mardi 23 avril 2019

Coucher avec elle - Robert Desnos (1900-1945)

Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration
 

Coucher avec elle
Pour l'amour absolu
Pour le vice pour le vice
Pour les baisers de toute espèce
 

Coucher avec elle
Pour un naufrage ineffable
Pour se prostituer l'un à l'autre
Pour se confondre
 

Coucher avec elle
Pour se prouver et prouver vraiment
Que jamais n'a pesé sur l'âme
Et le corps des amants
Le mensonge d'une tache originelle


Coucher avec elle — Robert Desnos  "Fortunes" (1942)


Robert Desnos
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l'Allemagne nazie.

Son œuvre comprend un certain nombre de recueils de poèmes publiés de 1923 à 1943 - par exemple Corps et biens (1930) ou The Night of loveless nights (1930) - et d'autres textes sur l'art, le cinéma ou la musique, regroupés dans des éditions posthumes.

Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et rejoint en 1922 l'aventure surréaliste. Il participe alors de manière éclatante aux expériences de sommeils hypnotiques et publie avec Rrose Sélavy (1922-1923) ses premiers textes qui reprennent le personnage créé par Marcel Duchamp.

Dans les années 1924-1929, Desnos est rédacteur de La Révolution surréaliste mais rompt avec le mouvement quand André Breton veut l'orienter vers le Communisme. Il travaille alors dans le journalisme et, grand amateur de musique, il écrit des poèmes aux allures de chanson et crée avec un grand succès le 3 novembre 1933, à l'occasion du lancement d'un nouvel épisode de la série Fantômas à Radio Paris la Complainte de Fantômas .

Le poète devient ensuite rédacteur publicitaire mais concerné par la montée des périls fascistes en Europe, il participe dès 1934 au mouvement frontiste et adhère aux mouvements d'intellectuels antifascistes, comme l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires ou, après les élections de mai 1936, le "Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes"

En 1940, après la défaite il redevient journaliste pour le quotidien Aujourd'hui, et dès juillet 1942, fait partie du réseau de Résistance AGIR. Il poursuit ses activités de Résistance jusqu'à son arrestation le 22 février 1944. Il est déporté à Buchenwald et passe par d'autres camps avant de mourir à Theresienstadt, en Tchécoslovaquie : épuisé par les privations et malade du typhus, il y meurt le 8 juin 1945, un mois après la libération du camp par les Russes. La dépouille du poète est rapatriée en France, et Robert Desnos est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris.

Paul Eluard, dans le discours qu'il prononça lors de la remise des cendres du poète, en octobre 1945 écrit: "Jusqu'à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses envolées imprévues."

mercredi 17 avril 2019

L'Acropole, Athènes, Grèce

L'Acropole d'Athènes est un plateau rocheux élevé au centre d'Athènes. Pendant l'Antiquité, elle fait office de vaste sanctuaire pour le culte de la déesse Athéna et de nombreux autres dieux de la mythologie grecque.

L'Acropole d'Athènes et ses monuments sont le symbole universel de l'esprit et de la civilisation classiques, et forment le plus extraordinaire ensemble architectural et artistique légué par la Grèce antique au reste du monde. Dans la seconde moitié du Ve siècle avant JC, Athènes, suite à sa victoire sur les Perses et à l'établissement de la démocratie, prit un ascendant sur les autres Cités-États du monde antique. Durant cette période, alors que l'art et la pensée florissaient, un groupe exceptionnel d'artistes mit en œuvre les plans ambitieux de Périclès, homme d'État athénien, et transforma, sous la direction éclairée du sculpteur Phéidias, la colline rocheuse en un monument unique d'esprit et d'arts. 

L'Acropole d'Athènes

Les principaux monuments furent érigés à cette époque : le Parthénon, construit par Ictinus, l'Erechthéion, les
Propylées, l'entrée monumentale de l'Acropole, dessinés par Mnesiclès et le petit temple d'Athéna Nikê et le théâtre antique de Dionysos. Ce lieu est actuellement un des sites touristiques les plus visités du monde. Les monuments de l'Acropole ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1987.

L'Acropole d'Athènes est l'expression suprême de l'adaptation de l'architecture à un site national. Cet ensemble grandiose de structures massives parfaitement équilibrées crée un paysage monumental d'une beauté unique formé d'une série complète de chefs-d'œuvre du Ve siècle avJC. Les monuments de l'Acropole ont exercé une influence considérable, et cela pas seulement au cours de l'Antiquité gréco-romaine, alors qu'on les considérait comme des modèles exemplaires dans tout le monde méditerranéen, mais aussi à l'époque contemporaine.


L'Acropole occupe un promontoire rocheux situé 156 m au-dessus de la vallée de l'Ilissos, d'une superficie de moins de 3 ha. Dès le IIe millénaire avJC, c'était une forteresse qui protégeait les lieux de culte et les palais royaux. L'accès au plateau était protégé par un mur, le Pelasgicon, qui existait avant les invasions doriennes qui menacèrent Athènes à partir de 1200. L'Acropole fut reconstruite après la chute des tyrans

Hipparque, en 514, et Hippias, en 510. Le Pelasgicon, qu'un oracle de Delphes avait déclaré maudit, fut détruit. La ville supérieure, privée de remparts, fut ainsi affaiblie, si bien que les Perses menés par Xerxès, s'en étant emparés en 480, pillèrent et brûlèrent ses sanctuaires. Paradoxalement le pillage de l'Acropole assura alors la conservation de l'un des plus importants groupes de sculptures archaïques du monde grec. Le rempart fut construit avant 472-471 avJC, en même temps que les "Longs Murs" qui reliaient Athènes à son port du Pirée.

