mercredi 13 décembre 2023

La désobéissance civile - Henry David Thoreau (1817-1862)

Editions Mille et une nuits
La désobéissance civile est le refus de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai Résistance au gouvernement civil, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique.

Définition de la désobéissance civile

La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, symbolique, non violent, symbolique, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés.

Un acte de désobéissance civile fait appel à la capacité de raisonner et au sens de la justice du peuple. Il peut être décrit de la manière suivante:

- L'acte de désobéissance doit être une infraction consciente et intentionnelle, et doit ainsi violer une règle de droit positif. Ses auteurs prennent le risque de commettre un acte qui est, aux yeux de l'opinion publique et à ceux des autorités, généralement tenu comme une infraction.

- Il s'agit d'un acte public, ce qui le différencie de la désobéissance criminelle - cette dernière, ne prospérant que dans la clandestinité. Cette "publicité" vise à écarter tout soupçon sur la moralité de l'acte, à lui conférer, en outre, une valeur symbolique ainsi que la plus grande audience possible afin que l'acte ait le plus grand retentissement pour modifier le sentiment de l'opinion publique.

- L'acte de désobéissance s'inscrit dans un mouvement collectif. Hannah Arendt relève que « loin de procéder de la philosophie subjective de quelques individus excentriques la désobéissance civile résulte de la coopération délibérée des membres du groupe tirant précisément leur force de leur capacité d'œuvrer en commun.»

- La désobéissance civile use généralement de moyens pacifiques. Elle vise à appeler aux débats publics et, pour ce faire, elle en appelle à la conscience endormie de la majorité plutôt qu'à l'action violente. C'est un des traits qui la distingue de la révolution, qui pour arriver à ses fins peut potentiellement en appeler à la force. En outre l'opposition à la loi qui est inhérente à la désobéissance civile se fait dans une paradoxale fidélité à une loi considérée supérieure, il n'y a donc pas de violence dans l'esprit de la désobéissance civile. Celle-ci étant plutôt le fait de l'État, le seul qui dispose d'une « violence légitime » selon Max Weber, cette violence pouvant être physique mais aussi psychique, voire économique.

Aujourd'hui, le concept s'est étendu à de nombreuses personnes notamment par les actions très médiatiques des altermondialistes ou celles des mouvements anti-pub, expliquant leurs actions comme des actes salutaires de désobéissance civile, visant à faire modifier la politique des autorités.

Extrait de la Désobéissance Civile

De grand cœur, j’accepte la devise : "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également: "que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout".


dimanche 26 novembre 2023

Pierre Rabhi (1938-2021)

Pierre Rabhi (1938-2021)
Agriculteur, écrivain et penseur français d'origine algérienne, Pierre Rabhi est un des pionniers de l'agriculture biologique et l’inventeur du concept "Oasis en tous lieux". Il défend un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles accessibles à tous et notamment aux plus démunis, tout en préservant les patrimoines nourriciers. 

Depuis 1981, il transmet son savoir-faire dans les pays arides d'Afrique, en France et en Europe, cherchant à redonner leur autonomie alimentaire aux populations. Il est aujourd'hui reconnu expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Il est l’initiateur du Mouvement pour la Terre et l’Humanisme. 


Auteur, philosophe et conférencier, il appelle à l'"insurrection des consciences" pour fédérer ce que l'humanité a de meilleur et cesser de faire de notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions. Devant l'échec de la condition générale de l'humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l'importance vitale de notre terre nourricière et à inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une "sobriété heureuse".



Dates-clés

1938 : Fils d’un forgeron du sud algérien, Pierre est confié à l’âge de 5 ans, après le décès de sa mère, à un couple d’Européens. Il reçoit une éducation française tout en conservant l’héritage de sa culture d’origine.

1960 : La guerre d’Algérie accentue le clivage. Il est alors ouvrier dans une entreprise parisienne et met en cause les valeurs de compétition de la modernité. Avec sa femme Michèle, une parisienne, il quitte la capitale pour s’installer en Ardèche. Ouvrier agricole, il récuse déjà fortement la logique productiviste appliquée à l’agriculture dont les conséquences dévastatrices révèlent aujourd’hui leur ampleur.

