vendredi 4 décembre 2020

L'abbaye de Fontenay, Bourgogne, Côte-d'Or (21)

L'abbaye de Fontenay est une abbaye cistercienne (aujourd'hui désaffectée) fondée en 1118 sur la commune française de Marmagne, dans le département de la Côte-d'Or et la région Bourgogne. Elle est située à la confluence de la combe Saint-Bernard et de la vallée du ruisseau de Fontenay, entourée d'une forêt dense.

Fontenay est la plus ancienne abbaye cistercienne d'Europe, caractéristique par son dépouillement dans l'ornementation. Elle est classée au titre des monuments historiques depuis 1862, et inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1981. L´abbaye a traversé plus de huit siècles sans que le temps n´altère sa magnifique architecture romane.

Abbaye de Fontenay - vue du ciel

L'abbaye de Fontenay, fondée par Bernard de Clairveaux en 1118, est entourée d'une forêt, participant à rendre le lieu serein et apaisant. Fontenay se veut consacrée à la recherche de Dieu et non aux fastes et extravagances.  L’ancienne Abbaye de Fontenay (XIIème siècle) est l’un des premiers monuments français à avoir été inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. Ce classement a distingué en 1981 la valeur exceptionnelle de Fontenay et de son environnement.

Epargnée après la Révolution Française, elle a conservé l’ensemble de ses bâtiments de style roman : l’église, le dortoir, le cloître, la salle capitulaire, le scriptorium, et la forge.

L’abbaye est située au creux d’un vallon entièrement préservé sur une étendue de deux hectares. Le parc paysagé de l’Abbaye de Fontenay a été classé "Jardin Remarquable" en 2004 par le Conseil National des Parcs et Jardins.


Abbaye de Fontenay -Cloître

Histoire

L'abbaye de Fontenay, fondée en 1118 par Bernard de Clairvaux. Elle est consacrée par le pape cistercien Eugène III le 21 septembre 1147 en présence de dix cardinaux, huit évêques et de nombreux abbés du jeune Ordre, dont celui de Clairvaux.

 * Le premier abbé est Geoffroi de la Roche-Vanneau, proche de Bernard de Clairvaux, dont il était cousin et l’un des compagnons lorsque celui-ci entra à Cîteaux, l’un des premiers moines de Clairvaux et bénéficiant toute sa vie de la confiance de l’abbé de Clairvaux. Il démissionne en 1126 pour revenir à Clairvaux, où il remplace le prieur parti fonder Igny. Il deviendra ensuite évêque de Langres où Bernard de Clairvaux le poussa et l’installa, au péril de la querelle (« la tempête de Langres » selon le mot de Pierre le Vénérable) de 1139 à 1162 (date incertaine), avant de se retirer une nouvelle fois à Clairvaux pour y mourir en 1165.
* Son successeur est Guillaume d’Épiry (de Spiriaco), autre parent de Bernard de Clairvaux. Sous son abbatiat, en 1131, Fontenay fonde l’abbaye des Écharlis. Il reçoit, vraisemblablement en 1145, Ebrard ou Everard de Calne, évêque de Norwich consacré le 21 juin 1121, ancien chapelain du roi Henri Ier Beauclerc, qui se retire à Fontenay, peut-être pour expier des aliénations du temporel épiscopal.

* Le troisième abbé est Arnaud de Bourgogne (vers 1154-1162). Bien qu'absent des généalogies ducales, certains auteurs font de lui un fils du duc Hugues II de Bourgogne, et donc un frère du duc Eudes II de Bourgogne, de Henri, évêque d'Autun et de Gautier, évêque de Langres.

* En 1170 : Bulle du pape Alexandre III qui confirme l'abbaye dans ses biens et permet aux moines d'élire un abbé.

* Aux XIIe et XIIIe siècles, l'abbaye est très prospère, les moines y développent des activités métallurgiques et sidérurgiques. À cette époque un hôtel particulier est bâti à Montbard pour l'abbé : le Petit Fontenet, qui sera plus tard occupé par Buffon.
* En 1259, le roi de France Saint Louis exempte l'abbaye de tout droit fiscal.
* En 1269, Fontenay devient abbaye royale : Les rois Jean II, puis Charles VIII, et Louis XII continueront ces largesses.

Abbaye de Fontenay -Cloître


Malgré cette protection royale, elle est pillée à plusieurs reprises pendant les guerres qui ravagent la Bourgogne. Elle jouit d'une influence croissante jusqu'au XVIe siècle. Mais l'instauration du régime de la "commende", qui supprime l'élection des abbés par les moines au profit de l'arbitraire royal, marque le début du déclin.

À partir du XVIIIe siècle, l'abbaye de Fontenay n'est plus que l'ombre de ce qu'elle avait été : les moines sont obligés, faute de pouvoir l'entretenir financièrement, de détruire le réfectoire. L'Hôtel particulier de Montbard, le Petit Fontenet est vendu en 1768 au naturaliste Buffon qui y installe sa Bibliothèque et son laboratoire de Chimie. La Révolution ne chasse qu'une dizaine de moines de l'abbaye alors qu'elle en avait abrité plusieurs centaines.

Abbaye de Fontenay -Cloître


* En 1791, l'abbaye est vendue pour 78 000 Francs, avec toutes ses terres à Claude Hugot qui la transforme en papeterie, elle le reste pendant près d'un siècle.
* En 1820, elle devient la propriété d'Élie de Montgolfier (de la famille des inventeurs de la montgolfière).

* En 1906, l'abbaye est rachetée par Édouard Aynard, banquier lyonnais et amateur d'art. Entre 1905 et 1911 de grands travaux de restauration sont entrepris pour lui rendre son aspect médiéval. Les usines sont démolies, le sol de l'église dégagé sur 80 cm et l'aile gauche du cloître est remontée pierre par pierre.

* En 1981, l'abbaye est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO.

* En 2006, elle est toujours la propriété de la famille Aynard. On peut en visiter une grande partie.


L'église abbatiale

Elle a été construite de 1127 à 1150 selon un plan cruciforme et des proportions qui lui valent d'être considérée comme une église-type de l'architecture cistercienne. Elle mesure 66 mètres de long, le transept mesurant 19 mètres. La nef de 8 m de large, est flanquée de deux bas-côtés. Les arcades sont en voûte brisée reposant sur des colonnes aux chapiteaux à décor lancéolé avec un faible relief, respectant ainsi la règle cistercienne. 

Abbaye de Fontenay - L'église abbatiale - Façcade


Le chœur, de forme carrée, est plus bas que la nef. Le pavage est fait de céramiques, qui recouvraient auparavant l'ensemble du sol de l'édifice. Au Moyen Âge, la façade était précédée d'un porche.

À l'intérieur, on peut admirer une Vierge à l'enfant datant du XIIIe siècle. Cette statue fut longtemps exposée aux intempéries dans le cimetière de Touillon (commune voisine de l'abbaye). La Vierge porte l'enfant Jésus sur son bras gauche, il entoure le cou de sa mère de son bras droit et tient sur sa poitrine une colombe aux ailes déployées avec sa main gauche. Nul autre mobilier n'est visible, les stalles originales ayant été abîmées par l'humidité, obligeant à un relèvement du sol de près d'un mètre à la fin du XVIIIe siècle.

Abbaye de Fontenay - L'église abbatiale -Intérieur


 Le cloître

Le cloître est une galerie couverte encadrant la cour du monastère. Il s'agit d'une des parties les plus remarquables du site. Il mesure trente-six mètres sur trente-huit, les quatre galeries, tout en conservant une grande unité, présentent certaines différences de construction. Elles sont composées chacune de huit travées formant archivolte et double arcades reposant sur des piliers avec double colonnettes à chapiteaux lancéolés. 
Abbaye de Fontenay - Galeries du cloître
C'est le cœur de l'abbaye, car c'est là que se croisaient les moines, la galerie située à l'est, était la plus fréquentée, car elle est en prise directe sur la nef de l'église, et menait les moines aux offices, à la salle capitulaire et à son extrémité sud, un escalier menait au dortoir. En 1911, lors de travaux, on y découvrit l’armarium qui était l'armoire creusée dans le mur dans laquelle les moines déposaient leurs livres avant d'aller aux offices. La galerie sud est la galerie du réfectoire. Elle contenait un lavabo, disparu depuis, côté cour, en face de la porte du réfectoire. Dans le cloître, se déroulaient les processions, des promenades de lecture ou de prière.

Abbaye de Fontenay - Galerie du cloître


La salle capitulaire (ou chapitre)

C'est la partie la plus importante de la vie de l'abbaye, c'est là qu'étaient prises les décisions concernant la communauté après lecture d'un chapitre de la Règle de Saint Benoît. Elle s'ouvre sur la galerie Est du cloître par une grande arcade cintrée, flanquée de chaque côté d'une double baie. À l'origine la salle capitulaire était parfaitement carrée, elle était formée de trois larges travées en voûte d'ogive et reposant sur des colonnettes, la troisième travée fut détruite par un incendie vers 1450. Au début du XXe siècle on a abattu la cloison entre la salle capitulaire et le parloir. Les clés de voûte sont ornées par un motif floral simple.

