mercredi 8 juin 2011

La chaîne et le peigne - Gérard Bessière (1928-)

Il y avait une fois, en quelque lieu du monde, deux époux dont l’amour n’avait cesser de grandir au creux de leur chaumière depuis leur mariage. Ils étaient pauvres et chacun d’eux savait que l’autre portait en son cœur un désir inassouvi.

Lui avait une montre en or pour laquelle il ambitionnait secrètement d’acquérir un jour une grande chaîne du même métal précieux. Elle avait de beaux cheveux, et rêvait d’un peigne en nacre pour les serrer sur sa nuque.

Lydia McIntyre - Coeurs tordus (2010)

Avec les années qui passaient, lui en était venu à penser au peigne plus qu’à la chaîne de montre. Cependant qu’elle oubliait la nacre en cherchant comment acheter la chaîne rutilante. Depuis longtemps ils n’en parlaient plus, mais leur esprit secrètement nourrissait le projet impossible.

Au matin de leur noces d’or, le mari eut la stupeur de voir son épouse avancer vers lui les cheveux coupés.

 - Qu’as-tu fait, mon amie?

Elle ouvrit alors ses mains dans lesquelles brillait la chaîne d’or: 


- Je les ai vendus pour acheter la chaîne qui accompagnerait ta montre.

- Ma pauvre amie, s’écria-t-il en ouvrant ses propres mains dans lesquelles resplendissait la nacre, j’ai vendu la montre pour t’acheter le peigne !

Et de tomber dans les bras l’un de l’autre. Dépouillés de tout, riches de leur seul amour.
 

  

 Gérard Bessière (1928-)
Le bonheur se multiplie quand on le donne. Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir Quand le bonheur de celui que j’aime passe avant mon bonheur, quand le bonheur de l’être aimé devient mon propre bonheur, il m’est rendu au centuple. Tel est le sens de ce merveilleux petit apologue écrit par Gérard Bessière.

Gérard Bessière est prêtre, ancien aumônier national des Équipes enseignantes de la paroisse universitaire. Il a travaillé aux Éditions du Cerf de 1969 à 1988 et fut journaliste à l'hebdomadaire "La Vie" de 1975 à 1988.



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