1972 : Après avoir fait la découverte de l’agriculture biologique et écologique, il applique avec succès ces méthodes sur sa petite ferme, dans l’agriculture et l’élevage, sur cette terre aride et rocailleuse où grandiront leurs cinq enfants.

1978 : Pierre Rabhi est chargé de formation à l'agro-écologie par le CEFRA (Centre d'études et de formation rurales appliquées)

A partir de 1981 Pierre Rabhi commence à transmettre son expérience agroécologique et met au point divers programmes de formation en France, en Europe et en Afrique. Sur l’invitation du Burkina Faso, Pierre Rabhi organise le premier programme d’agroécologie qu’il propose comme alternative aux paysans confrontés au marasme écologique (sécheresses) et économique (cherté des engrais et pesticides). Il fonde en collaboration avec l’association du Point Mulhouse le premier Centre africain de Formation à l’Agroécologie.

1985 : Création du centre de formation à l'agro-écologie de Gorom Gorom, avec l'appui de l'association "Le Point-Mulhouse".

1988 : Pierre Rabhi est reconnu comme expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification, comprise comme tout processus qui porte atteinte à l’intégrité et à la vitalité de la biosphère, et ses conséquences humaines. Il participe à des programmes d’échelle mondiale y compris sous l’égide des Nations-Unies.

1989 : Fondation du Carrefour International d’Echanges et de Pratiques Appliquées au Développement (CIEPAD) avec l'appui du Conseil général de l'Hérault : mise en place d'un " module optimisé d'installation agricole ", de programmes de sensibilisation et de formation, lancement de nombreuses actions de développement à l'étranger (Maroc, Palestine, Algérie, Tunisie, Sénégal, Togo, Bénin, Mauritanie, Pologne, Ukraine...)

1992 : Lancement du programme de réhabilitation de l'oasis de Chenini-Gabès en Tunisie.

1997-98 : Pierre intervient à la demande de l'ONU dans le cadre de l'élaboration de la Convention de lutte contre la désertification (CCD) et est appelé à formuler des propositions concrètes pour son application.

1999-2000 : Création de l'association Terre & Humanisme pour la transmission de l'éthique et de la pratique agroécologique. Installation au Mas de Beaulieu en Ardèche comme base logistique des activités et lieu de démonstration, d'expérimentation et de formation. Lancement de nouvelles actions de développement au Niger (région d'Agadez), au Mali (région de Gao) et au Maroc (Kermet BenSalem, Dar Bouaza, Taroudant).

2002 : Encouragé par de nombreux amis, Pierre se lance dans une campagne éléctorale "non conventionnelle" en proposant de replacer l'Homme et la Nature au cœur de la logique. Sa campagne a en très peu de temps suscité une mobilisation exceptionnelle, récolté la signature de nombreux élus et donné naissance à plus de 80 comités départementaux de soutien: les colibris.

2004: Naissance du projet de création d'un centre agroécologique à la Roche / Grâne dans la Drôme, lieu d'accueil, d'hébergement et de pédagogie voué à l'écologie et porteur des valeurs de Terre et Humanisme de sa conception à sa gestion.

2006: Lancement du Mouvement pour la Terre et l'Humanisme

Biodynamie et agroécologie

En désaccord avec l'enseignement classique de l'agriculture, qui promeut l'utilisation d'engrais et de pesticides chimiques, Pierre Rabhi découvre en 1963 la biodynamie. Les bases de cette démarche ont été posées par Rudolf Steiner – par ailleurs fondateur du mouvement anthroposophe – dont la doctrine est à l'origine des produits cosmétiques Weleda et de la pédagogie Waldorf-Steiner. La méthode biodynamique est proche de que l'on appelle aujourd'hui agriculture biologique. Elle associe l'usage de préparations exclusivement organiques (et non chimiques) et une attention portée aux rythmes de la nature. 

Pierre Rabhi a par la suite développé l'agroécologie, une approche globale ayant pour objet « la relation harmonieuse entre l'humain et la nature », qui concerne toutes les sphères de l'organisation sociale : de l'agriculture (avec une attention particulière pour le respect de la biodiversité, la fertilisation organique des sols, la lutte contre l'érosion et l'optimisation de l'usage de la ressource en eau) à l'éducation, en passant par la santé, l'économie, l'aménagement du territoire... L'agroécologie défend la place des paysans, le lien social, la salubrité alimentaire, la production et la consommation locales, en vue de rendre les populations autonomes sur leurs territoires.

