Personnage avec quartiers de viande, Huile sur toile, 129,9 cm x 121,9 cm - 1954 Art Institute of Chicago, USA |
Éloge à Francis Bacon
« Peintre de la violence, de la cruauté et de la tragédie d'où, à ses dires : « l'odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux », l’œuvre de Francis Bacon se déploie à travers ses tableaux et grands triptyques en mettant en scène sa vie, ses amis, ses sources d'inspirations ... Il a peint des portraits, des autoportraits, des têtes, des corps, cabossés, dépecés, lacérés, bousculés. Et pourtant, de ces portraits, sort la ressemblance ; de ces corps, de ces cris, émanent une interrogation, et un doute permanents. Bacon, dit Daniel Lelong, son galeriste parisien, doutait toujours de son travail. Cet autodidacte de la peinture enregistrait, selon son expression, toutes les perceptions que lui donnaient le monde et la vie des gens qui l’entouraient, et il peignait les multiples souvenirs superposés de leur existence. Dans cette figuration choisie par lui - il disait l’abstraction de son époque trop esthétisante pour la tension et l’excitation qu’il ressentait - c’est aussi au mouvement saisi dans son essence même, que l’on est confronté. Le mouvement de la chair qui parfois se liquéfie en coulées grises, le mouvement du temps qui laisse voir le spectre des cadavres sur les triptyques, le mouvement de la peinture qui peut rendre la figure évanescente - mais c’est peut-être illusion car elle nous projette toujours avec violence son extrême présence. Et nous, nous nous interrogeons sur ces images, sur cette nudité, sur cette vulnérabilité, sur ces métamorphoses, sur ces blessures et sur ce sang, sur la couleur, sur les accidents de la création, sur la peinture enfin. « Faire une peinture qui ne transmette qu’elle-même », a dit Gilbert Lascaux à son propos. »
Simone Douek
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