Avec Périclès, le Ve siècle av. J.-C. marque l'apogée de la démocratie athénienne. Les décennies comprises entre 447 et 406 virent la construction des quatre chefs-d'œuvre de l'art grec classique : le principal temple consacré à Athéna, le Parthénon ; les Propylées, l'entrée monumentale qui remplaça la porte de Pisistrate, construite à l'emplacement de l'une des entrées de la citadelle des anciens rois ; le temple d'Athéna Nikê ; enfin, l'Érechthéion. La désastreuse guerre du Péloponnèse et la capitulation d'Athènes en avril 404 avJC entraînèrent la destruction des "Longs Murs", mais elles n'eurent pas de conséquence grave sur les monuments de l'Acropole.

L'Erechteion - détail du portique des Caryatides
La colline sacrée d'Athènes, dont les monuments suscitaient l'admiration générale, continua à être embellie par différents grands hommes, dont les souverains de Pergame, de Cappadoce et d'Égypte, des empereurs romains comme Claude et Hadrien, et de riches citoyens privés comme Hérode Atticus, le tuteur de Marc Aurèle. Les premiers dommages ont été infligés à l'héritage monumental de l'Acropole lors du raid d'Hérulien en 267. Depuis lors, et en dépit de longues périodes de calme relatif, les monuments et le site ont été endommagés à différentes reprises. Les Byzantins transformèrent les temples en églises et transportèrent leurs trésors artistiques à Constantinople. Après l'effondrement de l'Empire byzantin en 1204, Athènes passa aux mains de souverains francs qui avaient peu de considération pour ses ruines. Lorsque les Turcs prirent la ville en 1456, le Parthénon devint une mosquée et l'Érechthéion fut utilisé sporadiquement comme harem par le gouverneur turc. En 1687, l'année la plus tragique, le siège de l'Acropole par l'armée vénitienne de Morosini aboutit à l'explosion du Parthénon dont les Turcs avaient fait une poudrière. Au XIXe siècle, avec l'autorisaiton officielle du sultan, lord Elgin, ambassadeur du roi d'Angleterre auprès de la Sublime Porte, compléta le pillage en achetant des marbres qui sont devenus, depuis 1815, l'orgueil du British Museum. Après un siècle de fouilles et de restaurations effectuées sur le site, l'Acropole est actuellement un laboratoire expérimental des techniques de conservation à ciel ouvert les plus innovatrices, visant à sauvegarder les marbres endommagés par une grave pollution atmosphérique.



Plan de l'Acropole



Les Propylées

 Les Propylées sont un monument constituant l'entrée principale de l'acropole d'Athènes. Dans la Grèce ancienne, le mot au singulier, un propylée désignait un vestibule simple situé en avant d’une entrée de sanctuaire, de palais ou d’agora ; au pluriel, des propylées sont des entrées monumentales de structure beaucoup plus complexe, comme à Eleusis, Corinthe, Epidaure ou Athènes.

Acropole - Les Propylées

Les Propylées ont été construites entre 437 et 432 avJC. Cet édifice mesure 18m sur 25m et comprend un bâtiment central, vaste vestibule de forme rectangulaire, et deux ailes latérales. Parmi les cinq portes de la partie centrale, celle du milieu donnait accès à la Voie sacrée que suivaient les processions des Panathénées. Selon Aristophane, les cinq portes étaient fermées par de lourds vantaux de bois.

Comme au Parthénon, l'architecte (Mnésiclès) a associé l'ordre dorique et l'ordre ionique. Les façades étaient doriques, tandis que deux rangées de colonnes de style ionique divisaient le vestibule central en trois parties. Le plafond était sans doute peint en bleu et décoré d’étoiles.

L'aile nord, la pinacothèque, fut la première galerie de peinture au monde. On y trouve des peintures sur bois réalisées par de grands artistes de l'époque, parmi lesquels Polygnote (Ve siècle avJC), auteur de compositions mythologiques. L'aile sud, plus petite, se composait d’une salle, qui menait à l'ouest, au  Temple d'Athéna Niké, "la Victoire".

Les Propylées franchis, le visiteur antique trouvait sur sa gauche plusieurs bâtiments administratifs ou logements, parmi lesquels la maison des Arrhéphores. En face, majestueuse et haute de plus de 9 mètres, se dressait la statue d’Athéna Promachos, ou plus exactement, Athéna Enhoplos, c'est-à-dire "en armes ". Sur sa droite, le visiteur découvrait le petit sanctuaire d’Artémis Brauronia et celui d’Athéna Ouvrière, et enfin le majestueux Parthénon.

Acropole - Les Propylées

Les Propylées furent construits en marbre du Pentélique à partir du soubassement. Toutefois, l’architecte a aussi utilisé du marbre bleu d’Éleusis. L’ensemble a coûté une fortune colossale.

En contrebas du chemin menant aux Propylées se dressait la porte dite de Beulé du nom de l’archéologue français qui la découvrit en 1853 sous un bastion turc. Elle fut construite par les Romains au IIIe siècle avJC. ; on ne sait pas si l’accès à l’Acropole s’effectuait par une rampe d’escalier ou par un chemin en lacets.

Les Propylées, comme les autres monuments d'Athènes, ont eu une histoire agitée. Ils ont été successivement palais épiscopal, résidence des ducs francs d’Athènes, palais florentin et dépôt d’armes turc.