Agro-écologie en Tunisie

A voir sur Internet

 

Créée en 1994 sous le nom des “Amis de Pierre Rabhi”, rebaptisée en 1999, l'association Terre et Humanisme œuvre pour la transmission de l'agroécologie.


 





Initié en juin 2006 par Pierre Rabhi pour impulser un mouvement international autour des valeurs et alternatives décrites dans la Charte pour la terre et l'humanisme : sortir du mythe de la croissance indéfinie, vivre dans la sobriété heureuse, replacer l'humain et la nature au cœur de nos préoccupations, mettre le féminin au cœur du changement, produire et consommer localement, etc.






« Le modèle actuel n'est pas rafistolable. Un changement de modèle repose sur des structures et du concret. Il y a des personnes qui agissent et incarnent. Pour d'autres, ces actions sont un ensemencement. C'est pour cela que nous parlons plutôt de prototype ». 

Prototype fondé sur le retour à la terre et la reconstitution du lien social. Maisons en terre et en bois, énergie solaire et éolienne, nourriture bio... tout ou presque est produit sur place. Prototypes qui se font de plus en plus nombreux. Le Hameau des buis, crée par l'une des deux filles, Sophie ; la ferme “les Amanins” ; le Mas de Beaulieu enfin, centre névralgique de l'association Terre et humanisme en Ardèche. « Ces lieux de démonstration sont destinés à prouver que c'est possible. » Ils sont rassemblés depuis 2006 au sein de l'association Colibris-Mouvement pour la Terre et l'humanisme. De nombreux projets à l'étranger profitent également de ce savoir-faire, pour la culture de terres arides (Burkina Faso, Tunisie, Niger...) et en Europe de l'Est, où Pierre Rabhi tient à soutenir les derniers petits producteurs d'Europe menacés par l'arrivée des vastes monocultures qui dominent déjà à l'Ouest.

Et enfin, il y a les conférences. Parler encore et encore d'agro écologie ne l'ennuie pas. «Le sujet est vaste, il y a beaucoup à dire.» Notamment que nous vivons aujourd'hui dans une surabondance malheureuse, fondée sur un système artificiel et fragile : la production locale est très affaiblie et nous dépendons de grandes entreprises dont les pratiques ont un coût écologique et humain. Dire aussi que consommer ne peut pas être un devoir civique. « On pousse tellement à consommer qu'il y a une obésité non seulement physique mais psychologique, de désirs toujours inassouvis. » Au fil des ans, son appel à vivre dans un état de « sobriété heureuse » touche de plus en plus de personnes. A tel point que sa pré-campagne présidentielle en 2002 remporte un succès inespéré. 

Pour « transmettre le message d'urgence écologique et humaine et être force de propositions d'alternatives pour l'avenir », il récolte en deux mois 184 signatures d'élus en faveur de sa candidature. Il en fallait 500. Se représenter ne l'a pas tenté. Pour lui, toute initiative de la société civile est politique. Et surtout, il se trouve impliqué auprès de gens qui ont faim. Transmettre un savoir-faire précieux, pour non seulement survivre, mais vivre dignement par soi-même, «c'est ça l'urgence».

jeudi 12 octobre 2023

Penser par soi-même

J'ai reçu un coup de fil d'un collègue à propos d'un étudiant. Il estimait qu'il devait lui donner un zéro à une question de physique, alors que l'étudiant réclamait un 20.
Le professeur et l'étudiant se mirent d'accord pour choisir un arbitre impartial et je fus choisi. Je lus la question de l'examen: "Montrez comment il est possible de déterminer la hauteur d'un building à l'aide d'un baromètre" 

 
L'étudiant avait répondu:

"On prend le baromètre en haut du building, on lui attache une corde, on le fait glisser jusqu'au sol, ensuite on le remonte et on calcule la longueur de la corde. La longueur de la corde donne la hauteur du building."

