Durant l’essentiel de l’histoire de l’humanité, la vie a été considérée comme le propre de Dieu. Seul le démiurge peut donner la vie ; la génération spontanée, phénomène longtemps perçu comme hautement banal, n’était alors que l’expression du pouvoir créateur de Celui qui est à l’origine de tout. A partir du XVIIe siècle, principalement sous l’impulsion des philosophes français, une nouvelle vision de la vie a progressivement émergé :
« [Ceux qui connaissent les automates] considéreront [le] corps comme une machine qui, ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée, et a en soi des mouvements plus admirables, qu’aucune de celles qui peuvent être inventées par les hommes […] s’il y avait de telles machines qui eussent les organes et la figure d’un singe ou de quelque autre animal sans raison, nous n’aurions aucun moyen pour reconnaître qu’elles ne seraient pas en tout de même nature que ces animaux (…)» Descartes R., Le discours de la méthode.
Selon Descartes, la vie peut ainsi s’interpréter comme un mécanisme, seule l’âme — siège de la raison — relève alors du divin (dualisme). De même, l’idée de structures vivantes fixes, créées une fois pour toute, a reculé au profit d’une interprétation transformiste puis évolutionniste. Les travaux de Lamarck, puis de Darwin, ont ainsi définitivement sonné le glas de la vision antique du vivant.
Malgré ces progrès, les hommes de science ont, dans leur immense majorité, continué de penser que la création de la vie nous restait inaccessible. Seuls certains écrivains comme Mary Shelley avec Frankenstein, osaient poser la possibilité pour l’Homme d’égaler Dieu.
De par leurs implications philosophiques, les tentatives de re-création de la vie illustrent le côté le plus fascinant de la vie artificielle. Dans la pratique, ces travaux sont pourtant loin d'être les plus importants, ni les plus représentatifs de la « discipline ». La vie artificielle ne se limite pas aux seules tentatives de construction de nouvelles instances de la vie ou à la biologie théorique. Elle s'inspire des propriétés du vivant pour proposer des constructions originales, tant algorithmiques que physiques, dotées de capacités étonnantes et aptes à résoudre des problèmes difficiles vis-à-vis desquels les approches plus traditionnelles rencontrent de graves difficultés. C'est le vaste domaine des artefacts biomimétiques (algorithmiques et robotiques).
C'est au début des années 70 que le jeu de la vie est décrit. Inventé par John Horton Conway, suivant les travaux de John von Neumann, le jeu de la vie est un automate cellulaire qui propose un univers fini dans lequel des "cellules" vivent et meurent suivant des règles simples.
Ce programme permet de mettre en évidence l'émergence de comportements d'auto-organisation et la construction de systèmes (ensemble de cellules) stables et autonomes. A l'heure actuelle, aucun algorithme ne permet de calculer la position des cellules à un instant précis.
Un automate cellulaire
Un automate cellulaire consiste en une grille régulière de « cellules » contenant chacune un « état » choisi parmi un ensemble fini et qui peut évoluer au cours du temps. L'état d'une cellule au temps t+1 est fonction de l'état au temps t d'un nombre fini de cellules appelé son « voisinage ». À chaque nouvelle unité de temps, les mêmes règles sont appliquées simultanément à toutes les cellules de la grille, produisant une nouvelle « génération » de cellules dépendant entièrement de la génération précédente.
Étudiés en mathématiques et en informatique théorique, les automates cellulaires sont à la fois un modèle de système dynamique discret et un modèle de calcul. Le modèle des automates cellulaires est remarquable par l'écart entre la simplicité de sa définition et la complexité que peuvent atteindre certains comportements macroscopiques : l'évolution dans le temps de l'ensemble des cellules ne se réduit pas (simplement) à la règle locale qui définit le système. À ce titre il constitue un des modèles standards dans l'étude des systèmes complexes.
En préambule, il faut préciser que le jeu de la vie n’est pas vraiment un jeu au sens ludique, puisqu’il ne nécessite aucun joueur ; il s’agit d’un automate cellulaire, un modèle où chaque état conduit mécaniquement à l’état suivant à partir de règles pré-établies.
En préambule, il faut préciser que le jeu de la vie n’est pas vraiment un jeu au sens ludique, puisqu’il ne nécessite aucun joueur ; il s’agit d’un automate cellulaire, un modèle où chaque état conduit mécaniquement à l’état suivant à partir de règles pré-établies. Le jeu se déroule sur une grille à deux dimensions, théoriquement infinie (mais de longueur et de largeur finies et plus ou moins grandes dans la pratique), dont les cases — qu’on appelle des « cellules », par analogie avec les cellules vivantes — peuvent prendre deux états distincts : « vivantes » ou « mortes ». En plus de cette univers à 2 dimensions, nous ajoutons la dimension du temps. Celui-ci est découpé en pulsations. A chaque pulsation, le programme calcule la nouvelle configuration des cellules dans l'univers.
À chaque étape, l’évolution d’une cellule est entièrement déterminée par l’état de ses huit voisines de la façon suivante :
-Toute cellule vivante qui a moins de deux voisines vivantes meurt à la prochaine génération.
-Toute cellule vivante qui a deux ou trois voisines vivantes reste vivante à la prochaine génération.
-Toute cellule vivante ayant plus de trois voisines vivantes meurt à la prochaine génération.
-Toute cellule morte ayant exactement trois voisines vivantes revit à la prochaine génération.
On peut donc considérer qu'une cellule naît de l'entourage de congénères et que sa mort est due à l'isolement.
Spécificité des règles du jeu de la vie
John Horton Conway précise que les règles du jeu de la vie ont été déterminées pour engendrer une grande diversité d'ensembles imprévisibles en évitant une simple croissance mécanique du nombre de cellules dans l'univers. Le jeu de la vie fait donc apparaître des ensembles dynamiques et autonomes. Ces derniers auront de plus leurs propres spécificités ! On fera alors vite le parallèle entre le jeu de la vie et les formes primitives de vie...
Les règles explicitées ci-dessus sont bien sûr celles que John Horton Conway a déterminées pour favoriser l’émergence de structure. Mais on peut facilement en changer les règles et certains paramètres : Le nombre de dimensions, le nombre d'états pour une cellule, les cellules prises en compte dans le calcul du voisinage, la transition entre les différents états, etc.
Le jeu de la vie sous de multiples formes peut trouver une application dans de nombreux domaines tels la simulation du trafic, les simulations économiques, le traitement informatique, etc.
Perspectives
Le jeu de la vie suggère enfin que la complexité apparente du monde réel pourrait être en réalité les conséquence d'une foule d'interactions simples... à méditer !
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