Temple d'Athéna Nikè

Le temple d'Athéna Nikè fut érigé au Ve siècle avJC sur l'Acropole d'Athènes, en l'honneur de la déesse de la victoire, Athéna Victorieuse: Nikè signifie littéralement "victoire" en grec ancien.

Acropole - Le temple d'Athéna Nikè

Ce premier temple ionique de l'Acropole occupait une position de choix sur un promontoire fortifié dans le coin sud-ouest, sur la droite des Propylées. Les citoyens y vénéraient la déesse sous cette forme dans l'espoir d'obtenir la victoire dans leur longue guerre, tant terrestre que maritime, contre Sparte et ses alliés. Le temple d'Athéna Nikè exprimait l'aspiration d'Athènes à devenir la principale cité-état grecque.Ce temple, construit par Callicratès aux alentours de -420, était de style ionique et ne comportait qu’une chambre contenant la statue du culte, reproduction d’une ancienne statue en bois. Les frises décrivaient une assemblée de dieux et des scènes de batailles. Cet édifice religieux, très élégant, fut détruit par les Turcs Ottomans en 1687.

Il a été commencé entre 435 et 432 avJC. Les frises de ce temple représentent notamment la victoire des Athéniens sur les Perses lors des guerres médiques (à l'est), ainsi que les dieux fêtant cet évènement (au nord).


Le Parthénon

Le Parthénon est l'un des symboles archéologiques les plus connus de toutes les civilisations. Construit en quinze ans, entre 447 et 432 avJC, ce temple de la Grèce antique remplace un autre que les Perses ont détruit en 480 avJC. A l'époque, on s'étonne qu'un temple si grand (30,9 m x 69,5 m) soit élevé en si peu de temps, mais ce qui est encore plus étonnant, c'est la qualité de la construction et de la finition, qui est superbe. Le temple est édifié à l'instigation de l'homme d'État le plus important de l'époque, Périclès. 

Acropole - Parthénon Temple d'Athéna Parthénos

Selon Plutarque, le grand biographe grec qui écrit des siècles après l'achèvement de l'édifice, la construction du Parthénon et des autres temples qui l'entourent a été motivée notamment par le chômage, qui s'aggravait. En entreprenant de grands travaux publics sur l'Acropole (la colline qui domine Athènes, où le Parthénon et d'autres temples dédiés aux dieux sont situés), Périclès espère offrir du travail aux Athéniens ordinaires — menuisiers, maçons, ivoiriers, peintres, émailleurs, modeleurs, forgerons, cordiers, tisserands, graveurs, marchands, orfèvres (travail du cuivre), potiers, cordonniers, tanneurs, ouvriers, etc.

Fait plus important, Périclès voit dans le Parthénon un chef-d'œuvre architectural qui communiquera au monde la supériorité des valeurs d'Athènes, de son système de gouvernement et du mode de vie de ses habitants. Pour cette raison, il n'accepte que les meilleurs matériaux de construction — la meilleure pierre, du bronze, de l'or, de l'ivoire, de l'ébène, du bois de cyprès — et les meilleurs artistes et artisans. Le Parthénon doit être un édifice pour tous les temps. Dans une oraison funèbre prononcée en 430 av. J.-C., Périclès déclare jusqu'à quel point il est fier de la ville d'Athènes, et il pense sans aucun doute au Parthénon lorsqu'il proclame  "L es marques et les monuments que nous avons laissés sont effectivement grands. Les hommes de l'avenir s'émerveilleront de nous, comme le font tous les hommes aujourd'hui."

Le nouveau projet de construction n'est pas bien accueilli par tout le monde. Certaines personnes sont outrées en voyant les vastes sommes qu'on dépense « pour dorer et embellir notre ville comme si elle était une femme vaniteuse qui se pare de pierres dispendieuses et de temples qui ont coûté mille talents ». Beaucoup protestent également le fait que les fonds engagés dans la construction du Parthénon proviennent d'alliés d'Athènes, qui les fournissent, à contrecœur, pour financer des guerres contre les Perses. Périclès affirme que, tant que les Athéniens respecteront leurs engagements en défendant ces alliés contre les agresseurs perses, les alliés n'auront aucune raison de se plaindre. La majorité des gens appuient Périclès. En fait, la personne qui le critique le plus vivement est frappée d'ostracisme (bannie pendant dix ans) à la suite d'un jugement du peuple, rendant la construction possible.

Périclès dirige lui-même le programme de construction du Parthénon. Il demande à trois hommes qui sont au premier rang dans leur domaine de collaborer au design et à l'exécution du projet. Nous ne savons pas tout ce qu'ils ont fait, mais, autant qu'on puisse en juger, Ictinos a été le principal architecte, et Callicratès , le maître d'œuvre et le coordinateur technique, tandis que Phidias a supervisé la création et l'intégration de tous les éléments artistiques. Ce dernier crée lui-même l'énorme sculpture en or et en ivoire de la déesse de la ville et certains groupes de sculptures, tout en supervisant une petite armée d'artistes et d'artisans. Considéré à l'époque comme le plus grand sculpteur de son temps, Phidias est aujourd'hui reconnu comme le plus grand sculpteur grec de tous les temps. Les trois hommes ont collaboré avec succès tout le long du projet.