L'étudiant avait raison vu qu'il avait répondu juste et complètement à la question. D'un autre côté, je ne pouvais pas lui mettre ses points: dans ce cas, il aurait reçu son grade de physique alors qu'il ne m'avait pas montré de connaissances en physique. J'ai proposé de donner une autre chance à l'étudiant en lui donnant six minutes pour répondre de nouveau à la question avec l'avertissement que pour la réponse il devait utiliser ses connaissances en physique. 
Après cinq minutes, il n'avait encore rien écrit. Je lui ai demandé s'il voulait abandonner mais il répondit qu'il avait beaucoup de réponses pour ce problème et qu'il cherchait la meilleure d'entre elles. Je me suis excusé de l'avoir interrompu et lui ai demandé de continuer. Dans la minute qui suivit, il se hâta pour me répondre:

"On place le baromètre à la hauteur du toit. On le laisse tomber en calculant son temps de chute avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la formule : x=gt²/2, on trouve la hauteur du building."

A ce moment, j'ai demandé à mon collègue s'il voulait abandonner. Il me répondit par l'affirmative et donna presque 20 à l'étudiant. En quittant son bureau, j'ai rappelé l'étudiant car il avait dit qu'il avait plusieurs solutions à ce problème.

"Hé bien, dit-il, il y a plusieurs façon de calculer la hauteur d'un building avec un baromètre. Par exemple, on le place dehors lorsqu'il y a du soleil. On calcule la hauteur du baromètre, la longueur de son ombre et la longueur de l'ombre du building. Ensuite, avec un simple calcul de proportion, on trouve la hauteur du building."

Bien, lui répondis-je, et les autres.

"Il y a une méthode assez basique que vous allez apprécier. On monte les étages avec un baromètre et en même temps on marque la longueur du baromètre sur le mur. En comptant le nombre de trait, on a la hauteur du building en longueur de baromètre. C'est une méthode très directe. Bien sûr, si vous voulez une méthode plus sophistiquée, vous pouvez prendre le baromètre à une corde, le faire balancer comme un pendule et déterminer la valeur de g au niveau de la rue et au niveau de toit. A partir de la différence de g la hauteur de building peut être calculée. De la même façon, on l'attache à une grande corde et en étant sur le toit, on le laisse descendre jusqu'à peu près le niveau de la rue. On le fait balancer comme un pendule et on calcule la hauteur du building à partir de la période de précession."
Finalement, il conclut :

"Il y a encore d'autres façons de résoudre ce problème. Probablement la meilleure est d'aller au sous-sol, frapper à la porte du concierge et lui dire:  J'ai pour vous un superbe baromètre si vous me dites quelle est la hauteur du building ..."

J'ai ensuite demandé à l'étudiant s'il connaissait la réponse que j'attendais. Il a admis que oui mais qu'il en avait marre du collège et des professeurs qui essayaient de lui apprendre comment il devait penser.

Pour l'anecdote, l'étudiant était Niels Bohr (Prix Nobel Physique en 1922) et l'arbitre se nommait Ernest Rutherford (Prix Nobel Chimie vers 1908).

lundi 25 septembre 2023

Se transformer soi-même pour changer le monde

La modernité occidentale a mis l’individu au centre et au-dessus de tout. Tandis que les sociétés traditionnelles insèrent les individus dans un moule de normes et de représentations collectives, nos sociétés modernes les en libèrent et sont entièrement axées sur la satisfaction des besoins et désirs des individus. Depuis la fin du XVIIIème siècle et jusqu’au milieu du XXème, le principal objectif a été d’offrir aux individus des droits fondamentaux pour leur permettre de vivre dans la dignité. 

Cela a été l’avènement de la démocratie et des droits de l’homme, la fin de l’esclavage et des ségrégations raciales, l’accès gratuit aux soins et à l’éducation, le droit du travail et le syndicalisme, l’émancipation progressive de la femme... De nombreux progrès sont encore à accomplir dans ces domaines et l’on déplore parfois de spectaculaires retours en arrière.

À cet objectif qualitatif, d’émancipation de l’individu et de progrès social, s’est articulé un second objectif, plus quantitatif : l’amélioration du confort matériel et l’accroissement de la richesse. Alors que l’amélioration des conditions de vie et ce qu’on pourrait appeler les « bases du confort moderne » (avoir un toit, une voiture, divers appareils ménagers) étaient atteints dès les années 1960 en Occident, l’idéologie consumériste s’est développée et l’on est entré dans l’ère du « toujours plus », bien décrit par François de Closets. 

