je dois réussir »…), nous avons intégré une image fausse de nous-même et du monde.

Ces idées ne sont pas nouvelles. Elles reprennent les principes de la thérapie cognitive, qui démontrent à quel point le manque de distance ou la généralisation abusive sont des pièges. Le talent de l’auteur est d’expliquer ces quatre accords avec des mots simples, qui frôlent parfois la naïveté et des cas concrets. Miguel Ruiz n’ordonne rien. Il laisse entendre que s’il a pu s’approprier ces accords, tout le monde peut le faire.

Les quatre accords en question se résument ainsi :


Que votre parole soit impeccable

Parlez avec intégrité, ne dites que ce que vous pensez. N’utilisez pas la parole contre vous ni pour médire d’autrui.

Miguel Ruiz rappelle le pouvoir du verbe sur le psychisme. Qui n’a pas gardé en mémoire une phrase blessante d’un parent ? Et ne la fait pas encore résonner une fois adulte ? La parole est un outil qui peut détruire. Ou construire. Contrairement à ce que nous croyons souvent, les mots ont du poids : ils agissent sur la réalité. Par exemple, dites à un enfant qu’il est enrobé et il se sentira gros toute sa vie.

Comment s’y prendre ? En cultivant la modération dans ses propos : ne pas en dire trop, ni trop vite. Et cela commence dans le discours que l’on se tient à soi-même : "La clé, c’est l’attention à notre discours intérieur". Les critiques et les jugements que nous cultivons sur autrui, mais aussi les sempiternels "Je suis nul" , "Je suis incapable" ou "Je ne suis pas beau" que nous entretenons à notre sujet sont des paroles négatives qui polluent notre mental. Or, elles ne sont que projections, images faussées en réponse à ce que nous croyons que l’autre ou le monde attend de nous. Conclusion : parlons peu, mais parlons vrai, en valorisant aussi nos atouts et ceux d’autrui.

N’en faites jamais une affaire personnelle

Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité. Lorsque vous êtes immunisé contre cela, vous n’êtes plus victime de souffrances inutiles.

Les paroles et les actes de l’autre ne nous concernent pas en propre. Ils lui appartiennent parce qu’ils sont l’expression de ses propres croyances. Vous êtes critiqué ? Ou encensé ? C’est l’image que l’autre se fait de vous. Ce n’est pas vous.
De même, les événements qui surviennent ne sont pas toujours des réponses à notre comportement. Selon Miguel Ruiz, nous devons sortir de cet égocentrisme qui nous fait croire que tout ce qui arrive autour de nous est une conséquence de notre attitude. Le « moi je » nous maintient dans l’illusion. Donc dans la souffrance.

Comment s’y prendre ? "Il s’agit moins de rester stoïque que de prendre du recul ". Ramener à soi ce qui appartient à l’autre déclenche inévitablement de la peur, de la colère ou de la tristesse, et une réaction de défense. L’objectif : laisser à l’autre la responsabilité de sa parole ou de ses actes et ne pas s’en mêler. Cela suffit souvent à calmer le jeu.

Ne faites aucune supposition

Ayez le courage de poser des questions et d’exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames.

C’est un travers banal: nous supposons, nous élaborons des hypothèses et nous finissons par y croire. Un ami ne nous a pas dit bonjour ce matin, et nous imaginons qu’il nous en veut ! Selon Miguel Ruiz, c’est un "poison émotionnel". Pour s’en libérer, il propose d’apprendre à mettre les choses à plat, par exemple en exprimant ses doutes. Ce qui implique d’apprendre à écouter et d’être capable d’entendre.

Comment s’y prendre ? Il s’agit de prendre conscience que nos suppositions sont des créations de notre pensée. Dès lors qu’une hypothèse devient une croyance (Cet ami est fâché contre moi ), nous élaborons un comportement de pression (Je ne l’aime plus non plus ou je dois le convaincre de m’aimer à nouveau ), source d’angoisse et de stress.

Faites toujours de votre mieux

Votre “mieux” change d’instant en instant. Quelles que soient les circonstances, faites simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger.

Cet accord découle des trois premiers. Lorsque vous en faites trop, vous vous videz de votre énergie et vous finissez par agir contre vous. Mais si vous en faites moins, vous vous exposez à la frustration, à la culpabilité et au regret. Le but est de trouver le juste équilibre.