Il va sans dire que la construction du Parthénon exige de vastes sommes d'argent. (Selon des comptes publics gravés sur pierre, la construction a coûté 469 talents d'argent. On n'a jamais calculé l'équivalent moderne de ce montant de façon satisfaisante.) Le principal matériau de construction est le marbre pentélique, qui provient du mont Pentélique, située à environ 16 km d'Athènes. (L'ancien Parthénon, que les Perses détruisent durant la construction, est le premier temple en ce genre de marbre.) Les immenses blocs de pierre sont transportés jusqu'au chantier dans des chars à bœufs. Le Parthénon n'est pas du tout la structure la plus grande, mais ce qui le distingue de la plupart des autres temples, c'est la qualité et l'étendue des éléments sculptés. Beaucoup de sculptures sont en marbre blanc provenant de l'île de Paros, un marbre plus cher que la plupart des sculpteurs préfèrent. En tant que collection qui montre l'art grec à son apogée, les marbres (sculptures) du Parthénon sont sans pareil.

Plusieurs raffinements esthétiques sont intégrés à l'édifice, qui est lui-même une œuvre d'art, de façon à le rendre le plus parfait possible visuellement. Sachant que les longues lignes horizontales semblent s'arquer, bien qu'elles soient parfaitement droites, les architectes courbent délibérément des éléments horizontaux et « grossissent » les colonnes au centre pour compenser les irrégularités de l'œil humain. Cet épaississement au centre donne l'impression que les colonnes ploient un peu sous le poids du toit, rendant le temple moins statique, plus dynamique. Bien que les lignes et les distances du Parthénon semblent droites et égales, la géométrie a été modifiée pour créer cette illusion. On dit que dans cet édifice "rien n'est ce qu'il semble être".

Acropole - Parthénon Temple d'Athéna Parthénos

Le Parthénon est un temple dorique auquel on a ingénieusement intégré des éléments ioniques pour produire un édifice que bien des personnes, y compris certains des meilleurs architectes du monde, considèrent comme parfait. Le style dorique comporte des colonnes plus larges et a un aspect plus imposant (appelé parfois masculin) que le style ionique (féminin). Périclès a peut-être fait ce choix pour des raisons politiques, unissant symboliquement les Grecs d'origine dorienne et ionienne dans un édifice transcendant.

Le Parthénon est un temple périptère, c'est-à-dire que la structure est entourée de colonnes. Il comporte en tout 46 colonnes : 8 sur chaque façade et 17 sur chaque côté. À l'intérieur de ces colonnes il y a une plate-forme surélevée en pierre qui soutient les murs d'une pièce rectangulaire appelée la cella ou le naos. Dans un temple traditionnel, il s'agit d'une seule pièce, mais la cella du Parthénon a été divisée en deux pièces. La plus grande abritait une énorme statue d'Athéna, debout sur un socle. Devant la statue, il y avait un miroir d'eau. Dans l'autre pièce, qui comporte quatre colonnes intérieures, se trouvait le trésor de l'État, y compris de la monnaie offerte à la divinité. Les colonnes intérieures aidaient à soutenir le toit, qui était en marbre, comme le reste de l'édifice.

La partie de la cella où se trouvait la magnifique statue d'Athéna s'appelle l'Hécatompédon (heka = 100) et est longue de cent pieds athéniens (attiques), comme son nom grec l'indique. Le miroir d'eau permettait d'humidifier l'air et les éléments en ivoire de l'immense statue chryséléphantine (en or et en ivoire), qui pouvaient se dessécher et se fendre. La statue a coûté plus que l'édifice qui l'abritait, et le sculpteur Phidias l'a conçue de façon à ce qu'on puisse en enlever les plaques d'or, les peser et les vendre, si nécessaire. (Cette décision s'est avérée judicieuse parce que, plus tard, on a accusé Phidias d'avoir volé des plaques d'or, et il a pu prouver son innocence sans problème.)

Modélisation informatique de l'intérieur du Parthènon - MacGillivray Freeman Films

Le rêve de Périclès, que le Parthénon soit un symbole impérissable de la grandeur d'Athènes et du triomphe inévitable de la civilisation sur les forces barbares, a été éphémère. Les dernières sculptures sont achevées en 432 avJC, mais à peine trois ans plus tard, Périclès et nombre de ces concitoyens succombent à une horrible peste qui dévaste Athènes.

Le Parthénon sert de temple d'Athéna pendant un millénaire presque. Puis, au VIe siècle, des moines chrétiens de l'Église orthodoxe grecque prennent possession de l'édifice, qui devient l'église de la Sainte Sagesse (Hagia Sophia). Les chrétiens zélés cassent ou dégradent plusieurs sculptures qu'ils considèrent comme païennes ou profanes, et apportent des modifications mineures à l'architecture. Sept cents ans s'écoulent.

En 1204, les Français (les Francs) envahissent Athènes et prennent possession du Parthénon, qu'ils rebaptisent Notre-Dame d'Athènes. Le temple devient alors une église catholique. Dès 1458, les Turcs occupent Athènes et transforment le plus vite possible le temple ancien en mosquée islamique, y ajoutant un minaret. Le gouverneur turc installe son harem dans l'Érechthéion, le temple situé à côté du Parthénon. En 1687, les Vénitiens, qui sont en guerre contre les Turcs, bombardent le Parthénon de boulets et d'obus de mortier. Convaincus que les Vénitiens n'attaqueraient pas le vénérable édifice religieux, les Turcs y avaient abrité leurs femmes et leurs enfants, ainsi que leur provision de poudre. Trois cents personnes et 28 colonnes du Parthénon périssent dans une immense explosion.