L’individu occidental est devenu un perpétuel insatisfait qui aspire à gagner toujours plus d’argent, à posséder toujours davantage d’objets et à en changer sans cesse. La société de consommation est ainsi entièrement fondée sur cette idéologie pernicieuse qui fait croire aux individus que leur épanouissement passe exclusivement par l’« avoir ». Bien des maux actuels, dénoncés dans la première partie de cet ouvrage, sont issus de cette quête sans fin du profit, de la course à la possession. Tant que nous resterons dans cette logique du « toujours plus », et que cette logique continuera à se répandre à travers la planète, rien ne pourra changer, et notre monde poursuivra sa marche aveugle vers de multiples catastrophes absolument prévisibles.

Le changement dans le monde passera par l’adoption d’autres valeurs que celles du profit et de la réussite matérielle, et par le dépassement de la vision mécaniste qui prévaut encore dans les esprits. Mais ce sont précisément ces esprits qu’il convient de changer. Or, si des discussions interculturelles à divers niveaux (instances internationales, ONG, associations religieuses et philosophiques, etc.) sont incontestablement utiles et fécondes, c’est au bout du compte à chacun de nous d’opérer cette conversion spirituelle, doublée d’un changement de mode de vie. C’est précisément parce que la modernité a mis l’individu au centre du dispositif que le monde ne pourra changer que lorsque les individus eux-mêmes changeront.

Accepter la différence, c’est d’abord accepter qui nous sommes...

Dans un État démocratique, rare est le gouvernement qui osera prendre une mesure qui n’est pas souhaitée par la majorité des citoyens. Les hommes politiques ont les yeux rivés sur les enquêtes d’opinion. Nous touchons là aux limites du système démocratique, « le pire des systèmes de gouvernement à l’exception de tous les autres », disait Churchill ; à quoi d’aucuns ajoutent : « le moins propre à faire le bien des citoyens contre leur gré ». N’attendons donc pas des gouvernements qu’ils soient le fer de lance du changement ; ils peuvent jouer un rôle utile d’éducateurs, mais les vraies mesures ne seront prises que parce que les citoyens seront prêts à les adopter dans leur vie quotidienne et, par extension, à les voir mises en œuvre dans la sphère publique.

C’est quand la pensée, le cœur, les attitudes de la majorité auront changé que le monde changera. Ce constat va bien au-delà des réponses techniques, du savoir intellectuel ou scientifique qui peuvent ponctuellement résoudre l’un ou l’autre des problèmes que nous affrontons. La solution doit venir de chacun de nous, appelé à un travail sur soi, à une conversion du regard, à un changement de mode de vie. C’est la somme des nouvelles individualités qui créera une collectivité nouvelle. Il s’agit donc, pour chacun, d’examiner ce qui, en lui et dans sa vie, concourt aux dysfonctionnements et aux malheurs du monde.

On peut discerner en particulier trois maux qui ne sont pas nés de la modernité : ils ont toujours existé dans le cœur de l’homme, ont toujours été à l’origine des problèmes auxquels ont dû faire face les sociétés humaines. Cependant, le contexte de l’hyper-modernité et de la globalisation les rend encore plus virulents, plus destructeurs. Ces trois maux sont la convoitise, le découragement qui débouche sur l’indifférence passive, et la peur.

Extrait choisi de "La guérison du monde" (Essai, Fayard, 2012) par Frédéric Lenoir

jeudi 13 juillet 2023

Comment se faire des amis - Dale Carnegie (1888-1955)

Ce livre parle de l'importance des relations sociales et de la manière de se faire des amis. Voici quelques principes de base pour y parvenir :

-Montrer de l'intérêt pour les autres : Pour se faire des amis, il est important d'être intéressé par les autres, de poser des questions sur leurs intérêts, leurs passions et d'écouter attentivement leurs réponses.

-Sourire et être amical : Un sourire chaleureux et une attitude amicale attirent les autres et les mettent à l'aise. Soyez ouvert et accueillant lorsque vous interagissez avec les gens.

-Faire preuve d'empathie : Essayez de vous mettre à la place des autres et de comprendre leurs émotions et leurs perspectives. Montrez de la compassion et de l'écoute lorsque quelqu'un partage ses difficultés ou ses joies.

-Apprendre à écouter : L'écoute active est essentielle pour établir des liens solides. Soyez attentif aux paroles de l'autre personne, posez des questions pertinentes et montrez que vous vous intéressez réellement à ce qu'elle dit.