Abbaye de Fontenay - Salle capitulaire

 
La salle des moines

Dans le prolongement de la salle capitulaire et du parloir, se trouve la salle des moines, c'est sans doute ici que les moines copistes recopiaient et enluminaient les manuscrits. Elle mesure trente mètres de long, elle est recouverte de douze voutes d'ogives formant six travées.

Abbaye de Fontenay - Salle des moines

Le dortoir 

Le dortoir occupe tout le premier étage du bâtiment des moines, au-dessus de la salle capitulaire. On y accède par un escalier d'une vingtaine de marches. Il fut incendié au XVe siècle, et la charpente fut remplacée par celle que l'on peut admirer de nos jours et qui a une forme de coque de navire renversé. 

La règle de Saint Bernard imposait une salle commune avec des paillasses disposées à même le sol, et non des chambres individuelles.


Abbaye de Fontenay - Le dortoir


La forge

Le bâtiment se trouve à la limite sud de la propriété, il mesure cinquante-trois mètres de long sur treize mètres cinquante, sur voutes d'ogives reposant sur des colonnes centrales et aux murs sur des culots en pyramide tronquée. Il a été construit par les moines à la fin du XIIe siècle afin de travailler le minerai qui étaient extrait de la colline dominant le monastère. La dérivation du ruisseau de Fontenay, le long du mur de la forge, faisait tourner des roues qui actionnaient les martinets pour battre le fer.

Abbaye de Fontenay - La forge


Les bâtiments qui ne se visitent pas

Abbaye de Fontenay - Salle des moines
* Pigeonnier et chenil

* L'enfermerie qui comme son nom l'indique devait servir de prison, édifiée au XVIe siècle sur l'emplacement de l'ancien réfectoire des moines.

* La galerie Seguin datant de 1850.

* Le logis abbatial et la maison rouge, destinés aux abbés nommés par le pape, habitations coquettes, loin de la rigueur cistercienne.

* Le pigeonnier et le chenil.

* L'infirmerie, à l'écart de l'abbaye proprement-dite.

* La porterie, destinée à abriter le frère portier.



Coordonnées

Abbaye de Fontenay
Adresse : BP 6
CP et Ville : 21500 - Marmagne
Tél : 03 80 92 15 00
Fax : 03 80 92 16 88
Mail : info@abbayedefontenay.com
Site : www.abbayedefontenay.com

Document interactif: Une abbaye au Moyen-Age


Abbaye de Fontenay - L'église abbatiale -Intérieur

Abbaye de Fontenay - Galeries du cloître

Abbaye de Fontenay - Détail galerie du cloître

dimanche 29 novembre 2020

Vouloir refaire le monde


Aquarelle de Zozim
Assis confortablement à la table du jardin, verre de vin à la main et en agréable compagnie, nous nous plaisons tous à « refaire le monde ». Nous aimons exposer les absurdités de la société, ses problèmes et ses enjeux, et nous prenons un malin plaisir à en repenser les fondations et à restructurer tout ce qui « ne va pas». Ce faisant, lorsque nous nous penchons sur les raisons d’être d’un tel état de choses, la majorité d’entre nous en arrive rapidement à la conclusion que nous sommes victimes de nos dirigeants car ceux-ci nous manipulent, nous contrôlent via des techniques dignes de Machiavel, nous conditionnent par l’entremise des médias et ne font de nous qu’une main-d’œuvre bon marché sur leur échiquier économique. Nous ne nous gênons pas non plus pour clamer haut et fort que les religions de ce monde nous ont manipulés depuis la nuit des temps et que le système monétaire nous a corrompu l’esprit et a fait de nous d’avares matérialistes.

Certes, tout cela est vrai et lorsque nous en prenons réellement conscience, notre réaction est unanime et sans équivoque : nous voulons refaire le monde.

Puisqu’il est malade, nous voulons le guérir en éradiquant pauvreté et maladie, et puisqu’il est en désordre, nous désirons sincèrement le replacer adéquatement en mettant fin aux guerres et à l’avarice. C’est ainsi que, confortablement assis dans le jardin de notre résidence secondaire, nous remettons tout le système social en cause : chaque parcelle de sa constitution et chaque principe de sa fondation sont, selon nous, à revoir entièrement. Et si nous étions les élus et acteurs de ce système, s’ensuivraient discussions, réflexions, comités de sélection, votes et nouvelles lois, politiques et règlements plus « justes ».

Mais à bien y penser, puisque la dynamique de base demeurerait la même, il est fort à parier que rien ne changerait réellement. Il est simple de refaire ainsi le monde, dans le confort même de celui-ci, dénonçant hypocritement son caractère matérialiste alors que nous sommes entourés de biens superflus, nous indignant devant sa mentalité perverse alors que nous jugeons sévèrement chacun de ses participants.

Mais nous ne nous demandons pratiquement jamais s’il ne serait pas possible qu’une société, quelle qu’elle soit, ne soit pas réellement à l’image de ses constituants de base, c’est-à-dire des êtres qui la forment. Il nous arrive rarement de nous rendre compte que la société dans laquelle nous vivons n’est qu’un reflet, un miroir, et que l’image qu’elle nous renvoie n’est en réalité que notre propre image. En effet, comment une société, aussi malsaine et pernicieuse soit-elle, pourrait-elle être ainsi si chacun de nous, intérieurement (et habituellement sans se l’avouer) n’étions pas ainsi ? Et si toutes les faiblesses et perversions de la société actuelle n’étaient autres que le reflet, à plus grande échelle, de nos propres états d’âme, de notre propre façon d’être, de penser et d’agir ?

Il n’est certes pas agréable de nous imaginer aussi « dysfonctionnel » que le système égocentrique qui nous entoure, mais il faut nous rendre à l’évidence : si nous y vivons, si nous y participons, c’est que nous l’acceptons, d’une façon ou d’une autre, et l’alimentons de surcroît. Sans quoi, nous n’en ferions pas (ou plus) partie.

Il va donc sans dire que chacun de nous qui accepte de vivre selon les normes établies, qui accepte que « ce soit ainsi », continue alors, jour après jour, à prêter serment en quelque sorte, à signer ce contrat d’ « union légale » avec ce système et accepte ainsi la sentence inscrite au bas de celui-ci en caractères minuscules (sentence que nous ne connaissons d’ailleurs que rarement puisque nous prenons rarement le temps de la lire et d’y réfléchir).

La société est donc ainsi faite. Qu’on le veuille ou non, elle est constituée d’êtres endormis et inconscients : d’êtres indifférents à la sentence commune. Elle se compose d’esclaves qui se croient souverains tant et aussi longtemps qu’ils ne perdent pas trop au jeu qu’on leur impose. En somme, elle est faite d’êtres faibles qui refusent de prendre leurs responsabilités et préfèrent qu’on les dirige. Puisque nous refusons obstinément de prendre notre pouvoir personnel en main et d’ainsi diriger nos vies comme nous l’entendons, sans « pouvoir officiel » pour nous mener vers le « droit chemin », nous n’utilisons ni ne cultivons notre habileté à penser par nous-mêmes, mais préférons grandement accepter nonchalamment les consensus et les prêts-à-penser dans le confort et l’indifférence.

Et voilà que lorsque nous nous affairons à « changer le monde », c’est dans le confort que celui-ci nous apporte et c’est surtout à défaut d’entreprendre la difficile tâche de se remettre soi-même en cause. En effet, il est beaucoup plus facile de pointer du doigt les rouages inadéquats du système en place que de reconnaître les faiblesses en soi. Et le tout selon la fausse rhétorique  que si le système change, notre vie changera. Mais notre façon d’être, dans l’état actuel des choses, continuera d’exiger un système qui nous prenne en charge, prenne soin de nous et aille même jusqu’à penser pour nous. Et c’est ainsi qu’à coups de réunions, de décrets de lois et de signatures de contrats qui détermineront qui s’occupera de quoi que rien n’aura réellement changé, puisque nous désirons toujours que quelqu’un d’autre prenne la responsabilité à notre place.

Si le système est ainsi fait, c’est que nous sommes ainsi, tout simplement.


Vers un changement de soi ?

Il faut donc se rendre à l’évidence : ce que nous devons changer, c’est nous-mêmes, car c’est la seule chose que nous pouvons changer. C’est seulement en refusant notre dynamique interne que nous pouvons y parvenir car c’est uniquement en réalisant que le système présent utilise nos faiblesses pour réussir à être ce qu’il est, et qu’il est indispensable de nous défaire de celles-ci plutôt que du système lui-même.