Les activités de lord Elgin, homme d'État britannique et ambassadeur à Constantinople en 1801, auront également une incidence majeure sur le Parthénon. Les autorités turques donnent à l'ambassadeur la permission de dessiner les merveilleuses sculptures, d'en prendre des moulages en plâtre et « d'emporter tout morceau de pierre portant des inscriptions ou des figures ». (De nombreuses morceaux de sculptures détruites dans l'explosion se trouvent encore dans les décombres du Parthénon.) Les représentants de lord Elgin ne se contentent pas longtemps de ramasser des morceaux de sculptures brisées. Ils commencent à amputer l'édifice, se servant plus tard de scies pour enlever de gros morceaux de sculpture. Il faut dire à leur décharge qu'ils connaissent les autres pratiques destructrices de l'époque. Les Turcs ont utilisé des sculptures du Parthénon comme cibles dans des exercices de tir et ont décapité des figures qu'ils ont pu atteindre (celle de Périclès en était probablement une). De plus, les Turcs chaulent leurs bâtiments, dont bon nombre sont construits autour du Parthénon. Pour obtenir du blanc de chaux, on brûle du marbre, le réduisant en calcaire, puis on y ajoute de l'eau. Cette recette a mené à la destruction de statues brisées et intactes à Athènes et ailleurs.

Aujourd'hui, les vestiges du Parthénon, les ossements blanchis de ce qui a été à un moment donné un chef-d'œuvre architectural pour tous les temps, témoignent silencieusement de la gloire de la Grèce antique. Les sculptures qui ornaient les murs de marbre se trouvent aujourd'hui en morceaux, accrochés çà et là aux vestiges du temple ancien ou éparpillés à travers les grands musées du monde à Athènes, Londres, Paris, Munich, Rome, Copenhague, Vienne...

L'Erechteion 

C'est un des rares temples grecs en forme de croix. Sa construction a débutée après celle du Parthénon (en 420 avJC) pour se terminer en 407, c'est-à-dire treize ans plus tard. On dit que c'est ici qu'était gardée la plus ancienne représentation d'Athéna, le xoanon. 

Œuvre majeure de l'art hellénique, le portique des Caryatides constitue le motif le plus original de l'Érechthéion, et une sorte de dais funéraire au-dessus du tombeau de Cécrops, le roi-serpent, l'un des fondateurs mythiques d'Athènes. Peut-être dues à l'atelier du sculpteur athénien Alcamène, six statues de jeunes filles s'acquittent avec grâce de leur fonction de support. Droites, vêtues de longues tuniques ioniennes, elles portent en guise de coiffure un chapiteau circulaire. Ce portique servait peut-être de tribune depuis laquelle certains personnages officiels pouvaient contempler le défilé et les cérémonies des panathénées, en même temps qu'il masquait l'escalier reliant l'Érechthéion à la terrasse de l'Acropole.

Acropole - L'Erechteion - Le portique des Caryatides
  
Le théâtre de Dionysos 

Situé sur le flan sud de l'Acropole, le théâtre de Dionysos, construit à l'intérieur d'un sanctuaire dédié à Dionysos, est le plus illustre de tous les théâtres grecs. Tout au long des IVe et Ve siècles avJC, les gradins étaient uniquement constitués de bois. Des grands noms du théâtre antique y immortalisèrent leurs pièces tels que Sophocle, Euripide et Aristophane pour ne citer qu'eux. 

A la suite de l'effondrement des gradins, en bois, on en édifia de nouveaux, entre 500 et 497 avJC. Ils furent cette fois construits en pierre. Pouvant contenir jusqu'à 13 000 spectateurs, la toute nouvelle cavea encadre l'orchestra, initialement circulaire puis modifiée sous Néron pour ne plus former qu'un demi-cercle. La scène quand à elle, est de forme rectangulaire. Ses 46 mètres de long sur 6,5 de large sont encadrés par deux ailes latérales. La dernière transformation du théâtre date de l'époque romaine avec l'élargissement de la scène. Ressemblant après cela à un théâtre romain, le théâtre de Dionysos accueillit de nombreux combats de gladiateurs et autres jeux.

Acropole - Le théâtre de Dionysos

vendredi 12 avril 2019

Théodore Monod (1902-2000)

Théodore Monod - 1994
Théodore Monod est né le 9 avril 1902 à Rouen et mort le 22 novembre 2000 à Versailles. Il est le troisième fils de Wilfried Monod, pasteur et théologien protestant. Au cours de son enfance, Monod se passionne pour tout ce que la nature offre, lisant insatiablement et alimentant ses rêves de découvertes. Après des études de sciences naturelles et une mission océanographique, il entre au Muséum d’Histoire Naturelle dés 1922 comme assistant puis y soutient sa thèse en 1926. Il découvre le continent africain grâce à deux missions de recherche, puis parcourt le Sahara occidental pendant plus d'un an : le zoologiste devient géologue, botaniste, archéologue, préhistorien...

En 1930, son service militaire le mène au Sahara algérien : ses recherches sont définitivement orientées vers une région du monde dont il est devenu un éminent spécialiste. En 1934, il part pour Chinguetti à la recherche d’une mystérieuse météorite (qui sera également une des quêtes de la fin de sa vie). Il part aussi pour explorer le Tanezrouft, une zone encore inconnue du Sahara.

En 1938, il s’installe avec sa famille à Dakar, où il est mobilisé en 1939 au Tchad. De retour à Dakar, il milite contre la collaboration de Vichy et le racisme nazi au travers de chroniques radiophoniques, d'octobre 1940 à octobre 1941. Ces chroniques à Radio-Dakar ont été rassemblées en 1942 dans un recueil intitulé  "L'Hippopotame et le Philosophe". Il y défend des positions fermement antiracistes, pacifistes et écologistes, qui seront censurées par le gouvernement de Vichy. Il anime un groupe lié à la France libre et accueille De Gaulle en 1944. Mais son père, resté en France, meurt à la même époque et toute la famille de sa femme est déportée : il n’y aura aucun survivant.