-Trouver des points communs : Cherchez des intérêts communs avec les autres, que ce soit dans les loisirs, les passe-temps ou les valeurs. Cela crée une base solide pour développer des relations amicales.

Maintenant, voici une liste d'actions concrètes que vous pouvez entreprendre pour mettre en œuvre ces principes dans votre vie quotidienne :

-Souriez et saluez les autres : Un simple geste amical peut créer une atmosphère positive et encourager les interactions.
-Posez des questions sur les intérêts des autres : Lorsque vous rencontrez quelqu'un, montrez de l'intérêt pour ses hobbies, ses activités préférées ou ses projets en cours. Cela montre que vous vous souciez de sa vie et que vous êtes prêt à l'écouter.
-Pratiquez l'écoute active : Lorsque vous discutez avec quelqu'un, concentrez-vous sur ses paroles et évitez de vous laisser distraire. Posez des questions pertinentes pour approfondir la conversation et montrer que vous vous intéresses réellement à ce qu'il dit.
-Organisez des activités sociales : Invitez des amis potentiels à faire des activités ensemble, que ce soit un film, une sortie au parc ou une soirée jeux. Cela permet de renforcer les liens et de créer des souvenirs communs.
-Montrez de la gratitude : Exprimez votre reconnaissance envers les autres. Dites merci lorsque quelqu'un vous aide ou vous fait plaisir, et n'hésitez pas à faire des compliments sincères pour valoriser les autres.
-Soyez vous-même : N'essayez pas de changer votre personnalité pour plaire aux autres. Restez authentique et montrez votre véritable moi. Les vrais amis apprécieront votre sincérité.
-Sortez de votre zone de confort : Faites l'effort d'engager des conversations avec de nouvelles personnes et d'explorer de nouveaux environnements sociaux. Participer à des clubs, des groupes d'intérêts ou des événements communautaires peut vous offrir l'opportunité de rencontrer des personnes partageant les mêmes centres d'intérêt.
-Pratiquez l'empathie : Essayez de vous mettre à la place des autres et de comprendre leurs sentiments et leurs perspectives. Soyez ouvert à différentes opinions et montrez de la compréhension, même si vous n'êtes pas d'accord.
-Cultivez une attitude positive : Montrez-vous optimiste et encourageant envers les autres. Évitez les critiques constantes et cherchez plutôt à mettre en avant les qualités et les réalisations des personnes que vous côtoyez.
-Investissez du temps et de l'énergie dans vos relations : Les amitiés nécessitent du temps et de l'investissement. Organisez des rencontres régulières, en personne ou en ligne, pour entretenir vos relations et créer des liens plus profonds.
-Soyez respectueux et bienveillant : Traitez les autres avec respect et gentillesse. Évitez les jugements hâtifs et les comportements blessants. La bienveillance crée un environnement propice à des relations durables et positives.

Rappellez-vous que se faire des amis demande de la pratique et de la patience. Soyez ouvert aux opportunités de rencontrer de nouvelles personnes, mais n'oubliez pas de prendre le temps de développer des relations de qualité avec ceux qui comptent déjà dans votre vie.


dimanche 18 juin 2023

Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même - Lise Bourbeau

Ce livre parle de cinq blessures émotionnelles que beaucoup de gens peuvent ressentir. Ces blessures peuvent nous empêcher d'être nous-mêmes et d'atteindre notre plein potentiel. Les cinq blessures sont :

Le rejet : C'est quand on se sent exclu, pas aimé ou pas accepté par les autres. Pour guérir cette blessure, il est important de se rappeler que chacun est unique et précieux.

L'abandon : C'est quand on a l'impression d'être laissé seul ou de ne pas compter pour les autres. Pour guérir cette blessure, il est important de développer une confiance en soi et de se rappeler que l'on peut compter sur ses propres ressources.

L'humiliation : C'est quand on se sent rabaissé ou ridiculisé par les autres. Pour guérir cette blessure, il est important de développer une estime de soi positive et de se rappeler que personne n'a le droit de nous humilier.

La trahison : C'est quand on se sent trahi ou trompé par les autres. Pour guérir cette blessure, il est important de reconstruire la confiance en soi et de choisir des relations basées sur la loyauté et l'intégrité.