Mais ce n’est pas chose aisée de laisser tomber ce que nous avons trop longtemps considéré comme « soi-même », notre personnalité, notre « identité », c’est-à-dire nos habitudes physiques, mentales et émotionnelles, notre confort et nos conceptions habituelles du monde. Tout cela n’est pas une mince tâche : tenter de modifier ne serait-ce que la plus petite de nos habitudes, de façon substantielle, semble parfois relever de l’impossible et s’avère normalement d’une difficulté déconcertante.

Mais comme si cela n’était pas déjà assez ardu, s’ajoute à cette difficulté initiale un autre élément de taille, celui de connaître réellement ce qu’est soi-même. Cela peut sembler sorti tout droit d’un biscuit de fortune existentialiste, mais nous définissons notre « soi-même » trop souvent et à tort comme étant l’ensemble de nos habitudes. Ne serions-nous en réalité que cela ? Et si nous modifiions fondamentalement une ou plusieurs de nos habitudes (car nous le pouvons), cesserions-nous d’être nous-mêmes ? Lorsque nous fermons les yeux et tentons de trouver cet espace intérieur, savons-nous réellement ce que nous sommes ? Nous arrive-t-il de nous rendre compte que cet espace intérieur est indépendant de nos habitudes ?

Le message des enseignements traditionnels est majoritairement axé sur la connaissance de soi. Si nous ne nous connaissons pas réellement, ou  pire,  croyons à tort nous connaître en fonction de nos habitudes, comment pouvons-nous réellement espérer changer la plus petite parcelle de ce monde en ne sachant même pas nous définir nous-mêmes et encore moins changer ce nous-mêmes d’un iota ?

Et c’est ainsi que, verre de vin à la main à notre résidence secondaire et en agréable compagnie, nous nous vautrons dans cette gymnastique intellectuelle qui vise à exprimer notre ressentiment face à ce qui nous entoure sans même nous rendre compte que chacun de nous crée cette société dans laquelle nous vivons, et ce, au même titre que chaque arbre participe à la création de la forêt dont il fait partie. Nous disons souvent que c’est « l’arbre qui cache la forêt », mais dans ce cas-ci, c’est la forêt qui devient un prétexte pour l’arbre.



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vendredi 20 novembre 2020

Gandhi (1869-1948)

Mohandas Karamchand Gandhi naît le 2 octobre 1869 à Porbandar dans l'état du Gujarat, au nord-ouest de l'Empire britannique des Indes. Il est issu de la caste des Vayshia et sa famille (des commerçants), est relativement aisée. Enfant, sa mère lui inculque les valeurs hindouistes mais il apprend aussi à connaître les autres religions et la tolérance à leur égard. C'est sans doute pendant cette période que se forgent les convictions morales de Gandhi. Il est fasciné par le jaïnisme, cette religion prônant la non-violence.

Conformément aux coutumes de sa caste, sa famille le marie à 14 ans avec Kasturbai qui restera son épouse toute sa vie. En grandissant Gandhi devient convaincu qu'il ne sera quelqu'un qu'en rompant avec les coutumes de l'Inde et en copiant le style de vie des anglais. Il s'embarque donc pour l'Angleterre en 1888 en laissant femme et enfant pour y faire ses études de droit. C'est paradoxalement à Londres que Gandhi lit les principaux textes de l'hindouisme, notamment la Baghavad-Gita qui l'influencera profondément. Il découvre aussi la vie de Bouddha, Jésus, Mahomet et fait la connaissance des théosophes anglais. 

Après trois années en Angleterre et son diplôme d'avocat en poche, Gandhi rentre en Inde. Malheureusement sa vie professionnelle s'enlise et il reste tiraillé entre ses racines hindoues et son attirance pour la bourgeoisie occidentale.

L'Afrique du Sud

En 1893 une entreprise indienne lui propose de se rendre en Afrique du Sud pour y défendre ses intérêts lors d'un procès. Gandhi accepte. Il ne le sait pas encore, mais c'est le tournant de sa vie. Il va y passer quasiment vingt ans.

Dès son arrivée là-bas il est confronté à la discrimination raciale. Expulsé d'un train il s'aperçoit très vite que les britanniques et les Boers dominent sans partage les populations noires et immigrées (à cette époque 100 000 indiens vivent en Afrique du Sud). Il est choqué de voir que les sujets de l'empire britannique ne sont pas traités de la même manière suivant la couleur de leur peau. Affecté par des vexations racistes de la part des Blancs, comme de devoir descendre d'un compartiment de train de première classe, il s'érige en défenseur des immigrants indiens et forge une doctrine originale fondée sur la non-violence, la maîtrise de soi et le respect de la vérité (la "satyagraha"). Il préconise en vertu de cette doctrine la désobéissance passive et collective pour lutter contre les discriminations.

En 1894, à l'issue du procès, gagné, pour le lequel il était venu, Gandhi décide de lutter contre une loi visant à interdire aux Indiens le droit d'élire des représentants à l'assemblée de l'état du Natal. Il fait signer une pétition à 10 000 personnes et obtient le retrait du projet de loi. Gandhi avait surtout réussi à faire prendre conscience aux Indiens qu'il fallait s'unir. Devenu populaire, Gandhi décide de poursuivre le combat. En 1896, il va chercher sa femme et ses enfants en Inde et revient en Afrique du Sud. Il travaille comme avocat jusqu'en 1899.
Malgré son engagement, il se comporte loyalement à l'égard des Britanniques pendant leur guerre contre les Boers, en 1899-1901, et organise un service d'ambulances avec un personnel indien. Gandhi appelle ses compatriotes à soutenir les anglais.    

En 1906 une nouvelle loi ségrégationniste est votée au Transvall. Elle enjoint les asiatiques à se faire inscrire sur des listes destinées à contrôler de près leurs activités. Gandhi réussit à convaincre 3000 délégués de ne pas se soumettre à la nouvelle loi et de résister quel qu'en soit le coût, mais sans violence. Gandhi est arrêté et incarcéré pendant six mois. En 1909 il publie "Hind Swaraj", livre dans lequel il développe les théories du combat par la non-violence : "la satyagraha". Pendant huit ans, Gandhi ne cessera de s'opposer aux lois ségrégationnistes et au Général Smuts ce qui lui vaudra d'autres séjours en prison. Finalement, le 30 juin 1914, Smuts et Gandhi signent un accord sur l'abrogation d'une grande partie des lois raciales. Au prix de plusieurs séjours en prison, Gandhi a remporté de spectaculaires succès face aux gouvernants britanniques.

Retour au pays

Le 18 juillet 1914 Gandhi quitte l'Afrique du Sud pour toujours et rentre en Inde. Il décide, dès son retour, de partir à la découverte de son pays natal. Son périple dure un an à l'issue duquel il établit un ashram près d'Ahmedabad. Son nom est désormais associé à la lutte contre l'injustice. Gandhi bénéficie déjà d'une solide réputation d'ascète et de héros qui lui vaut d'être surnommé par le grand poète indien Tagore "Mahatma", d'après un mot hindi qui veut dire "Grande âme". Il est décidé à mettre un terme à l'exploitation coloniale de son pays, sans répandre une goutte de sang.

C'est pourquoi, début 1917, Gandhi se rend au Bihar à l'appel des cultivateurs de l'indigo exploités sans vergogne par les industriels anglais. Devant les risques d'émeutes, le gouvernement donne satisfaction aux planteurs. A peine rentré à Ahmedabad, Gandhi soutient un mouvement de grève des ouvriers textiles et utilise, pour la première fois, le jeûne pour faire pression sur les patrons et pour marquer son entière solidarité avec les grévistes.

Gandhi accède à la présidence du parti du Congrès et mène dès lors la lutte pour l'autonomie du pays puis pour son indépendance, tout en prônant l'émancipation des femmes et des Intouchables (les hors-castes de l'hindouisme). Avec bienveillance, il surnomme ces derniers les Harijans ou gens de Dieu (les Intouchables récusent aujourd'hui ce terme paternaliste et lui préfèrent celui de Dalits ou opprimés).

Plein de curiosité pour les systèmes philosophiques et les grandes religions, il n'en reste pas moins fidèle à son héritage hindou. Il se rapproche de l'Inde profonde des villages et préconise l'autosuffisance économique et le retour à une économie traditionnelle. Le Mahatma donne l'exemple de l'ascétisme en pratiquant la chasteté dans son ashram des environs d'Ahmedabad, au nord-ouest du pays, et en tissant le coton sur son rouet pour subvenir à ses besoins et fabriquer ses propres vêtements.

À la fin de la première guerre mondiale, pendant laquelle Gandhi avait appelé au soutien de l'effort de guerre, il présente aux britanniques ses premières revendications d'autonomie pour l'Inde. Le 6 avril 1919, pour impressionner les anglais, Gandhi appelle le peuple à manifester publiquement dans tout le pays et à cesser toute activité. La manifestation est un énorme succès. Le 13 avril, à Amritsar, la population manifeste de nouveau malgré l'interdiction. Le général Dyer ordonne alors à ses hommes de tirer sur la foule pacifique. Le bilan est effroyable : plus de 300 morts et plus de 1000 blessés. Horrifié, Gandhi suspend immédiatement la satyagraha, ce massacre rompt les liens invisibles qui rapprochaient Indiens et Britanniques.