Comment s’y prendre ? Ce qui est juste pour soi ne dépend en aucun cas d’une norme. Pour Miguel Ruiz, certains jours, faire ce qu’il y a de mieux pour soi, c’est rester au lit. Dans tous les cas, le pire piège est la course à la perfection. L’un des moyens d’éviter ce travers est de remplacer nos "Je dois faire ceci " par des "Je peux faire ceci". Cela permet de s’approprier pleinement l’objectif à atteindre, sans se soucier du jugement et des attentes des autres. Cela permet aussi d'éviter de se "juger".

dimanche 5 août 2018

Pavane op. 50 - Gabriel Fauré (1845-1924)

Pavane op. 50 en fa dièse mineur est une œuvre symphonique avec chœurs, écrite par Gabriel Fauré en 1887. La partition initiale est écrite pour un petit orchestre comprenant des cordes, deux hautbois, deux flûtes, deux clarinettes, deux bassons et deux cors. La pavane devait être donnée dans une série de concerts donnés par Jules Danbé. Elle est dédicacée à la comtesse Elisabeth Greffuhle. Le musicien ajoute, à la demande de cette dernière, une partie chorale sur un texte de Robert de Montesquiou-Fezensac, cousin de celle-ci. La première a lieu le 25 novembre 1888 par les Concerts Lamoureux sous la direction de Charles Lamoureux.



Gabriel Fauré
Gabriel Fauré est un compositeur français, né à Pamiers le 12 mai 1845 et mort à Paris le 4 novembre 1924.Elève de Saint-Saëns et Gustave Lefèvre à l'École Niedermeyer de Paris, il est d'abord organiste à l'église de la Madeleine à Paris. Il est ensuite professeur de composition au Conservatoire de Paris, puis directeur de l'établissement de 1905 à 1920.

Dès l’âge de neuf ans, il quitte la maison familiale de Pamiers et part à Paris pour étudier à l’École Niedermeyer. Il y étudie onze années avec plusieurs musiciens de premier plan, dont Saint-Saëns. En 1870, Fauré s’engage dans l’armée. Pendant la Commune de Paris, il demeure à Rambouillet et en Suisse, où il enseigne à l'Ecole Niedermeyer qui avait été déplacée. Il retourne à Paris en octobre 1871 et devient organiste titulaire à l’église Saint-Sulpice tout en participant régulièrement au salon de Saint-Saëns et de Pauline Garcia-Viardot. Il y rencontre les principaux musiciens parisiens de l’époque et forme avec eux la Société Nationale de Musique.

En 1874, Fauré remplace à l’Eglise de la Madeleine Saint-Saëns souvent absent. Quand ce dernier prend sa retraite en 1877, Fauré devient chef de chœur. A la même époque, il se fiance avec Marianne Viardot, la fille de Pauline, mais ces fiançailles sont assez vite rompues par Marianne. Déçu, il voyage à Weimar, où il rencontre Liszt.

En 1883, Fauré épouse Marie Fremiet, avec qui il a deux fils. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il assure les services quotidiens à l’Eglise de la Madeleine. Durant cette période, il écrit plusieurs œuvres importantes, de nombreuses pièces pour piano et des chansons, mais les détruit pour la plupart après quelques présentations et n’en retient que quelques mouvements pour en réutiliser les motifs.

Dans les années 1890, Il voyage à Venise, où il rencontre des amis et écrit plusieurs œuvres. En 1892, il devient inspecteur des conservatoires de musique en province. En 1896, il est nommé organiste en chef à l’Eglise de la Madeleine et succède à Jules Massenet comme professeur de composition au Conservatoire de Paris. Il enseigne alors à de grands compositeurs comme Maurice Ravel et Nadia Boulanger.

De 1903 à 1921, Fauré est critique au Figaro. En 1905, il succède à Théodore Dubois comme directeur du Conservatoire de Paris. Il est élu à l’Institut de France en 1909. En 1920, à 75 ans, il prend sa retraite du Conservatoire. Gabriel Fauré meurt à Paris en 1924. Des funérailles nationales eurent lieu à l’Eglise de la Madeleine. Il est inhumé au Cimetière de Passy à Paris.