L'injustice : C'est quand on se sent traité injustement ou victime de circonstances difficiles. Pour guérir cette blessure, il est important de cultiver un esprit de justice et de prendre des mesures pour changer les situations injustes.

Maintenant, voici une liste d'actions concrètes que vous pouvez entreprendre pour mettre en œuvre ces principes dans votre vie quotidienne :

-Pratiquez l'auto-acceptation : Apprenez à vous aimer et à vous accepter tel que vous êtes, avec toutes vos imperfections.
-Développez votre confiance en vous : Identifiez vos forces et vos talents, et croyez en vos capacités à réussir.
-Communiquez vos besoins : Exprimez vos besoins de manière assertive et respectueuse, en demandant ce dont vous avez besoin pour vous sentir bien.
-Établissez des limites saines : Apprenez à dire non lorsque quelque chose ne correspond pas à vos valeurs ou ne vous convient pas.
-Entourez-vous de relations positives : Choisissez des personnes qui vous soutiennent, vous respectent et vous encouragent à être vous-même.
-Pardonnez et lâchez prise : Libérez-vous du fardeau du passé en pratiquant le pardon envers vous-même et les autres.
-Cultivez la gratitude : Prenez le temps de reconnaître et d'apprécier les aspects positifs de votre vie.
-Prenez soin de vous : Accordez-vous du temps pour vous ressourcer, pratiquer des activités qui vous plaisent et prendre soin de votre bien-être physique, émotionnel et mental.
-Recherchez un soutien professionnel : Si vous sentez que les blessures émotionnelles sont profondes et intensément présentes dans votre vie, il peut être bénéfique de rechercher un soutien professionnel, tel qu'un thérapeute ou un coach de vie. Ils pourront vous accompagner dans votre parcours de guérison et vous fournir des outils adaptés à votre situation.

N'oubliez pas que le processus de guérison des blessures émotionnelles peut prendre du temps, et chacun progresse à son rythme. Soyez patient avec vous-même et faites preuve de bienveillance. En intégrant ces principes dans votre vie quotidienne, vous pourrez progressivement libérer votre plein potentiel et vous épanouir en étant authentiquement vous-même.

Commentaires

lundi 15 mai 2023

Les Incasables - Rachid Zerrouki (1992- )

Professeur des écoles, Rachid Zerrouki livre un témoignage poignant sur son expérience de professeur des écoles dans une Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté d’un collège marseillais. Les SEGPA sont les classes à effectif réduit dans lesquelles se retrouvent toutes sortes de profils d’enfants en grande difficulté scolaire, avec des troubles du comportement et des problèmes familiaux…  Tout ce petit monde doit vivre ensemble, progresser sous l’œil bienveillant du professeur. Comment leur faire comprendre qu’ils ne seront pas vétérinaires, astronautes ou Prix Nobel ? Comment leur faire comprendre qu’ils peuvent être de belles personnes capables de relever des défis de taille ? A travers une pièce de théâtre, des projets généreux élaborés par tout le groupe, Rachid Zerrouki nous montre qu’une classe est comme un orchestre qu’il faut guider dans l’harmonie pas à pas quotidiennement.

Enseigner à des enfants si particuliers qui n’entrent pas ou peu dans les codes et les apprentissages de l’école n’est pas simple mais donne tellement de sens au métier qu’il en est difficile de s’en extraire selon Rachid Zerrouki.

Extrait : A moi l’école a tout donné mais qu’en est-il des autres, ceux qui se présentent à elle sans héritage culturel ni prédisposition à apprendre ? Que leur propose-t-elle si ce n’est d’ajouter au poids de l’échec celui de la culpabilité ? L’ancienne société de classes accordait au moins à ceux qui étaient en bas de l’échelle la liberté d’être et de se sentir victimes d’une injustice, mais aujourd’hui la promesse républicaine d’égalité et de méritocratie portée par l’Ecole leur fait comprendre qu’ils sont les seuls responsables de leur situation. C’est un mensonge. Parmi les multitudes de chiffres qui le démontrent  on peut citer ceux-ci : 79% des enfants de cadres ou de professions intellectuelles supérieures sont diplômés du supérieur, contre 29% des enfants d’ouvriers. Partant de ce constat, certains défendent l’idée selon laquelle l’Ecole est inégalitaire par essence et non par erreur, mais la volonté d’une institution est aussi déterminée par celle des individus qui la composent, et j’ai rencontré trop d’altruisme et d’abnégation en salle des professeurs pour adhérer à un tel degré de cynisme. »

jeudi 13 avril 2023

Pierre Soulages (1919 - 2022)

L'art de la lumière dans l'obscurité

L’œuvre au noir 1959

Pierre Soulages,  peintre français né à Rodez en 1919, mort en 2022 est souvent surnommé le "maître du noir". Son œuvre artistique unique est centrée sur l'exploration de la couleur noire et de la lumière dans l'art contemporain, et son concept innovant d'"Outre Noir" a marqué l'histoire de la peinture.

