vendredi 25 janvier 2013

Le Théorème du perroquet - Denis Guedj (1940-2010)

Le Théorème du perroquet - Editions du Seuil
Denis Guedj, né en 1940 à Sétif, et mort à Paris le 24 avril 2010, est un écrivain et mathématicien français. Il connaît le succès en 1998 avec la publication du roman Le Théorème du Perroquet – traduit dans une vingtaine de langues – qui retrace la naissance des mathématiques.
Le Théorème du perroquet est une fiction pleine de rebondissements, des personnages hauts en couleur et, en prime, des pages entières d'histoire des mathématiques! La gageure étant d'intégrer ces dernières dans le récit. Pour résoudre l'énigme de l'histoire, il fallait en passer par la résolution de problèmes mathématiques des plus simples aux plus complexes.

Un voyage, un grand voyage à travers le temps et l'espace, voilà l'impression qui se dégage de cet ouvrage !

En dehors de l'énigme policière (plutôt bien menée) qui justifie notre incursion dans l'Histoire des Sciences, ce sont les mathématiques (et les mathématiciens) ici qui respirent, rayonnent et changent le monde. On devient très vite impatient de savoir comment "zéro" est né ou pourquoi les décimales de Pi peuvent s'étendre à l'infini.

Impossible de ne pas prendre part aux démonstrations qui se présentent au fil des pages. Impossible de ne pas attraper un crayon, de ne pas griffonner quelques figures ou quelques équations dans la marge... Comme si, en l'espace de quelques dizaines de pages, naissait en nous l'âme d'un grand mathématicien.

Denis Guedj nous rend ici totalement perméable aux mathématiques, à notre plus grand étonnement et pour notre plus grand plaisir... Préparez-vous à découvrir en vous des talents cachés !

Dans ce genre, c'était sans doute ce que l'on pouvait faire de mieux.

"Archytas de Tarente est l'inventeur du nombre un. L'inventeur ? Le "un" n'avait-il pas toujours existé ? Eh bien, non ! Pour la plupart des penseurs grecs, les nombres commençaient à "deux". Pour eux, il y avait le "un"... et les autres. Le "un" parle d'existence, pas de quantité, affirmaient les Grecs. La multiplicité est du ressort des nombres : "Est un ce qui est". Ca, c'est de la philo ! (...) En dépouillant le "un" de sa singularité et de son altérité, Archytas en avait fait un nombre comme les autres !" Denis Guedj


Denis Guedj : "Le genre romanesque est un genre que j’aime bien et je trouvais intéressant de faire un roman avec les maths et non sur les maths. Les mathématiques sont l’un des moteurs de l’histoire, mais pas le seul. Plus je voulais mettre de maths, plus il fallait que la fiction soit forte. Si le contenu romanesque est fort, il emporte avec lui les difficultés. A un certain moment, je pensais qu’il fallait alléger le contenu mathématique et enlever des formules. L’éditeur a dit non. Je suis finalement bien content puisque ça n’a pas arrêté les gens. Plusieurs lecteurs m’ont dit qu’ils l’ont lu et relu. C’est un livre sur lequel il faut passer du temps. D’ailleurs, on dit souvent que les gens adorent le léger, les choses faciles et rapides. C’est faux. Si j’ai milité, ce n’est pas pour les maths mais contre ce préjugé. Les gens veulent comprendre et sont prêts à travailler pour y parvenir.

Il y en a qui n’aiment pas le caviar sans savoir ce que c’est, et d’autres qui, connaissant le caviar, ne l’aiment pas non plus. C’est la même chose pour les mathématiques. Ça met en jeu un certain nombre de choses, comme la rigueur et la démonstration. Certaines personnes y sont hostiles. Elles n’aiment pas ça et elles ont le droit de ne pas aimer ça ! Ça ne sert à rien de les culpabiliser.
 
Il faut dire aussi que le statut de l’enseignement des mathématiques aujourd’hui est particulier. Avec le français, les mathématiques sont considérées comme la matière la plus importante. On peut comprendre que l’on accorde beaucoup d’importance à l’enseignement de la langue maternelle. Les maths, par contre, sont beaucoup moins proches de la vie quotidienne. D’une certaine façon, elles sont même devenues un outil de coercition : si on n’est pas bon en maths, on va avoir des ennuis, on n’aura pas une bonne scolarité, etc. Conséquence : on a peur et on ne comprend pas. Et plus on a peur, moins on comprend. Mais contrairement au sport, on ne peut pas obtenir de certificat médical pour ne pas faire de maths...

En France, on fait des mathématiques durant toutes ses études. Jusqu’au baccalauréat, ça fait plus de 12 ans. Elles ne devraient pas être obligatoire si longtemps. Ou on devrait changer la manière de les faire. Apprendre à résoudre des équations du second degré, est-ce vraiment si important ? D’une certaine manière, ça ne sert à rien - au sens où les gens disent servir - mais ça peut être utile à énormément de choses : qu’est-ce que c’est qu’une équation ? Qu’est-ce que c’est que ces inconnues, les petits « x », les petits « a » ? On va trop vite sur l’apprentissage de ces notions, alors que c’est très dur à comprendre.
 
Au lieu de mettre l’importance sur l’accumulation des connaissances, on devrait passer plus de temps sur les mécanismes des mathématiques, comme la logique, la rigueur, etc. Qu’est-ce qu’un raisonnement par l’absurde, par exemple ? Contrairement à ce que l’on enseigne habituellement, on peut partir d’une hypothèse fausse pour arriver à démontrer que quelque chose est vrai.
 
Il faudrait inculquer une culture mathématique plutôt que faire des maths. La culture mathématique, ce serait lire ou écrire les maths. Je t’écris des maths et tu me dis qu’est-ce que ça dit. C’est important, parce que le moment de l’écriture est absolument nécessaire. Vous pouvez faire de l’histoire ou de la géographie sans écrire, mais vous ne pouvez pas faire de mathématiques sans écrire - ou du moins dans les maths de notre culture grecque. Il faudrait également enseigner l’histoire des mathématiques. Ça cultiverait les gens, mais surtout ça les aiderait à mieux comprendre les maths."
  

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