Sous son impulsion, l'Institut français d'Afrique noire devient un très grand centre scientifique. Se contentant de peu pour survivre, doté d’une endurance exceptionnelle, il parcourt de nombreuses fois le désert dans les années 1950-1960. Sa particularité est de faire de nombreuses expéditions non pas en dromadaire, mais à pied. En 1954, il parcourt en Mauritanie et au Mali, 900 km sans point d’eau. Il poursuit aussi ses recherches sur la faune marine : il est nommé directeur du laboratoire des pêches d'outre-mer au Muséum en 1942 puis élu à l'Académie des sciences en 1963. Considéré par ses pairs comme un des meilleurs spécialistes de poissons et de crustacés.

Il devient au fil du temps "le grand spécialiste français des déserts", "l'un des plus grands spécialistes du Sahara au XXe siècle" et  bon nombre de ses 1 200 publications sont considérées comme des œuvres de référence.

Sahara

Dans les années 1960, toujours fidèle à ses engagements, il manifeste contre la guerre d’Algérie. Ensuite, tout en se consacrant toujours à ses travaux et ses voyages, chaque année, devant la base militaire de Taverny, entre le 6 et le 9 août (les dates anniversaires des bombardements nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki), il jeûne, en protestation contre l’arme nucléaire.

Travailleur de la science et de la nature pendant plus de 70 ans, il atteint une brusque et tardive notoriété au début des années 1990, à la suite d’un reportage télévisé qui lui était consacré en 1993.

Il participe à une expédition au Yémen, et voit le Sahara pour la dernière fois, avant de devenir aveugle en 1996, à 94 ans.

Il a consacré la fin de sa vie à mettre en accord sa foi chrétienne et son combat humaniste pour la dignité humaine. Comme l’écrit Roger Cans : "On le voyait marcher au premier rang des manifestants qui protestaient contre la bombe atomique, l'apartheid, l'exclusion. Il militait contre tout ce qui, selon lui, menace ou dégrade l'homme : la guerre, la corrida, la chasse, l'alcool, le tabac, la violence faite aux humbles. Son credo : le respect de la vie sous toutes ses formes." Théodore Monod fut aussi le président du comité scientifique ProAnima, qui milite pour une science avec conscience, contre l'expérimentation animale. Il restera à ce poste jusqu'à sa disparition.

Théodore Monod fut sans doute le premier "écolo". Il a toujours été très attaché à la protection de la biodiversité et de la vie. Il fut un des premiers à alerter sur l’extinction des espèces et il a œuvré pour la création de parcs nationaux et de réserves, dès les années 1930. il a été l’initiateur du parc national du banc d’Arguin, en Mauritanie, qui abrite une "faune extraordinaire": phoques, oiseaux,...

Mais Théodore Monod a été plus qu’un naturaliste surdoué et un écologiste convaincu: sa vie illustre tous les événements du XXe siècle et ses engagements humanistes témoignent d’une volonté de défendre la vie sous toutes ses formes. C’était l’axe de son travail et de sa philosophie.

Théodore Monod a pris toute sa vie des positions politiques inspirées par son grand respect pour la vie, humaine, animale ou végétale. Et resta marqué à vie par la destruction absolue, la mort totale et instantanée que représente l'arme atomique.


 Bande-annonce DVD - Le vieil homme et le désert


Citations de Théodore Monod

"Il y a dans nos sociétés un système de mise en condition des êtres humains qui nuit à la réflexion. Si on se laisse domestiquer par la presse, la publicité et la télévision, on perd tout recul face au monde."
Terre et ciel (1997)

"Il y a, pour moi, une pierre de touche des morales, des religions, des mœurs: l'attitude prise devant la souffrance des animaux."
Et si l'aventure humaine devait échouer

"Jamais je n'ai aussi bien pensé, n'ai autant vécu, n'ai aussi bien été moi-même que dans les longs voyages que j'ai fait seul à pied."
Sciences et Avenir, janvier 2001.

"Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ?"

"Le désert est beau, ne ment pas, il est propre."

"La nature n'est ni morale ni immorale, elle est radieusement, glorieusement, amorale."
Extrait des Carnets

"Je ne suis pas un homme de parti, mais je défends des causes."

"Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion."

"Il faut faire passer l'homme avant le profit, la croissance spirituelle avant le PNB."

"Le monde pourrait vivre sans tuer ni animal ni végétal."

"Nous désirons tous ouvrir le cercle de la pensée pour arrêter sa ronde stérile."

"Nous sommes possédés par nos possessions."

"L'arme nucléaire, c'est la fin acceptée de l'humanité."

"J’avais trop longtemps attendu de pouvoir pénétrer un jour dans un monde jusque-là interdit, pour ne pas accueillir avec une émotion profonde l’occasion de pouvoir en franchir enfin les limites."

"La vie n’est pas la joie. C’est la tension dans l’effort continu ; c’est le labeur physique et le surmenage intellectuel ; c’est l’austère accomplissement du quotidien devoir."
Extrait des Carnets

"Nous devons apprendre à respecter la vie sous toutes ses formes : il ne faut détruire sans raison aucune de ces herbes, aucune de ces fleurs, aucun de ces animaux qui sont tous, eux aussi, des créatures de Dieu."

"La théologie chrétienne n’a jamais encore accepté de prendre en compte le problème de la souffrance animale."