En 1920 il repense ses moyens d'action. Soutenu par le parti du Congrès et par les musulmans, il appelle à la non coopération avec l'administration britannique et se prononce pour le boycott des produits textiles d'origine européenne. L'Inde tout entière bouge et la tension ne cesse de monter. De nombreux leaders sont emprisonnés et des affrontements ont lieu. Pendant l'un d'eux, 22 policiers sont lynchés par la foule. En février 1922, Gandhi décide de mettre fin à toute action, par souci d'éviter les violences. Lui-même entame une grève de la faim dans son ashram et met sa vie en danger pour convaincre ses compatriotes d'interrompre les violences. Il est emprisonné, ce qui lui vaut une aura internationale de martyr...

Gandhi poursuit son action avec encore plus de détermination, en s'appuyant sur le parti du Congrès. Il préconise la non-participation (refus des décorations, boycottage des produits anglais...) et prescrit même la grève de l'impôt dans un district du Gudjerat. Il est cependant arrêté puis condamné à 6 ans de prison. Il restera emprisonné 2 ans pendant lesquels le mouvement va sensiblement s'essouffler.A sa sortie de prison Gandhi appelle à la cohésion nationale et il réclame l'égalité sociale pour les intouchables qu'il appelle affectueusement les harijans ("enfants de Dieu"). Il mènera d'ailleurs deux grèves de la faim pour qu'ils puissent entrer dans les temples.

Gandhi (1869-1948)
«Quit India !»

En 1930, Gandhi a retrouvé toute sa fougue. Il bénéficie d'une influence considérable. À chacun de ses mots d'ordre l'Inde s'immobilise. Le 12 mars 1930 le Mahatma entreprend son action la plus célèbre : "la marche du sel". Son objectif est de dénoncer le monopole anglais de la vente du sel. Pendant 24 jours et sur 350 km le cortège ne cessera de gonfler. Arrivé à son but Gandhi ramasse une poignée de sel et annonce qu'il commence la désobéissance civile. Il est de nouveau arrêté, mais cette action convainc les libéraux britanniques d'engager l'Inde dans la voie de l'indépendance.

Dès l'année suivante, celui que Winston Churchill qualifie avec mépris de "fakir à moitié nu" est convié à Londres à une table ronde destinée à débattre d'une hypothétique indépendance de l'Inde. Mais les discussions achoppent très vite sur les modalités de l'indépendance (faut-il accorder aux États princiers le droit de sécession ? quelle garantie pour la minorité musulmane, qui représente alors un quart des 350 millions d'Indiens ? quel statut pour les Intouchables ?...). Le Mahatma est déçu que le Congrès ne le suive pas dans le retour aux valeurs traditionnelles et s'en tienne à la quête de l'indépendance. Il renonce à la présidence du parti.

En janvier 1931 le Vice-Roi Lord Irving le fait libérer. Il échange la libération des prisonniers politiques et la fin des lois sur le sel contre la fin de la désobéissance civile et la participation de Gandhi à une conférence organisée à Londres. Celui-ci accepte et en profite pour visiter l'Europe. Cette table ronde ne sera suivie d'aucun changement notable sur la politique indienne d'autant que Winston Churchill arrive au pouvoir avec l'intention d'écraser le Parti du Congrès. Des milliers de militants sont bientôt arrêtés.    

En août 1932 Gandhi est jeté en prison. Les dissensions entre les communautés s'aggravent et les droits des intouchables sont menacés. Le 20 septembre le Mahatma entreprend une nouvelle grève de la faim. Le gouvernement britannique plie devant la menace de la mort de Gandhi devenu très populaire en Europe.

En 1934 Gandhi se retire de la politique en tant que telle, préférant la laisser aux jeunes leaders du Congrès dont Nehru. Il continue en revanche de se battre pour la cohésion entre les communautés et pour l'éducation des masses, ce qui lui vaudra l'inimitié des extrémistes hindous. Cette année là, Gandhi échappe à la première des cinq tentatives d'assassinat dont il fera l'objet. Lors des élections de 1937, le Congrès obtient la majorité écrasante au parlement indien. Dès lors la marche vers l'autonomie et l'indépendance semble inéluctable.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, les Britanniques engagent l'Inde dans le conflit sans prendre la peine de consulter les représentants de la colonie. Tout au plus le premier ministre Winston Churchill promet-il aux Indiens, à l'issue de la guerre, un statut de dominion similaire à celui du Canada ou de l'Australie. Gandhi refuse de s'engager aux côtés des anglais. Il affirme que seule une Inde indépendante pourrait contribuer à la lutte contre les nazis. Parmi les compagnons de Gandhi, certains comme Jawaharlal Nehru plaident pour ne rien faire qui favorise l'ennemi japonais et son allié allemand. Mais pour Gandhi, l'heure des compromis est terminée. Tout en condamnant la violence et, pire encore, l'alliance avec l'ennemi japonais dans laquelle se compromet l'ultra-nationaliste Bose, le Mahatma lance le 8 août 1942, à Bombay, un mot d'ordre radical à l'adresse des Britanniques : "Quit India!" (Quittez l'Inde!). Il enjoint les britanniques à partir au plus vite et relance le mouvement de désobéissance civile sous la forme de manifestations, boycotts et grèves. Quelques heures plus tard, plusieurs chefs du parti du Congrès sont arrêtés, après que des émeutes aient éclaté. Gandhi et sa femme sont une nouvelle fois incarcérés, cette dernière trouvera la mort lors de sa détention. Gandhi ne sera libéré qu'en mai 1944 par Winston Churchill.

La marche du sel - 12 mars 1930

La joie ternie de l'indépendance

Au terme de la Seconde Guerre mondiale, les travaillistes d'Atlee arrivent au pouvoir en Angleterre. les Britanniques sont résignés à se retirer du sous-continent indien. Nommé le 24 mars 1947 vice-roi et Gouverneur général des Indes, Lord Mountbatten a la lourde tâche de préparer l'indépendance. L'Union indienne célèbre son indépendance le 15 août 1947. Le vice-roi Mountbatten remet les pouvoirs au Premier Ministre Nehru.

Mais cette victoire est trés vite ternie. Les communautés musulmane et hindoue se déchirent. Entre 1946 et 1947, plus de 5 000 personnes sont tuées dans des violences intercommunautaires. Des millions de gens sont déplacés de force afin d’homogénéiser l’implantation des populations selon leurs croyances. Gandhi est viscéralement opposé aux plans qui sépareraient l'Inde en deux pays différents. Beaucoup de musulmans en Inde vivaient aux côtés d'Hindous ou de Sikhs et étaient en faveur d'une Inde unie. Mais la Ligue Musulmane, est très populaire en Inde. Cette organisation est dirigée par Mohammed Ali Jinnah, un avocat musulman chiite, qui prône la création d'un État musulman indépendant et réclame la création d'un état indépendant à majorité musulmane.

Gandhi, lui, reste attaché plus que tout à l'unité de l'Inde et use de toute son influence pour éviter la partition. Il construit un dialogue avec les dirigeants des deux communautés, travaillant à atténuer les tensions dans le nord de l'Inde et le Bengale. C'est un échec, le 15 août 1947 Lord Mountbatten annonce l'indépendance de deux nouvelles nations : le Pakistan et l'Inde.

Malgré la guerre indo-pakistanaise de 1947, Gandhi est troublé quand le gouvernement décide de refuser aux pakistanais les 550 millions de roupies prévus dans les négociations de la partition. Des dirigeants comme Sardar Patel craignent que le Pakistan n'utilise l'argent pour financer la guerre contre l'Inde. Gandhi est aussi choqué quand des demandes sont faites de déporter tous les musulmans au Pakistan, et quand les dirigeants de chaque communauté expriment leur frustration et l’inaptitude à s'entendre entre eux.

Le 13 janvier 1948, Le Mahatma, a 78 ans. Il entre au soir de sa vie dans son dernier combat en entamant une nouvelle et périlleuse grève de la faim pour convaincre hindous et musulmans de déposer les armes. Il demande que toute violence communautaire cesse définitivement, que le Pakistan et l'Inde garantissent l'égalité dans la sécurité et les droits pour les pratiquants de toutes les religions, et que le paiement de 550 millions de roupies soit fait au Pakistan. Gandhi craint que l'instabilité et l'insécurité au Pakistan n’augmente leur colère envers l'Inde, que la violence ne passe la frontière et qu'une guerre civile éclate en Inde à cause de nouvelles tensions: "La mort serait une glorieuse délivrance pour moi plutôt que d'être le témoin impuissant de la destruction de l'Inde, de l'hindouisme, du sikhisme et de l'islam."

Gandhi refuse de céder, et le gouvernement doit faire volte face et payer la somme au Pakistan. Les dirigeants de chaque communauté, incluant le Rashtriya Swayamsevak Sangh et le Hindu Mahasabha lui assurent qu'ils renonceront à toute violence et demanderont la paix. Gandhi rompt alors son jeûne.

La mort de Gandhi

Pourtant la colère des extrémistes n'est pas retombée. Ceux du côté hindou notamment tiennent rigueur à Gandhi de sa trop grande mansuétude à l'égard des musulmans. Le 30 janvier 1948, en chemin vers une réunion de prière, Gandhi est abattu par balles près de Birla House, à New Delhi, par Nathuram Godse, un hindou nationaliste qui a des liens avec le groupe fascisant Hindu Mahasabha. Godse tenait Gandhi pour responsable de la partition de l'Inde et par là de son affaiblissement. Les dernières paroles de Gandhi seront: "Hé Ram" ("Oh Dieu!").

Sa mort provoque une émotion internationale. Deux millions d’Indiens assistèrent à ses funérailles. Selon sa volonté, la plupart de ses cendres furent dispersées dans plusieurs grands fleuves du monde tels que le Nil, la Volga et la Tamise. Godse et son complice Narayan Apte seront jugés et condamnés à mort, puis exécutés le 15 novembre 1949.


 Gandhi la Grande Ame
"La vie de l'apôtre de la non-violence – Sa lutte pour l'indépendance de l'Inde" 
"Chroniques filmées du XXème siècle".

La pensée de Gandhi

Gandhi figure au panthéon des plus grandes personnalités du XXe siècle. Il a démontré l'efficacité de la non-violence. Aujourd'hui encore l'empreinte de Gandhi est vivante en Inde où il est perçu comme le "Père de la nation indienne", même si la société juste, égalitaire et non violente dont il avait rêvé reste à construire.    

La foi
Gandhi était né hindouiste et pratiqua l'hindouisme toute sa vie, qui inspira la plupart de ses principes. Comme tout hindou traditionnel, il voyait dans toutes les religions autant de chemins possibles pour atteindre la Vérité et refusait de se convertir à une autre foi. C'était un théologien avide et il lut beaucoup sur toutes les grandes religions. Gandhi croyait que le cœur de toutes les religions était la vérité et l'amour (compassion, non-violence et éthique de réciprocité). Il critiquait l'hypocrisie, les mauvaises pratiques et les dogmes de toutes les religions et fut un réformateur social infatigable.

Plus tard dans sa vie, quand on lui demandait s'il était hindouiste, il répondait : "Oui je le suis. Je suis aussi un chrétien, un musulman, un bouddhiste et un juif."

Gandhi a dédié toute sa vie à la découverte de la vérité ou satya. Il essaya de l'atteindre en apprenant de ses propres erreurs et en pratiquant des expériences sur lui-même. Gandhi établissait que la plus importante bataille à remporter était vaincre ses propres démons, peurs et insécurités. Il résuma ses croyances quand il dit d'abord "Dieu est vérité". Il changea ensuite cette déclaration en "la vérité est Dieu".

Végétarisme
"Jamais je ne consentirais à sacrifier au corps humain la vie d’un agneau. J’estime que, moins une créature peut se défendre, plus elle a droit à la protection de l’homme contre la cruauté humaine"

L'idée du végétarisme est fortement ancrée dans les traditions hindoues et jaïnes, et dans sa terre natale du Gujarat la plupart des hindous et sa famille étaient végétariens. Avant de partir étudier pour Londres, Gandhi avait promis à sa mère qu'il ne mangerait pas de viande. Il tint sa promesse et son végétarisme devint une partie intégrante de sa philosophie de non-violence.

"On reconnaît la grandeur d'une nation à la manière dont elle traite ses animaux". En plus de la dimension éthique du végétarisme il considérait la dimension économique, étant donné que la viande était (et est toujours) plus chère que les céréales, les légumes et les fruits, et aidait ainsi les Indiens qui avaient de faibles revenus. Enfin, la production de viande demande une bien plus grande disponibilité de terres et d'eaux pour l'engraissement des animaux, instaure une monoculture qui favorise l'industrie alimentaire et les grands propriétaires terriens plutôt que les productions locales et variées des paysans indiens possédant de petites parcelles de terre cultivable.

Brahmacharya
Le brahmacharya (pureté spirituelle et pratique) est largement associé avec le célibat et l'ascétisme. Le brahmacharya, qui correspond à l'une des quatre périodes de la vie humaine telle que le théorise l'hindouisme, est à rapprocher d'une forme de discipline du corps dont la visée, spirituelle ou religieuse, est le détachement des sens (lesquels entraveraient la libération de l'âme). Gandhi concevait le brahmacharya comme un moyen de se rapprocher de Dieu et comme la pierre de fondation de sa réalisation personnelle. Pour Gandhi, brahmacharya signifiait "contrôle des sens en pensée, en mots et en actions". Ce contrôle passe par l'arrachement à la racine des passions que l'on veut détruire.

Gandhi n'eut de cesse toute sa vie d'étendre et d'approfondir les domaines d'application de sa recherche de maîtrise des sens. Outre la maîtrise du désir sexuel, il rechercha également à se détacher du plaisir gustatif : formant régulièrement des "vœux", Gandhi supprimait progressivement tel condiment, tel aliment, ou réduisait toujours plus le nombre d'aliments qu'il pouvait ingurgiter.

Non-violence
Le concept de non-violence (ahimsâ) et Résistance non-violente a une longue histoire dans la pensée religieuse indienne et a eu de nombreuses occurrences dans des contextes hindouistes, bouddhistes, jaïnistes et judéo-chrétiens. 

"Alors qu'une bonne action doit appeler l'approbation, et une mauvaise, la réprobation, le fauteur de l'acte, qu'il soit bon ou mauvais, mérite toujours respect ou pitié, selon le cas. « Hais le péché, non le pécheur » – c'est là un précepte que l'on applique rarement, s'il est aisé à comprendre ; et c'est pourquoi le venin de haine se répand si vite dans le monde. L'ahimsâ est le fondement de la quête de vérité. Il n'est pas de jour où je ne m'aperçoive, en réalité, que cette quête est vaine, si elle ne se fonde pas sur l'ahimsâ. S'opposer à un système, l'attaquer, c'est bien ; mais s'opposer à son auteur, et l'attaquer, cela revient à s'opposer à soi-même, à devenir son propre assaillant. Car la même brosse nous a peints ; nous avons pour père le même et unique Créateur, et de ce fait les facultés divines que nous recélons en nous sont infinies. Manquer à un seul être humain, c'est manquer à ces facultés divines, et par là même faire tort non seulement à cet être, mais, avec lui, au monde entier."

"Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir mais aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer."

Toutefois Gandhi était conscient que la non-violence requérait une foi et un courage incroyable que peu de monde possédait. Il conseillait donc qu’il n’était pas nécessaire que tous restent non-violents, surtout si la non-violence était utilisée pour cacher la lâcheté: "Je crois que s’il y a seulement le choix entre la violence et la lâcheté, je conseille la violence." Gandhi pensait que la violence était inefficace et ne pouvait qu’initier une chaîne continue de vengeance. Il disait de la loi du Talion : "Œil pour œil et le monde finira aveugle."

Gandhi rattachait également la non-violence au féminisme. Il l’explique lors d’un discours pendant la marche du sel : "Appeler les femmes le sexe faible est un mensonge. C’est une injustice des hommes faite aux femmes. Si la non-violence est la loi de nos êtres, le futur est avec les femmes."

Gandhi (1869-1948)

Satyagraha
Le satyagraha (« la force née de la vérité et de l'amour ou non-violence ») est l'aboutissement de cette vérité contre des lois ou des systèmes injustes au travers d'une lutte non violente. Gandhi considère même le satyagraha supérieur à la désobéissance civile ou à la résistance non-violente car le terme implique de servir une cause juste et devenait de ce fait l'arme des forts et non plus l'arme des faibles. 

Pour lui cette lutte ne doit engendrer aucune souffrance à l'adversaire, s'il y a souffrance c'est au défenseur de la vérité de la subir : "La recherche de la vérité ne doit admettre qu'aucune violence ne soit infligée à un adversaire, mais qu'il doit sortir de l'erreur par la patience et la sympathie. Parce que ce qui apparaît comme la vérité à l'un peut apparaître comme erreur à l'autre. Et patience signifie auto-souffrance. Donc la doctrine est revendication de la vérité, pas en infligeant des souffrances à son adversaire, mais à soi-même."