Avec Debussy, Ravel, Satie et Saint-Saëns, Gabriel Fauré est l'un des grands musiciens français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

vendredi 3 août 2018

Hannah Arendt (1906-1975)

Hannah Arendt (1906-1975)
Hannah Arendt, née Johanna Arend est une philosophe allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité. Née en Allemagne à Hanovre en 1906, Hannah n'était qu'une enfant lorsque son père meurt. ingénieur de formation, il avait étudié avec passion les auteurs classiques Grecs et Latins. Sa mère pratiquait le français et la musique, tous deux étaient persuadés de la nécessité d'éduquer les jeunes filles

De 1924 à 1929 elle suit des études secondaires, durant lesquelles elle montre une précocité extrême en philosophie,puis elle effectue ses études supérieures. Elle est successivement élève de Husserl, de Heidegger et de Jaspers. Sous sa direction elle soutient son doctorat sur "le concept d'amour chez Saint Augustin".

De 1929 à 1931 naît à travers d'évènements douloureux chez cette jeune femme, la conscience de son identité juive. Elle est arrêtée par la Gestapo. 

Elle en réchappera miraculeusement. Suivent d'amères déceptions relatives à l'attitude de nombreux amis, en particulier, celui qui demeurera jusqu'à la fin de sa vie son maître et son amant, Martin Heidegger.

De 1931 à 1939 Elle réside à Paris. Au contact d'intellectuels de l'époque, Sartre, Raymond Aron, Stéphan Zweig, Bertolt Brecht, elle milite dans des organisations sionistes et facilite le départ vers la Palestine de nombreuses personnes. Après des séjours dans les kibboutz, elle revient émerveillée mais préoccupée par l'aveuglement des sionistes vis à vis de la question arabe. Elle rencontre à Paris Heinrich Blücher qui deviendra quelques années plus tard son second mari, il sera le révélateur de sa passion pour la philosophie politique.

De 1940 à 1945. Elle fuit le régime de Vichy après avoir été internée quelques semaines suite à la rafle du "Vel' d'Hiv", elle émigre au Etats Unis avec sa mère et son mari. A la faveur des connaissances qu'elle avait acquises sur le comportement de la Droite française, elle publie une étude sur L'Affaire Dreyfus. C'est dans cette période qu'elle s'interroge, rédige de nombreux articles et propose d'autres solutions que la création d'un état juif excluant les arabes.

Dès 1943 elle a connaissance avec Blücher de "la solution finale" à laquelle elle ne veut pas croire.

De 1945 à 1948 elle travaille à ses premiers ouvrages fondamentaux dont "L'origine du totalitarisme", dirige la
commission pour la renaissance de la culture juive en Europe et travaille au côté des existentialistes.

1948 marque un tournant dans sa vie car elle retourne en Europe sans cacher sa joie d'entendre de nouveau parler la langue allemande. Elle retrouve Heidegger qu'elle n'abandonnera jamais malgré l'engagement momentané de celui-ciau côté des nazis.

A partir de 1951 elle est déclarée citoyenne américaine et publie les origines du totalitarisme, ouvrage passionné où elle tente de savoir "ce qui s'était passé, pourquoi cela s'était passé et comment cela avait-il pu se passer". Elle y démontre le caractère inédit du phénomène totalitaire, révélation d'un mal absolu dont la cause tient dans l'existence de crimes non punissables autant qu'impardonnables.

1952 marque l'année de sa rupture avec la politique de l'état hébreux, suite aux massacres de Kybia.

De 1953 à 1958 elle donne de nombreuses conférences dans les plus prestigieuses universités qui seront reprises dans des ouvrages comme "la crise de la culture", "la condition de l'homme moderne" et "l'essai sur la révolution". Elle critique au cours de ces années à la fois le Marxisme et la société américaine qui favorisent les écarts entre la pauvreté des uns et la richesse des autres.

De 1958 à 1961 outre de nombreuses interventions à l'Université de Berkeley dont elle ne conserve que l'idée douloureuse de l'obligation de parler 5 fois par semaine devant un public. Elle publie de nombreux ouvrages regroupés maintenant dans l'introduction de la "condition de l'homme moderne" ainsi que des essais sur la pensée de Tocqueville, "toute époque moderne demande une nouvelle politique". C'est au cours de ces années qu'elle achève, "La condition de l'homme moderne" qui interroge l'oeuvre le travail et l'action puis l'ouvrage intitulé: "La vie d'une juive allemande" commencé dès 1928.