Pierre Soulages a commencé à peindre dès son plus jeune âge, mais c'est dans les années 1940 qu'il a commencé à développer son style distinctif axé sur la couleur noire. Il s'est rapidement éloigné de la peinture figurative pour embrasser l'abstraction, explorant les limites de la couleur noire dans son travail. Pour lui, le noir n'était pas seulement l'absence de couleur, mais une couleur à part entière qui pouvait être utilisée pour exprimer la lumière et la profondeur.

L'une des œuvres les plus emblématiques de Soulages est sa série d'œuvres intitulée "Outre Noir". L'Outre Noir est une technique picturale unique créée par Soulages dans les années 1970, dans laquelle il applique des couches épaisses de peinture noire sur la toile, qu'il gratte et sculpte ensuite pour créer des effets de lumière et de texture. C'est un procédé complexe qui nécessite une maîtrise technique et une compréhension profonde des propriétés de la couleur noire.

L'Outre Noir de Soulages est bien plus qu'une simple utilisation de la couleur. C'est une exploration de la lumière dans l'obscurité, une réflexion sur la manière dont la couleur noire peut être utilisée pour capturer et exprimer la lumière d'une manière inattendue. Les couches de peinture noire superposées créent des contrastes, des reflets et des jeux de lumière qui varient en fonction de l'angle de vue et de l'éclairage, conférant à ses œuvres une profondeur et une présence uniques.

Une autre caractéristique distinctive du travail de Soulages est sa gestuelle puissante et expressive. Ses coups de pinceau larges et énergiques sont une partie intégrante de son processus artistique, ajoutant une dimension dynamique et mouvementée à ses œuvres abstraites. La combinaison de la gestuelle et de la couleur noire crée des compositions audacieuses et captivantes qui invitent le spectateur à explorer les textures, les formes et les jeux de lumière de chaque toile.

L'œuvre de Soulages a été reconnue à l'échelle internationale et il a reçu de nombreux prix et distinctions pour sa contribution à l'art contemporain. En 2014, le musée Soulages a été inauguré à Rodez, sa ville natale, pour célébrer son travail et présenter une vaste collection de ses œuvres, y compris ses célèbres Outre Noir. Le musée, conçu par l'architecte Rafael Moneo, offre aux visiteurs une expérience immersive de l'œuvre de Soulages, mettant en valeur sa créativité, sa technique et son exploration de la couleur noire.

L'impact de Pierre Soulages sur le monde de l'art ne se limite pas seulement à son usage novateur de la couleur noire et à sa création de l'Outre Noir. Son travail a également inspiré de nombreux artistes contemporains et a ouvert de nouvelles perspectives sur la manière dont la couleur noire peut être utilisée dans l'art. Sa philosophie artistique repose sur l'idée que l'obscurité n'est pas une absence de lumière, mais plutôt une source potentielle de lumière et de création artistique. Ses œuvres sont une exploration poétique de la relation entre la lumière et l'obscurité, de la profondeur et de la texture, et de la gestuelle et de l'expression.

En plus de son travail pictural, Soulages a également expérimenté d'autres médiums artistiques, tels que la gravure, la sculpture et l'architecture. Son approche multidisciplinaire de l'art lui a permis de repousser les limites de sa créativité et de continuer à innover tout au long de sa carrière, faisant de lui l'un des artistes les plus influents et prolifiques de son temps. 

"J’aime l’autorité du noir. C’est une couleur qui ne transige pas. Une couleur violente mais qui incite pourtant à l’intériorisation. À la fois couleur et non-couleur. Quand la lumière s’y reflète, il la transforme, la transmute. Il ouvre un champ mental qui lui est propre."

                                                                                                                           Pierre Soulages

Outrenoir 1979