Critique du modèle économique occidental

Gandhi pouvait admirer les avancées technologiques et le confort économique que donnait la civilisation occidentale moderne, mais pointait également ses lacunes et les nouveaux risques et besoins qu'elle apportait à l'individu. Il fait la critique du développement et de la notion même de civilisation telle qu'idéalisée par la Grande-Bretagne et les Occidentaux, Gandhi montre que chaque progrès réalisé d'une part correspond à une aggravation des conditions de vie de l'autre, que la civilisation occidentale a laissé de côté la moralité et la religion, qu'elle crée de nouveaux besoins liés à l'argent et impossibles à satisfaire, qu'elle accroît les inégalités et voue à l'esclavage une grande partie de l'humanité. Pour lui ce type de civilisation est sans issue: "Cette civilisation est telle que l'on a juste à être patient et elle s'autodétruira."

La mécanisation et la mondialisation des échanges est pour lui un désastre pour l'Inde.Il prend comme exemple des avancées ressenties de manière globalement positive comme le train, les médecins ou les avocats, qui peuvent être selon lui tout aussi néfastes. Le train parce qu'il peut transporter les maladies aussi rapidement que les passagers et peut entraîner la spéculation et les famines. Les avocats parce qu'ils préfèrent trouver une solution juridique à une solution morale à un conflit, prétendent sans raison aucune à des salaires supérieurs aux travailleurs communs, et renforcent la puissance britannique en Inde. Les médecins parce qu'en accordant des soins ils encouragent la négligence et le manque de prévention individuelle, brisent des tabous religieux et font d'énormes profits avec des médicaments hors de prix.

Pour Gandhi la civilisation indienne n'a rien à envier à l'occidentale avec sa course au développement économique. L'accès à la richesse pour tous est pour lui impossible et l'individu doit lui-même contrôler ses besoins: "L'esprit est un oiseau sans repos ; le plus il obtient et le plus il désire et n'est jamais satisfait. Plus nous satisfaisons nos passions et plus elles deviennent débridées. Nos ancêtres avaient compris cela et placé une limite à nos indulgences. Ils avaient remarqué que le bonheur était surtout une condition mentale."

"La justification de la pauvreté volontaire était l'impossibilité que tous fussent riches. Tous pourraient avoir part à la non-possession ; moins on possède, moins on désire. Je ne prêche pas la pauvreté volontaire à un peuple qui souffre de pauvreté involontaire, mais le grave problème économique national pourrait être résolu facilement si tous ceux qui sont riches voulaient bien se soumettre à la pauvreté volontaire."

Gandhi comprenait les processus économiques comme une force que l'on doit régler par des lois basées avant tout sur la morale et surtout l'harmonie générale entre tous les êtres, et non la laisser « s'auto-régler » par elle-même comme cela se veut dans l'économie de marché, le capitalisme, économie liée à l'offre et à la demande, car, en soi, toute réussite économique est immorale : "L’art de devenir riche, dans le sens commun du terme, n’est pas seulement l’art d’accumuler beaucoup d’argent pour nous-mêmes, mais aussi celui de découvrir comment notre voisin peut en obtenir pour le moins possible. En termes exacts, c’est l’art d’établir le maximum d’inégalités en notre faveur."

Critiquant vivement la « logique » de l'économie de marché, économie réduite à elle-même et comme un pilier incontournable dans les relations internationales (commerciales ou non), Gandhi voyait le refus de bâtir une société équitable mondiale, refus venant de l'Occident et – du fait de la colonisation héritée – du reste du monde, comme une fuite en avant, qui amènerait toujours les plus faibles et démunis dans le gouffre, gouffre symbolisé par Gandhi par les famines, ces dernières étant liées, soit à la guerre, soit à ce mécanisme économique toujours défectueux, car toujours se refusant à se soumettre à des principes moraux de bien-être universel: "Si tous les hommes comprenaient l'éternelle loi morale du service à autrui, ils considéreraient comme un péché d'amasser des richesses ; alors il n'y aurait plus d'inégalité de fortune, et par conséquent plus de famine, plus de gens qui meurent de faim."

La simplicité

Gandhi croyait sincèrement qu'une personne impliquée dans le service social devait mener une vie simple. Sa pratique de l'ascétisme s'inspire de la pensée du philosophe et poète américain Henry David Thoreau. Cette simplicité commença par le renoncement au style de vie occidental qu'il menait en Afrique du Sud. Il appela cela "se réduire soi-même à zéro", "vivre simplement pour que tous puissent simplement vivre" tel était ses valeurs, son mode de vie, ce qui voulait dire abandonner toute dépense superflue, mener une vie simple et laver ses propres vêtements.

Gandhi passait un jour de chaque semaine en silence. Il croyait que s'abstenir de parler lui amenait la paix intérieure. Ces jours-là il communiquait avec les autres en écrivant sur un papier. Pendant 3 ans et demi, à l'âge de 37 ans, Gandhi refusa de lire les journaux, clamant que les nouvelles tumultueuses du monde lui causaient plus de confusion que son propre trouble intérieur. Revenant en Inde après son séjour en Afrique du Sud, il abandonna le port de vêtements occidentaux, qu'il associait à la richesse et au succès. Il s'habilla pour être accepté par les plus pauvres en Inde, et il promut l'utilisation de vêtements tissés à la maison.



Extrait du Le Livre des révélations – Tome II de François Brousse
Éd. La Licorne Ailée, Clamart, 1992, p. 21

Le Livre des Révélations rassemble quatre conférences données en 1979 à Prades et Perpignan. Ces conférences sont axées sur l'étude de deux grands messagers du vingtième siècle et des prophéties sur cette période que nous traversons et que les hindous désignent par le terme de Kali Yuga, cycle de Kali, période d'aboutissement d'un immense cycle.

Cette analyse des grandes prédictions est une recherche de sens dans le grand livre de l'humanité. Elle révèle les évolutions de la conscience humaine, des mouvements de civilisations, avec la confirmation permanente que le libre-arbitre humain est supérieur à tout déterminisme.

Extrait de la conférence de François Brousse du 02/10/1979 sur Gandhi


Citations de Gandhi

La vérité

"Par sa nature même, la vérité porte l'évidence en soi. Dès qu'on la débarrasse des toiles d'araignée de l'ignorance, elle brille avec éclat."
Extrait de La jeune Inde

"C'est une erreur de croire nécessairement faux ce qu'on ne comprend pas."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit."
Extrait de La jeune Inde   

"La vérité est dure comme le diamant et fragile comme la fleur de pêcher."

"Ce qui est vérité pour l'un peut-être erreur pour l'autre."

Extrait des Lettres à l'Ashram

"Les vérités différentes en apparence sont comme d'innombrables feuilles qui paraissent différentes et qui sont sur le même arbre."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Mon exigence pour la vérité m'a elle-même enseigné la beauté du compromis."
Extrait de Autobiographie ou Mes expériences de vérité   
  
"La vraie moralité ne consiste pas à suivre les sentiers battus, mais à découvrir ce qui est pour nous-mêmes la vraie voie et à la suivre avec intrépidité. Tout véritable progrès est impossible sans une telle poursuite acharnée de la vérité."
Extrait des Lettres à l'Ashram   

La tolérance

"La véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même. Quel meilleur livre peut-il exister que le livre de l'humanité ?"
Extrait de Tous les hommes sont frères

"La règle d'or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu'une partie de la vérité et sous des angles différents."
Extrait de Tous les hommes sont frères

"S'abstenir de punir n'est pardon que quand il existe le pouvoir de punir."

"Je n'aime pas le mot tolérance, mais je n'en trouve pas de meilleur."

"Tout compromis repose sur des concessions mutuelles, mais il ne saurait y avoir de concessions mutuelles lorsqu'il s'agit de principes fondamentaux."

Extrait de Harijan   

"Lorsque nous critiquons, il faut le faire avec une humilité et une courtoisie qui ne laisse subsister aucune amertume."
Extrait des Lettres à l'Ashram

Non violence et Amour

"Les moyens peuvent être comparés à une graine et la fin à un arbre ; et il existe le même rapport intangible entre les moyens et la fin qu'entre la graine et l'arbre."Extrait de Indian Home Rule

"C'est une erreur de croire qu'il n'y ait pas de rapport entre la fin et les moyens, et cette erreur a entraîné des hommes considérés comme croyants à commettre de terribles crimes. C'est comme si vous disiez qu'en plantant des mauvaises herbes on peut récolter des roses."

"La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée."


"L'hymne de la haine ne profite pas à l'humanité."

Extrait de Discours et écrits   

"La fibre la plus coriace doit s'amollir dans le feu de l'amour. Si elle ne fond pas, c'est que le feu n'est pas assez fort."
Extrait de La Jeune Inde   

"Je m'oppose à la violence parce que lorsqu'elle semble produire le bien, le bien qui en résulte n'est que transitoire, tandis que le mal produit est permanent."
Extrait de La Jeune Inde   

"Ayez de la haine pour le péché et de l'amour pour le pécheur."

"L'épée de la résistance passive n'a pas besoin de fourreau et nul ne peut en être dépossédé par la force."

"Puisque j'ai rejeté l'épée, il n'est plus rien d'autre que la coupe de l'amour que je puisse offrir à ceux qui se dressent contre moi."

Extrait des Lettres à l'Ashram

"Appeler les femmes "le sexe faible" est une diffamation ; c'est l'injustice de l'homme envers la femme. Si la non-violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes."
Extrait de Tous les hommes sont frères

"Si la non-violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes. Qui peut faire appel au coeur des hommes avec plus d'efficacité que la femme ?"

"La non-violence est la loi de notre espèce tout comme la violence est la loi de l'animal."

Extrait de Ganesh   

"La non-violence ne consiste pas à renoncer à toute lutte réelle contre le mal. C'est au contraire, contre le mal, une lutte plus active et plus réelle que la loi du talion."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Là où il n'y a le choix qu'entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence."

"Le fait de s'incliner n'humilie pas l'agresseur mais l'élève."

Extrait des Lettres à l'Ashram

"La non-violence, sous sa forme active, consiste en une bienveillance envers tout ce qui existe. C'est l'amour pur."
Extrait de La jeune Inde   

"L'amour est ce qu'il y a de plus fort au monde, cependant on ne peut rien imaginer de plus humble."

Religion et Morale

"La vie est un mystère qu'il faut vivre, et non un problème à résoudre."

"Le ciel et la terre sont en nous."

"En réalité il existe autant de religions que d'individus."

Extrait de Indian Home Rule

"Celui qui est parvenu au coeur même de sa religion est aussi parvenu au coeur des autres religions."Extrait de Autobiographie ou Mes expériences de vérité

"Les religions sont comme des routes différentes convergeant vers un même point. Qu'importe que nous empruntions des voies différentes, pourvu que nous arrivions au même but."
Extrait de Indian Home Rule

"Les principes de la religion sont une chose, les pratiques qui les prennent pour base en sont une autre. Les principes sont absolument indépendants du temps et de l'espace. Les pratiques changent selon l'époque et selon le lieu."
Extrait de La Jeune Inde   

"Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l'air d'être vivants et pourtant il leur manque la vie de l'être en chair et en os."

Extrait des Lettres à l'Ashram   

"L'homme est soumis à l'obligation de se laisser guider dans toutes ses actions par des considérations morales."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Dès que nous perdons la base morale, nous cessons d'être religieux. La religion ne saurait renverser et supplanter la moralité."
Extrait de La jeune Inde   

"La spiritualité... demande d'abord une culture du coeur, une immense force, une intrépide sans faille. Les couards ne peuvent satisfaire à une morale."

La simplicité

"La machine a gagné l'homme, l'homme s'est fait machine, fonctionne et ne vit plus."

"Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l'homme, mais pas assez pour assouvir son avidité."

"Vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre."

"Celui qui veut nager dans l'océan de vérité, doit se réduire à zéro."

Extrait de La Jeune Inde

"Si chacun ne conservait que ce dont il a besoin, nul ne manquerait de rien, et chacun se contenterait de ce qu'il a."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Moins on possède, moins on désire."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"La civilisation ne consiste pas à multiplier les besoins mais à les réduire volontairement, délibérément. Cela seul amène le vrai bonheur."
Extrait des Lettres à l'Ashram

Divers

"Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour de vous."

"Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde."

"Un pas à la fois me suffit."

"Je connais le chemin : il est étroit, comme le fil d'une épée. Je me réjouis si je parviens à le suivre. Je pleure si j'en dévie."

"Le progrès spirituel exige de nous que nous cessions de tuer les autres êtres vivants pour nos besoins corporels."

"Un homme cruel avec les animaux ne peut être un homme bon."

"On peut juger de la grandeur d'une nation par la façon dont les animaux y sont traités."

"C'est dans l'effort que l'on trouve la satisfaction et non dans la réussite. Un plein effort est une pleine victoire."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Il n'y aura jamais d'égalité tant qu'on se sent inférieur ou supérieur à autrui. Entre égaux il ne saurait y avoir de condescendance."
Extrait de La jeune Inde   

"Le patriotisme n'est pas exclusif : c'est la même chose que l'humanité. Je suis patriote parce que je suis homme et humain."
Extrait des Lettres à l'Ashram

"Le bonheur c'est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles."

"A l'instant où l'esclave décide qu'il ne sera plus esclave, ses chaînes tombent."
Extrait de Non-violence in Peace and War   

"Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours."

"Ma vie est mon seul enseignement."

"Quand je désespère, je me souviens qu'à travers toute l'histoire, les chemins de la vérité et de l'amour ont toujours triomphé. Il y a eu des tyrans et des meurtriers, et parfois ils ont semblé invincibles, mais à la fin, ils sont toujours tombés. Pensez toujours à cela."

   

Tout le savoir du monde: l’Encyclopédie des Lumières

Encyclopédie - Tome 1
L’Encyclopédie (de Diderot et d'Alembert) est une entreprise éditoriale, philosophique et scientifique menée par Denis Diderot et Jean le Rond d'Alembert dans l'esprit de la philosophie des Lumières et parue entre 1751 et 1766. Malgré l'arrêt du Conseil du roi de février 1752 qui fit interdire la publication de l'Encyclopédie, l'ouvrage est parvenu à poursuivre son cours. Voici comment elle réussit à paraître.

Le libraire Le Breton, en 1745, était entré en relation d'affaires avec John Mills, Anglais, et Sellius, Allemand. Ceux-ci l'incitaient fort à publier en français la Cyclopaedia de Chambers. Mais les trois hommes s'étant fâchés, Le Breton se tourna vers l'abbé Gua de Malves pour mener à bien son projet. Au bout de treize mois, l'abbé refusa l'offre. C'est alors que le libraire s'adressa à Diderot et d'Alembert, qui furent nommés codirecteurs de l'entreprise, le 16 octobre 1747. Aussitôt, le projet s'élargit. Diderot composa un "prospectus", qu'il fit diffuser en 1750 afin de faire connaître la teneur et les buts de l'Encyclopédie. On prévoit huit volumes de textes et deux volumes de planches. C'est alors que cinquante-cinq collaborateurs promettent leur concours. Parmi eux, on peut nommer Buffon, Rousseau, le président De Brosses, Dumarsais, Daubenton, d'Holbach, Jaucourt, qui va devenir la cheville ouvrière ; bref, nous dénombrons plus de cent soixante coauteurs.

Cependant, sa "Lettre sur les aveugles", en 1749, a valu à Diderot une incarcération à Vincennes. Fâcheuse affaire qui porte préjudice à l'œuvre en cours. En vérité, cette affaire attire l'attention des ennemis de l'esprit moderne et de l'entreprise des Lumières. On se rend compte alors de l'étendue de son succès. Les capitaux s'accroissent avec le nombre des souscripteurs: il y en avait 1000 à la parution du premier tome, en avril 1751, 2000 en février 1752, 3000 en septembre 1754.

Gravure pour une planche de chirurgie - Encyclopédie de Diderot et d'Alembert


Dès la parution du tome II, en janvier 1752, on vit la résistance s'organiser, et parvenir même à faire interdire l'ouvrage. Mais notre élite intellectuelle, sous l'impulsion ardente de Diderot, se démena tant et bien que l'œuvre poursuivit son cours. De tous les souscripteurs, pas un ne chercha à retirer son engagement: générosité et ouverture d’esprit sont attachées à cette publication.
Cependant l'article "Genève" qu'a écrit d'Alembert va-t-il remettre le feu aux poudres ? Un fâcheux résultat s'est déjà révélé: la rupture définitive avec Rousseau. Les pamphlets se multiplient, alimentent la guerre allumée par Palissot contre les Cacouacs. Ce terme a été inventé vers 1757 par les adversaires des philosophes des Lumières, en vue de railler plus particulièrement les auteurs de l’Encyclopédie. L'origine du mot est inconnue. On rapporte que Voltaire s'inquiète, qu'il cherche à persuader son ami d'Alembert de renoncer à ce "maudit travail". Mais il reste Diderot ! Lui, refuse de décevoir les souscripteurs, de ruiner les libraires, de priver les lecteurs d'un ouvrage unique. Il continue donc à œuvrer dans l'ombre, secondé par Le Breton, qui censure les textes à son insu, dit-on !

Un dîner de philosophes - Jean Huber (1772), Voltaire Foundation, Oxford

Que renferme donc ce monument pour faire couler tant d'encre et trembler tant de monde ?

C'est avant tout un "dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers", dont le cercle de connaissances devrait instruire l'honnête homme et tout professionnel du XVIIIe siècle. C'est un recueil de savoir et de méthodes concernant les sciences, la poésie, les beaux-arts, les arts libéraux et les arts mécaniques avec leur exercice, les métiers.

Malgré le handicap de l'ordre alphabétique qu'il s'impose, ce dictionnaire est raisonné, choisit les articles utiles, et, par un système de renvois, établit entre deux sciences ou deux arts la chaîne des raisons. Veut-on s'initier à la mathématique ? D'Alembert donne des leçons. Si l'on aspire à connaître l'histoire de la philosophie, Diderot l'enseigne. L'abbé Yvon explique la métaphysique, l'abbé Marellet, la théologie. Montesquieu, qui est l'auteur du Temple de Gnide, apprend ce qu'est le goût. Voltaire disserte sur l'élégance, l'éloquence, l'esprit. Buffon parle de la nature, d'Holbach, de la chimie. Les brillants médecins Bordeu, Venel, Barthez, entre autres, le grand chirurgien Antoine Louis consultent dans ces pages. Pour ce qui touche l'économie politique, Rousseau la développe.
Mais tant de noms célèbres ne sont pas les seuls à travailler à une si noble entreprise : de simples artisans font également part de leur expérience. C'est pourquoi rien n'échappe à ce catalogue dévoué à l'utile, rien, de l'émail à l'épingle, du jardinage à l'encaustique, du canon à l'orfèvrerie, des forges au velours, du sucre au miel, du sel au blason, de la serrurerie à la pompe à feu, de l'équitation à la marine.

Encyclopédie de Diderot et d'Alembert - Brasserie

L'article "Encyclopédie", rédigé par Diderot et placé en tête du premier volume après le "Discours préliminaire" de d'Alembert, définit le programme d'ensemble de l'ouvrage: le projet de l'Encyclopédie est de rassembler les connaissances acquises par l'humanité, son esprit une critique des fanatismes religieux et politiques et une apologie de la raison et de la liberté d'esprit. Diderot relie le projet encyclopédique à la philosophie, qui trouve en ce siècle son plus grand développement. l'Encyclopédie doit faire la synthèse (et le tri) des acquis humains et effectuer une généalogie des connaissances. Diderot emploie à cet effet une technique spéciale: des racines aux dernières branches, la connaissance progresse et porte ses fruits. L'encyclopédie est donc un arbre de la connaissance. Aussi, le projet antireligieux devient explicite. Non seulement la connaissance n'est pas interdite, mais elle est construite par l'homme, qui doit s'appuyer sur elle pour son bonheur.

L’article "Juif", introduit par le chevalier de Jaucourt et continué par Diderot avec pour intitulé Philosophie des Juifs est un modèle de tolérance dans la pure mouvance de Montesquieu, abondamment cité, et des penseurs protestants. Dans l’introduction, Jaucourt explique les préjugés dont les Juifs font l’objet et les décortique en donnant leur origine historique. La dispersion des Juifs est due à leur incapacité de "posséder aucun bien fonds et d’avoir aucun emploi..." La pratique de l’usure chez les Juifs découle du fait que les Chrétiens ne leur ont laissé "pour subsister, de ressources que le commerce grâce auquel ils se sont enrichis." Jaucourt conclut en reprenant Montesquieu… "En un mot on peut dire combien en tout lieu, on s’est joué de cette nation d’un siècle à l’autre. On a confisqué leurs biens, lorsqu’ils recevoient le christianisme ; et bientôt après, on les a fait brûler, lorsqu’ils ne voulurent pas le recevoir... " … et en constatant l’utilité des Juifs dans l’économie d’un pays:  "On s’est fort mal trouvé en Espagne de les avoir chassés ainsi qu’en France d’avoir persécuté ses sujets dont la croyance différoit en quelques points de celle du Prince." Diderot, dans la suite de l’article, fait une éloge de l’histoire ancienne d’Israël, ici citée : " ...mais quels hommes nous offre-t-elle qui soient comparables en autorité, en dignité, en jugement, en piété, en conscience, à Abraham, à Isaac et à Jacob ? ... Mais nous voilà parvenus au temps de Moïse ; quel historien ! Quel législateur ! Quel philosophe ! Quel poète! Quel homme !.. "

Le Pantographe - Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
Il s'agit pour Diderot de "tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement". Il procède à cet effet à une mise en ordre rationnelle (encyclopédie "raisonnée") alphabétique. Il s'appuie sur la classification des facultés et des sciences établie par le philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626). Nouveauté, Diderot utilise les "renvois" ("de choses" et "de mots") pour faire circuler le lecteur à travers cette forêt de connaissances.

Le trajet raisonné induit par les renvois construit progressivement un discours sceptique: l'analyse des mythologies fait douter de la vérité de la religion chrétienne, l'étude de l'histoire ancienne ou des mœurs des pays lointains conduit à porter un autre regard sur notre politique et nos mœurs, selon un procédé cher aux Lumières - à l'œuvre de Voltaire, la convocation "encyclopédique" (en un cercle) du savoir visant bien plus à provoquer une réflexion et une relativisation politique qu'à seulement instruire. Toute la ruse et l'idéologie de l'Encyclopédie est dans ces renvois, discrets mais efficaces.
  

jeudi 12 novembre 2020

Vaincre ses peurs - Victor Delatour

"Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi". 

Litanie contre la Peur du rituel Bene Gesserit, Frank Herbert, Dune (1965)


"La peur est une souffrance. La peur est la non-acceptation de ce qui "est".
La peur n’existe que par rapport à quelque chose. C’est l’esprit qui crée la peur.
Seule la connaissance de soi peut vous affranchir de la peur.
La connaissance de soi est le commencement de la sagesse et la fin de la peur.
"

Jiddu Krishnamurti ( 1895-1986 ) La première et la dernière liberté ( 1979)



Vaincre ses peurs - Victor Delatour


La peur de Blanka - Pascal Renoux, Blog TYP
Nous connaissons tous la peur. 

Peur des chiens pour les uns, peur de décrocher le téléphone pour les autres. Ou encore, peur de la maladie, peur du chômage, peur de parler en public, peur de décevoir, peur de déranger, peur de trop s'exposer... 

Et ces peurs sont invalidantes. Elles nous freinent. Affronter sa peur, c'est souvent la première condition pour changer. Affronter sa peur, ce n'est pas la supprimer: ce qui n'est ni possible ni sans doute souhaitable. 

Il faut néanmoins la dompter et ne plus se laisser envahir par elle. Et cela s'apprend.

La solution ? Elle peut se résumer en trois étapes:



Prendre conscience

Tout processus de changement passe par la prise de conscience de ses propres schémas mentaux. Si celui qui a peur de tout examine ses comportements, il verra aisément que c'est bien la peur qui dicte son comportement puisque les personnes sont différentes et la peur toujours là. La plupart des choses que l'on craint sont inoffensives. Essayons d'analyser à quoi ressemble la peur et l'angoisse sous-jacente qui l'alimente. A la crainte de l'agression physique se mêle aussi la peur de l'humiliation et de l'incapacité à réagir.

L’auto-analyse de ces pensées, émotions, fantasmes et réactions associées est le premier pas pour dominer sa peur. Un premier pas essentiel car il va permettre d'imaginer et de scénariser d'autres solutions, d'autres schémas de conduite, d'autres réactions que celle qu'il rumine en boucle et le paralyse.


Trouver des alternatives

La deuxième étape du changement consiste à formuler des réponses mieux adaptées à la situation. En fait, lorsque l'on a le sentiment qu'il n'existe qu'une alternative, il faut élaborer mentalement toute une gamme de situations et s'y préparer. Imaginer des scénarios, préparer son entrée en matière, se présenter, exposer le problème en évitant le conflit, prévoir des alternatives, construire des stratégies, trouver des parades, éviter les pièges, s'armer et se défendre de tout risque de dérapage...

Au fond, nous avons peur de la rencontre, car nous ne savons pas trop comment nous y prendre. Nous sommes enfermés dans un schéma archaïque et répétitif: fuite (évitement) ou agression (et montée aux extrêmes). Or il y a d'autres voies possibles.

L'art de la négociation nous apprend que la posture de départ est primordiale. Lorsqu'on formule une réclamation, il faut éviter de remettre en cause l'interlocuteur et en rester au niveau des faits. Dans toute confrontation, il est important que chacun puisse "garder la face". Il ne faut pas prendre toutes les ripostes verbales pour un déni du problème et un refus de changer. Ce sont des issues de secours destinées à garder la tête haute durant l'échange. Il y a toute chance pour que le message ait tout de même été entendu. Face aux dénégations, inutile de pousser l'autre dans ses retranchements. Garder son sang-froid évite de s'enfermer dans une dispute interminable qui ne mènerait à rien. Les gens sont ainsi faits: ils n'aiment pas être ouvertement mis en cause, font souvent preuve de mauvaise foi pour défendre leurs positions, mais une fois les talons tournés, ils réfléchissent...


Se lancer, de l'audace !

Dominer sa peur et réussir à affronter ses craintes est une bataille que nul n'est certain de remporter à l'avance. Mais l'important, c'est déjà d'oser mener le combat. Même si le problème ne se résout pas, l'important est de surmonter son fantasme-écran, de dominer sa peur, et de passer à l'action. C'est un pas énorme. C'est une victoire sur son principal adversaire: soi-même.


Source: Extrait d'un article de Victor Delatour paru dans "Les grands dossiers des sciences humaines" n°23 Juin-Août 2011.