"Quel bonheur d’avoir un haut idéal moral et une forte passion scientifique vous évitant bien des tentations ou, plutôt, vous aidant à leur résister !"
Extrait des Carnets
   

lundi 8 avril 2019

Célestin Freinet (1896-1966)

Célestin Freinet - 1928
Célestin Freinet est un pédagogue français, né le 15 octobre 1896 à Gars dans les Alpes-Maritimes, mort le 8 octobre 1966 à Vence dans les Alpes-Maritimes.

Freinet est l'inventeur d'une pédagogie rigoureuse fondée sur des techniques novatrices : plan de travail, production de textes libres, imprimerie, individualisation du travail, enquêtes et conférences, ateliers d'expression-création, correspondance scolaire, éducation corporelle, réunion de coopérative.

Après la première guerre mondiale, Célestin Freinet revient marqué dans sa chair et sa conscience par cette barbarie sans nom. Comme beaucoup d’enseignants pacifistes, Célestin Freinet écrit de nombreux articles dans la revue "l’Ecole émancipée". Les enseignants syndicalistes révolutionnaires regroupés dans la Fédération de Membres de l’Enseignement luttent pour que ne se reproduise plus la tuerie de 1914 – 1918, pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et construire une société plus juste et plus humaine. Ils réfléchissent aux moyens de promouvoir une pédagogie populaire par "l’Ecole active" et les "centres d’intérêt".

Leurs regards se tournent alors vers les penseurs (Rousseau, Pestalozzi…) et vers les expériences d’avant 1914 comme celles de Paul Robin à l’orphelinat public de Cempuis dans l’Oise (enseignement intégral), de Francisco Ferrer et son Escuela Moderna en Espagne et de Sébastien Faure à la Ruche près de Rambouillet (Enseignement libertaire), ainsi que vers les expériences de l’Ecole nouvelle de Faria Vasconcellos près de Bruxelles et de Kirchstensteiner en Allemagne. Ils s’intéressent aussi de près aux expériences des années 20 en Suisse avec A. Ferrière, en Belgique avec O. Decroly, en Italie avec M. Montessori.

Célestin Freinet, jeune instituteur, rescapé et blessé de guerre, revient dans sa modeste classe rurale de Bar sur Loup (Alpes Maritimes) et introduit un outil nouveau à l’école: l’imprimerie. Il entreprend une correspondance scolaire avec une classe dans le Finistère, puis lance une "Coopérative d’Entraide Pédagogique" avec une revue "L’imprimerie à l’Ecole", mettant en place un réseau des "Livres de Vie" composés et imprimés par les écoles.

En août 1927, à l’issue du Congrès de la Fédération de l’Enseignement (C.G.T.U.), se tient le premier Congrès International de l’Imprimerie à l’école. En octobre 1927 est fondée la "Cinémathèque Coopérative de l’Enseignement Laïc" qui assure prêts et ventes de films, projecteurs, caméras et même envisage la production de films pédagogiques. En 1928, lors du second congrès à Paris, les activités de l’imprimerie et de la radio fusionnent avec celles du cinéma au sein de la Société "Coopérative de l’Enseignement Laïc " (C.E.L.) dont la revue est  "l’imprimerie à l’école".

De l’unité de l’enseignement aux méthodes naturelles d’apprentissage, les adhérents de la CEL approfondissent techniques et méthodes nouvelles et par souci de matérialisme pédagogique vont éditer les "Enfantines", les "Fichiers Scolaires Coopératifs" et en février 1932, une brochure documentaire pour les enfants : "la Bibliothèque de Travail" (B.T.).

En pleine montée du fascisme et du nazisme en Europe, le Mouvement de l’Imprimerie à l’Ecole et son leader Freinet vont être la cible de 1932 à 1934 de violentes attaques de l’extrême droite (l’Action Française). L’école de St Paul de Vence où enseigne Freinet depuis 1928 est attaquée par des notables fascisants. L’administration tente de déplacer Freinet d’office afin de pacifier les tensions. L’instituteur se met en congés d’enseignement à 37 ans et ouvre avec Elise, sa femme, une école privée "prolétarienne" à Vence. Freinet lance un "Front de l’Enfance" présidé par Romain Rolland, et s’adresse aux parents pour promouvoir une méthode nouvelle d’éducation populaire. Il édite les Brochures d’Education Nouvelle Populaire (B.E.N.P.).

En 1937, son école accueille de nombreux enfants victimes de la guerre civile en Espagne. Une école  "Célestin Freinet" est ouverte à Barcelone Par la Généralité de Catalogne. Pendant la seconde guerre mondiale, les activités du Mouvement Freinet sont interrompues. Freinet est arrêté par la police de Vichy, interné dans plusieurs camps, puis assigné à résidence dans les Hautes Alpes. L’école de Vence est fermée et saccagée. Ce nombreux adhérents de la C.E.L. subiront la déportation et mourront.

A la libération, Freinet anime le Comité Départemental de Libération à Gap où il s’occupe d’enfants victimes de la guerre. La C.E.L. renâit de ses cendres et s’installe à Cannes. Le Mouvement Freinet se développe rapidement, s’organisant en 1947 en Institut Coopératif de l’Ecole Moderne (I.C.E.M.). En 1957, est créée la Fédération Internationale des Mouvements d’Ecole Moderne regroupant les mouvements de dix pays et consacrant le rayonnement international de la pédagogie Freinet.

L’itinéraire de Freinet se poursuit jusqu’à sa mort à l’âge de 70 ans en 1966, sous le signe des méthodes naturelles et du tâtonnement expérimental. Le mouvement Freinet, lui, continue de poursuivre son chemin. Aujourd’hui les classes coopératives (écoles publiques de l’Etat depuis 1991) fonctionnent toujours avec les techniques de l’expression libre et du journal scolaire et de la correspondance interscolaire.

Comme à ses origines, un même espoir en la liberté de l’enfant et en l’homme anime les enseignants de l’ICEM, convaincus que la Pédagogie Freinet, vivante et généreuse, est porteuse d’une éducation populaire synonyme d’espoir et de modernité pour le XXIème siècle.



Les 18 principes d'apprentissage
(C.Freinet Essais de psychologie sensible 1945)

1.      Tout apprentissage doit se fonder sur la valeur et la capacité inhérente à chaque individu.
2.      Tout apprentissage conduit à une plus grande liberté et à l’autonomie.
3.      Tout apprentissage authentique conduit à une cohérence accrue entre soi et l’univers.
4.      Tout apprentissage doit trouver sa source dans l’individu.
5.      Tout apprentissage doit se fonder sur le réel perçu.
6.      Tout apprentissage doit se fonder sur l’expérience personnelle.
7.      Tout apprentissage authentique implique l’utilisation de toutes les propriétés de l’organisme.
8.      Tout apprentissage doit conduire à une conceptualisation et à un remaniement des modèles intérieurs.
9.      Tout apprentissage implique un respect des différences individuelles.
10.    Tout apprentissage authentique doit être fondé sur une motivation interne.
11.    C’est l’individu qui est le mieux placé pour fournir des feed-back concernant son propre apprentissage.
12.    Tout apprentissage s’effectue dans le temps.
13.    Tout apprentissage  implique des changements authentiques et individuels.
14.    L’évaluation est une partie intégrante du processus d’apprentissage.
15.    L’utilisation des erreurs fait partie intégrante du processus d’apprentissage.
16.    Tout apprentissage implique un climat de liberté et de sécurité.
17.    Tout apprentissage vise la croissance de l’individu et son interaction avec l’environnement.
18.    Les formateurs transmettent toujours un message par la structure de travail qu’ils proposent et par les
         interventions qu’ils effectuent.


Les invariants
(C. Freinet 1964)

1.    L’enfant est de la même nature que nous
2.    Etre plus grand ne signifie pas forcément être au dessus des autres.
3.    Le comportement scolaire d’un enfant est fonction de son état physiologique, organique et
       constitutionnel.
4.    Nul, enfant pas plus que l’adulte, n’aime être commandé d’autorité.
5.    Nul n’aime s’aligner, parce que s’aligner, c’est obéir passivement à un ordre extérieur.
6.    Nul n’aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît pas particulièrement.
       C’est la contrainte qui paralysante.
7.    Chacun aime choisir son travail même si ce choix n’est pas avantageux.
8.    Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui
       sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.
9.    Invariant qui tire la conclusion du précédent ; il nous fait motiver le travail.
10.  Plus de scolastique.
       Tout individu veut réussir. L'échec est inhibiteur, destructeur de l'allant et de l'enthousiasme.
       Ce n'est pas le jeu qui est naturel à l'enfant, mais le travail.
11.  La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration,
       processus essentiel de l’école, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle.
12.  La mémoire, dont l’école fait tant de cas, n’est valable et précieuse que lorsqu’elle est intégrée au
       tâtonnement expérimental, lorsqu’elle est vraiment au service de la vie.
13.  Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et de lois, mais par
       l’expérience. Etudier d’abord ces lois en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la
       charrue devant les bœufs.
14.  L’intelligence n’est pas comme l’enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant en circuit
       fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l’individu.
15.  L’école ne cultive qu’une forme abstraite de l’intelligence qui agit lors de la réalité vivante, par le
       truchement de mots et d’idées fixés par la mémoire.
16.  L’enfant n’aime pas écouter une leçon ex cathedra.
17.  L’enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans sa ligne de vie qui lui est pour ainsi dire
       fonctionnel.
18.  Personne, ni enfant ni adulte, n’aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une
       atteinte à sa dignité surtout lorsqu’ils s’exercent en public.
19.  Les notes et les classements sont toujours une erreur.
20.  Parlez le moins possible.
21.  L’enfant n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier comme un robot. Il aime le
       travail individuel et le travail d’équipe au sein d’une communauté coopérative.
22.  L’ordre et la discipline sont nécessaires en classe.
23.  Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but
       recherché. Elles sont tout au plus un pis-aller.
24.  La vie nouvelle de l’école suppose la coopération scolaire, c'est-à-dire la gestion par les usagers,
       l’éducateur compris, de la vie et du travail scolaire.
25.  La surcharge des classes est toujours une erreur pédagogique.
26.  La conception actuelle des grands ensembles scolaires aboutit à l’anonymat des maîtres et des élèves,
       elle est de ce fait une entrave et une erreur.
27.  On prépare la démocratie de demain par la démocratie de l’école. Un régime autoritaire à l’école ne
       saurait être formateur de citoyens de demain.
28.  On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux-ci devant respecter leurs maîtres
       est une des premières rénovations de l’école.
29.  L’opposition de la réaction pédagogique, élément de la réaction sociale et politique est aussi un invariant
       avec lequel, hélas ! nous aurons à compter sans que nous puissions nous-mêmes l’éviter ou le corriger.
30.  Il y a un invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action c’est l’optimiste
       espoir en la vie.


Citations de Freinet

"L’enfant qui participe à une activité qui le passionne se discipline automatiquement."

"C’est l’enfant lui-même qui doit s’éduquer, s’élever avec le concours des adultes. Nous déplaçons l’acte éducatif : le centre de l’école n’est plus le maître mais l’enfant."
Extrait de naissance d’une pédagogie populaire