En 1961 elle demande à couvrir, pour un journal new yorkais, le procès d'Adolf Eichmann. Le récit de ce procès donne naissance à un livre très controversé :"un procès à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal". Elle expose dans cet ouvrage des idées personnelles sur la responsabilité des bourreaux et des victimes, sur la responsabilité des comités juifs. Elle déclare par exemple : "Eichmann n'est pas un Richard III, il ne lui serait jamais venu à l'idée de faire le mal par principe". Elle affirme que son seul crime est de ne pas avoir pensé qu'il faisait le mal et que, dans un monde privé de repères, bien des hommes sont dans l'incapacité de distinguer le bien du mal. Ces écrits déclenchent des réactions d'une rare violence de la part de la communauté juive internationale. Accusée par certains d'avoir des faiblesses pour des nazis (rejaillit alors à la surface sa liaison avec Heidegger), elle est victime d'une véritable cabale internationale. Pour celle qui déclare quelques années plus tard que "toute catastrophe liée à l'état d'Israël m'affecterait plus que tout au monde", l'incompréhension aveugle dont elle fait l'objet la marque jusqu'à la fin de sa vie. La complexité de sa pensée rend simple toute interprétation politiquement facile. Beaucoup de ses détracteurs trouvent dans cette simplification une méthode efficace pour réduire celle qui fut l'analyste majeure de la pensée politique de notre siècle au rang d'exégète d'une pensée politique romantique.

En 1968 elle publie "la crise de la culture", huit exercices de pensée politique dédiés à son maître Blücher dans lesquels elle se demande:"comment penser dans la brèche laissée par la disparition de la tradition entre le passé et le futur".

De 1968 à 1975 outre de nombreuses conférences, elle publie des articles sur l'analyse de la pensée politique, sur Emmanuel Kant dans sa "critique de la façon de juger". Elle ne terminera jamais son dernier livre majeur,"La vie de l'esprit" dont le titre traduit bien les orientations nouvelles de sa pensée vers une analyse plus approfondie de la métaphysique domaine privilégié des philosophes.

Elle meurt le 4 Décembre 1975 à New York, une année avant son maître Heidegger. Lors des obsèques, son ami Hans Jonas après avoir prononcé le kaddish lui dira : "Avec ta mort tu as laissé le monde un peu plus glacé qu'il n'était."

Hannah Arendt - Interview à New York (1973) dans le cadre de l'émission Un Certain Regard

Principaux ouvrages

- Les origines du totalitarisme
- La crise de la Culture
- La condition de l'Homme Moderne
- Eichmann à Jérusalem
- L'essai sur la révolution
- La vie de l'esprit

La pensée de Hannah Arendt


La pensée d'Hannah Arendt est avant tout une nouvelle conception de l'action politique, développée dans Condition de l'homme moderne et La Crise de la culture. Loin des traditionnels liens établis entre théorie et pratique, selon lesquels il s'agirait de comprendre le monde pour ensuite le transformer, elle pense l'espace public comme un lieu fait de fragilité car continuellement soumis à la natalité, c'est-à-dire à l'émergence de nouveaux événements.

Elle a tout à la fois étudié les conditions historiques de disparition d'un tel espace public (en particulier dans Condition de l'homme moderne avec la question de la sécularisation et de l'oubli de la quête d'immortalité), et les événements qui indiquent de nouvelles possibilités (en particulier dans son Essai sur la révolution). Son analyse de l'espace public repose sur la distinction conceptuelle entre le domaine privé et le domaine public, chacune des principales activités de l'homme devant être bien localisée:

*Le travail doit rester dans le domaine privé, sous peine que la vie de l'homme devienne une quête d'abondance sans fin. Cette critique de la société de consommation et cette invitation à l'auto-limitation du travail préfigure l'écologie politique et les notions de simplicité volontaire et de décroissance.

*L'œuvre doit être créée en privé avant d'être exposée publiquement : c'est ainsi qu'elle crée un monde dans lequel l'action peut prendre place. Ce point, développé dans Condition de l'homme moderne, explique qu'Hannah Arendt dénonce la massification de la culture et la transformation de l'art en objets de consommation dans son célèbre essai sur La crise de la culture.

*Les actes et les paroles méritent d'apparaître en public pourvu que l'auteur les laisse dévoiler qui il est. Il ne faut pas concevoir la liberté comme une souveraineté: il ne faut pas chercher à maîtriser toutes les conséquences de ses actes. Hannah Arendt invite au contraire à assumer la fragilité de l'espace public, à rester sensible à la natalité, aux événements qui surgissent. D'où l'intérêt d'Hannah Arendt pour les révolutions spontanées (Essai sur la révolution) comme La Commune ou la révolution hongroise: "Dans les conditions de vie modernes, nous ne connaissons donc que deux possibilités d’une démocratie dominante : le système des partis, victorieux depuis un siècle, et le système des conseils, sans cesse vaincu depuis un siècle".

Arendt souhaitait penser son époque, et elle s'est ainsi intéressée au totalitarisme. Son analyse continue à faire autorité, à côté de celle, différente et plus descriptive, de Raymond Aron. Dans le livre Les Origines du totalitarisme elle met sur le même plan stalinisme et nazisme, contribuant ainsi à systématiser le nouveau concept de « totalitarisme ». Certaines de ses analyses comme par exemple celles sur la « république plébiscitaire », sur le rôle de la « populace », sur la « société de masse » comme vivier du totalitarisme, sur le fascisme, sont aujourd'hui contestées par l'historiographie actuelle.

Dans son chapitre de L’Impérialisme sur les « perplexités des droits humains », elle démontre le processus qui identifia les droits de l’homme à l’identité nationale, les États excluant de ces droits les non-nationaux.

Bien qu'elle ait travaillé de nombreuses années au sein d'une organisation sioniste (lors de son séjour à Paris), Hannah Arendt évolua progressivement au sujet d'Israël, et exprima son opposition constante à tout enfermement nationaliste. Elle était favorable à un État fédéral mixte judéo-arabe.

Ses réflexions sur l'action ne l'ont pas empêchée de s'interroger sur le rôle de la pensée, en particulier dans La Vie de l'esprit : il ne s'agit plus d'une vita contemplativa, censée permettre d'accéder à la vérité avant de décider comment agir. La pensée a un rôle purgatoire : elle est l'occasion de se retirer du monde, de s'en rendre spectateur. C'est en restant ainsi dans le domaine privé qu'il est possible d'utiliser la volonté pour décider ce qui est bien et ce qui est mal (ce qui peut donner lieu à la méchanceté, au mal radical). Mais c'est surtout par cette purgation par la pensée, qu'il est possible face à un événement dans le domaine public de faire preuve de discernement, de juger ce qui est beau et ce qui est mal (et c'est faute d'un tel jugement que peut apparaître la banalité du mal comme dans le cas d'Eichmann). Pour Hannah Arendt, la pensée la plus haute n'est pas celle qui se réfugie dans la contemplation privée, mais celle qui, après la pensée purgatrice et la volonté légiférante, s'expose dans la domaine public en jugeant les événements, en faisant preuve de goût dans ses paroles et ses actions.

Citations de Hannah Arendt

"La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs."

"Le tiers monde n'est pas une réalité mais une idéologie."
Extrait de Du mensonge à la violence

"C'est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l'éducation doit être conservatrice, c'est-à-dire assurer "la continuité du monde".
Extrait de La Responsabilité

"Si tu réussis à paraître devant les autres ce que tu souhaiterais être, c'est tout ce que peuvent exiger de toi les juges de ce monde."
Extrait d' Essai sur la révolution

"C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal."

"Le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille."

"Aimer la vie est facile quand vous êtes à l'étranger. Là où personne ne vous connaît, vous tenez votre vie entre vos mains, vous êtes maître de vous-mêmes plus qu'à n'importe quel moment."
Extrait de Rahel Varnhagen

"La principale caractéristique de l'homme de masse n'est pas la brutalité ou le retard mental, mais l'isolement et le manque de rapports sociaux normaux."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Les mouvements totalitaires avaient moins besoin de l'absence de structure d'une société de masse, que des conditions spécifiques d'une masse atomisée."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Les mouvements totalitaires sont des organisations massives d'individus atomisés et isolés."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"L'absence ou le mépris du programme n'est pas nécessairement un signe de totalitarisme."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Sans les masses, le chef n'existe pas."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Ce que voulait la populace, c'était d'accéder à l'histoire, même au prix de l'auto-destruction."
Extrait de Les origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Ce qui séduisait l'élite, c'était l'extrémisme en tant que tel."
Extrait de Les Origines du totalitarisme : le système totalitaire

"Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu'ils soient ne peuvent se comparer en intensité, en plénitude de sens, avec une histoire bien racontée."
   
"Il faudrait bien comprendre que le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde, et non pas leur inculquer l'art de vivre."

"Les mots justes trouvés au bon moment sont de l'action."

"La pensée naît d'événements de l'expérience vécue et elle doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter. Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres."