dimanche 14 avril 2024

La théorie de la Reine Rouge

Une Course effrénée vers l'évolution et l'innovation

La Théorie de la Reine Rouge est un concept fascinant emprunté au monde de la biologie évolutive et popularisé par le célèbre biologiste Leigh Van Valen. Inspirée par la course folle de la Reine Rouge dans "De l'autre côté du miroir" de Lewis Carroll, cette théorie met en lumière la dynamique de l'évolution et la nécessité constante d'innover et de s'adapter pour survivre dans un environnement en perpétuel changement. Dans cet article, nous explorerons les fondements de cette théorie et ses implications dans divers domaines, allant de la biologie à l'économie.

 

Les Origines de la Théorie de la Reine Rouge

Dans le livre de Lewis Carroll, la Reine Rouge explique à Alice qu'il faut courir très vite pour rester à la même place. Cette idée a inspiré Leigh Van Valen, qui a appliqué ce concept à l'évolution biologique. Selon la Théorie de la Reine Rouge, les espèces doivent constamment évoluer et s'adapter pour faire face aux défis de leur environnement et rester compétitives. Si elles ne le font pas, elles risquent de disparaître, dépassées par d'autres espèces plus adaptées.

Dans le contexte biologique, la Théorie de la Reine Rouge explique que la coévolution entre espèces est un processus continu et dynamique. Les proies doivent constamment développer de nouvelles stratégies pour échapper à leurs prédateurs, tandis que les prédateurs doivent s'adapter pour continuer à chasser avec succès. Ce phénomène est également observé dans la lutte contre les maladies, où les hôtes et les pathogènes sont engagés dans une course à l'armement évolutive pour survivre.

La Théorie de la Reine Rouge ne se limite pas à la biologie. Elle a été appliquée à divers domaines, tels que l'économie, la technologie et la société. Dans un monde en constante évolution, les entreprises doivent innover et s'adapter pour rester compétitives et survivre sur le marché. De même, les individus doivent continuellement développer de nouvelles compétences et connaissances pour faire face aux défis d'un monde en mutation rapide.

La course à l'innovation

La Théorie de la Reine Rouge est une métaphore puissante pour illustrer l'importance de rester en mouvement et de se réinventer sans cesse. Cela souligne l'importance de l'innovation dans la survie et le succès des espèces, des entreprises et des individus. Pour rester dans la course, il est essentiel de développer de nouvelles idées, de nouvelles technologies et de nouvelles approches. L'innovation permet non seulement de s'adapter aux changements, mais aussi de créer de nouvelles opportunités et de repousser les limites de ce qui est possible. En somme, la stagnation équivaut à un déclin dans un monde en constante évolution. Pour survivre et prospérer, il est crucial de s'adapter et d'innover en permanence.

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dimanche 31 mars 2024

La calculette de la mort

La "calculette de la mort" est un algorithme développé par des chercheurs de l'Université de Copenhague au Danemark (DTU) dans le but d'améliorer la compréhension des tendances démographiques et des facteurs de risque de santé qui influencent la durée de vie.
 
En Décembre 2023, un groupe de chercheurs danois et américains a publié un texte dans la revue Nature Computational Science intitulé “Using sequences of life events to predict human lives”, pour décrire ses travaux. Ce modèle, appelé “Life2vec”, a “analysé des données – âge, santé, éducation, emploi, revenus et autres événements de la vie – de plus de 6 millions de personnes originaires du Danemark.
 
L'algorithme utilise ces données pour prédire les étapes clés de la vie d'une personne, telles que l'âge auquel elle se mariera, aura des enfants, prendra sa retraite ou décédera. Il prend en compte des facteurs tels que le sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut socio-économique, le tabagisme, la consommation d'alcool, l'indice de masse corporelle et les antécédents familiaux de maladies chroniques. « Avec une très jeune cohorte de personnes âgées entre 35 et 65 ans, on essaie de prédire, en se fondant sur une période de huit ans (2008 à 2016), si la personne va mourir dans les quatre ans à venir, jusqu’en 2020. Le modèle fait ça très bien, mieux que n’importe quel autre algorithme », détaille Sune Lehmann, professeur et co-auteur de l’étude.

Cette tranche d’âge, où les décès sont habituellement peu nombreux, permet, selon les chercheurs, de vérifier la fiabilité du programme. Mais l’outil n’est pas à prêt à être utilisé par le grand public, car il comporte encore des biais. « Pour le moment, c’est un projet de recherche qui explore le champ des possibles […], on ne sait pas s’il traite tout le monde de manière égale ». Reste aussi à découvrir le rôle du temps long, des connexions sociales et de leur impact sur la prédictibilité des vies. 

  
 
Un système à la ChatGPT
 
Pour élaborer Life2vec, les scientifiques ont utilisé un modèle opératoire similaire à celui de ChatGPT. Mais au lieu de traîter des données textuelles, l’algorithme analyse les étapes de la vie telles que la naissance, les études, les prestations sociales ou encore les horaires de travail. « D’un certain point de vue, la vie n’est qu’une suite d’événements : les gens naissent, vont chez le pédiatre, vont à l’école, déménagent, se marient, etc., explique l’étude. Nous exploitons ici cette similitude pour adapter les innovations du traitement automatique du langage naturel à l’examen de l’évolution et la prévisibilité des vies humaines sur la base de séquences d’événements détaillées. »
 
« C’est un cadre très général permettant de faire des prédictions sur la vie humaine. Il peut prédire n’importe quoi à condition de disposer de données d’entraînement », explique ainsi Sune Lehmann. Selon lui, les possibilités sont infinies. L’algorithme « pourrait prédire les résultats en matière de santé. Il pourrait donc prédire la fertilité ou l’obésité, ou peut-être qui va avoir un cancer ou pas. Mais il pourrait aussi prédire si vous allez gagner beaucoup d’argent », ajoute-t-il.
 
En utilisant ces données, l'algorithme peut prédire les étapes clés de la vie d'une personne avec une précision à 78%. Les chercheurs ont souligné que l'outil n'est pas destiné à prédire la date exacte de la mort d'une personne, mais plutôt à fournir des informations sur les tendances démographiques et les facteurs de risque de santé qui peuvent influencer la durée de vie. 
 
Bien que certains aient exprimé des préoccupations éthiques quant à l'utilisation de cet outil, les chercheurs ont déclaré qu'il pourrait être utile pour aider les individus à prendre des décisions éclairées sur leur santé et leur style de vie, ainsi que pour aider les décideurs politiques à planifier les besoins futurs en matière de santé et de services sociaux. 
 
Des contrepoids aux Gafam

Pour l’universitaire, le projet présente un contrepoids scientifique aux algorithmes développés par les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) en secret. Des algorithmes de ce type sont déjà certainement utilisés dans le domaine de l’assurance, avance l’experte en éthique des données Pernille Tranberg. Avec le développement de l’intelligence artificielle, « tout s’accélère ». Le projet « montre simplement que nous avons beaucoup de données au Danemark et qu’on peut les utiliser, car nous les humains allons tous dans la même direction », ajoute la spécialiste. Et certains développeurs ont décidé d’exploiter l’idée à des fins commerciales. « Sur le Web, on voit déjà des horloges de prédiction, qui montrent l’âge qu’on va atteindre et certaines ne sont pas du tout fiables », prévient-elle.
 
Préoccupations éthiques
 
L'utilisation de la "calculette de la mort" soulève des préoccupations éthiques importantes, notamment en ce qui concerne la confidentialité, la discrimination et le déterminisme.

Tout d'abord, la collecte et l'utilisation de données personnelles sensibles telles que les antécédents médicaux et le mode de vie peuvent soulever des préoccupations en matière de confidentialité. Les individus peuvent être réticents à partager des informations personnelles en raison de préoccupations quant à la façon dont ces informations seront utilisées et protégées.

Ensuite, il y a un risque que les prédictions de l'algorithme soient utilisées pour discriminer les individus en fonction de leur espérance de vie prévue. Par exemple, les employeurs pourraient être moins enclins à embaucher des personnes dont l'algorithme prédit qu'elles auront une espérance de vie plus courte, ou les compagnies d'assurance pourraient facturer des primes plus élevées aux personnes considérées comme ayant un risque plus élevé de décès prématuré.

Enfin, il y a un risque que les prédictions de l'algorithme soient perçues comme déterministes, ce qui pourrait décourager les individus de prendre des mesures pour améliorer leur santé et leur bien-être. Les gens peuvent se sentir découragés ou résignés à leur sort prédit, plutôt que de prendre des mesures pour améliorer leur santé et leur mode de vie.

En réponse à ces préoccupations, les chercheurs ont souligné que l'outil est conçu pour fournir des informations générales sur les tendances démographiques et les facteurs de risque de santé, plutôt que des prédictions individuelles précises. Ils ont également souligné l'importance de protéger la confidentialité des données personnelles et de s'assurer que l'outil est utilisé de manière éthique et responsable.

En fin de compte, l'utilisation de la "calculette de la mort" soulève des questions importantes sur l'équilibre entre la collecte et l'utilisation de données personnelles pour améliorer la santé publique et les préoccupations éthiques liées à la confidentialité, la discrimination et le déterminisme. Il est important de poursuivre le débat sur ces questions et de s'assurer que l'utilisation de tels outils est guidée par des principes éthiques solides.

samedi 30 mars 2024

La saline royale d’Arc-et-Senans, Franche-Comté, Doubs (25)

Classée Patrimoine Mondial de l'UNESCO depuis 1982, la Saline Royale d’Arc et Senans est le chef-d'œuvre de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), architecte visionnaire du siècle des Lumières. Elle constitue également un témoignage rare dans l'histoire de l'architecture industrielle.

Manufacture destinée à la production de sel, la Saline Royale a été créée de par la volonté de Louis XV et construite entre 1775 et 1779, soit 10 ans avant la Révolution Française.
 


A cette époque, le sel était utilisé notamment pour la conservation des aliments, la fabrication du verre et de l'argenterie, l'agriculture et la médecine. L’État prélevait sur sa vente une lourde taxe impopulaire, la gabelle, qui alimentait en grande partie les caisses de l'État. L'importance économique du sel était donc fondamentale.
La Saline Royale fonctionnait comme une usine intégrée où vivait presque toute la communauté du travail. Construite en forme d'arc de cercle, elle abritait lieux d’habitation et de production, soit 11 bâtiments en tout : la maison du directeur, les écuries, les bâtiments des sels et ouest, les commis est et ouest, les berniers est et ouest, la tonnellerie, le bâtiment des gardes, la maréchalerie.

Maison du directeur

Le processus de fabrication du sel était particulièrement compliqué si l’on tient compte du fait que la matière première se trouvait à une vingtaine de kilomètres d'Arc et Senans. Partant du principe qu'il était plus facile de « faire voyager l’eau que de voiturer la forêt », des canalisations souterraines en bois permettaient de faire venir la saumure (eau salée) depuis son lieu d'extraction, Salins. Quant au combustible nécessaire à sa cuisson, on le trouvait en périphérie, dans la forêt de Chaux, plus grande de France à cette époque. Une fois acheminée sur place, la saumure était chauffée dans des grandes poêles pour procéder à l’évaporation de l’eau. Le sel ainsi recueilli était vendu en grains ou moulé en pains selon sa destination.
   
Rendue obsolète par l'apparition de nouvelles technologies, la Saline Royale a fermé ses portes en 1895. Abandonnée, pillée, endommagée par un incendie en 1918, on commençait même à faire le commerce de ses pierres, lorsqu’en 1927, le Département du Doubs en a fait l'acquisition la sauvant ainsi de la ruine. Trois campagnes de restauration successives achevées en 1996 par le réaménagement des espaces verts, lui redonnèrent son éclat.

Le parti architectural de la Saline Royale, son histoire et sa réhabilitation en font un monument unique au monde.

Maison du Directeur - colonnes baguées de cubes


Claude-Nicolas Ledoux conçut son projet comme un ensemble complet. Il comprend onze bâtiments, dont cinq abritant les ateliers et logements des ouvriers, disposés en un immense demi-cercle, centré autour du logement du directeur.

C'est un exemple étonnant du style néo-classique appliqué à un monument à vocation industrielle.

Bien plus tard, emprisonné pendant la Révolution, Ledoux imagina, à partir de la Saline, la "cité idéale de Chaux", restée à l'état de pur projet.

La Saline fut fermée en 1895 et connut la ruine, avant d'être rachetée par le Département du Doubs en 1927.

Témoignage unique de l'architecture industrielle du siècle des Lumières, cet ensemble de bâtiments a été patiemment restauré, depuis 60 ans, par son propriétaire, le Département du Doubs. L'Institut Claude-Nicolas Ledoux en assure la gestion depuis 1972.

Les écuries

Les bâtiments en demi-cercle de la Saline Royale de Chaux sont le cœur du projet inachevé de ce rêveur qui tenta son idéal industriel et social.

L'harmonie des lieux et les symbolismes qu'on y retrouve visés à modeler une société qui élèverait l'âme de ses habitants, suscitant la vertu et le bonheur collectif, tout en conservant le travail comme valeur ultime, au centre de tout.

A voir la façade de la maison du directeur avec ses colonnes baguées de cubes, la grotte artificielle qui symbolisait la raison d'être de sa ville: le sel extrait de l'antre de la Terre et enfin le Portique d'entée avec sa double colonnade qui devait imposer le respect.

Le bâtiment des gardes

Le demi-cercle de la Saline Royale d'Arc-et-Senans (25610)  se trouve en pleine campagne.

La Saline Royale est ouverte tous les jours sauf les 25/12 et 01/01,
de 10h à 12h et de 14h à 17h (novembre à mars)
de 9h à 12h et de 14h à 18h (avril/mai/octobre)
de 9h à 18h (juin/septembre)
de 9h à 19h (juillet/août).


Bâtiment des gardes - la grotte artificielle
 

Jean Verdun, parlant de la saline royale d'Arc-et-Senans un jour de novembre 1984:

"Aucun autre bâtiment n'allie aussi bien la grande tradition des bâtisseurs dont nous revendiquons l'héritage et ce regard sur le futur dont nous nous glorifions.

Une douce lumière de début d'hiver glissait sur les colonnes à bossages de la maison du directeur. Tant de beauté coupe le souffle. On prétend qu'il s'agit là d'un des cent cinquante chefs-d'œuvre du monde. Je ne crois pas qu'on puisse classer la Saline. Elle est unique dans son ambition. Une église romane, une cathédrale gothique, une abbaye cistercienne, un temple grec ont leurs semblables.

Pas la Saline, aussi personnelle à Claude Nicolas Ledoux que Don Juan l'est à Mozart ou Don Quichotte à Cervantès. J'ai passé parmi ces pierres plus vives que chair toutes les heures ou presque de ces deux jours. Bien couvert d'une grosse veste de laine, je me suis étendu sur la pelouse, le visage offert au soleil d'après-midi, avec cette sensation de vertige que donne le passage des nuages quand on sent dans son dos la terre qui se met à tourner plus vite, au risque de déséquilibrer la sublime ordonnance des bâtiments de Ledoux.

Le miracle, à la Saline, c'est que la cité idéale ait reçu un commencement d'exécution. On croirait que la première lettre d'un mot de passe pour le futur nous est communiquée, la première lettre seulement, les autres ne relevant que de nous-mêmes. Or cette impression tient moins aux théories sociales de Ledoux qu'aux proportions des bâtiments. Comme une phrase musicale peut aller bien au-delà des conceptions philosophiques du compositeur, la pierre chante à la Saline bien au-delà de l'idéalisme utopique de Ledoux. Nous sommes en présence d'une œuvre de maîtrise, de très grande maîtrise.

Aujourd'hui, la Saline d'Arc-et-Senans a été restaurée pour y loger le Centre d'étude du futur. Là, des hommes de toutes les disciplines tentent d'imaginer nos conditions d'existence de demain. On organise aussi à la Saline des séminaires où les participants bénéficient des conditions d'existence dont Claude Nicolas Ledoux avait rêvé pour les ouvriers du sel.

Sans même parler de la beauté des bâtiments eux-mêmes, le lieu tout entier dégage un climat particulièrement propice à la réflexion et très voisin de celui que l'on va chercher dans un temple. Comme il s'agit d'une usine selon le mot de Ledoux lui-même, le qualificatif de sacré semble mal approprié. On le réserve généralement à des espaces clos voués à la recherche spirituelle ou à la prière. Et pourtant ! Par la dimension qu'y prend l'Homme, la Saline d'Arc-et-Senans se sacralise. Ledoux l'a dotée de colonnes et cela lui fut reproché, les colonnes devant être réservées aux temples des dieux ou aux palais des rois. Au centre de ce cercle, dont une moitié seulement a été tracée, qui n'éprouve cependant aujourd'hui le sentiment que l'Homme se dépasse lui-même?

Ledoux a eu l'audace d'écrire : « Est-il quelque chose que l'architecte doive ignorer, lui qui est aussi ancien que le soleil? » Question d'un stupide orgueil aux yeux de ceux pour lesquels l'action de bâtir est une activité comme les autres, mais question fondamentale pour qui a été initié dans une tradition de constructeurs à la recherche de la Lumière.

En m'en allant, j'ai pris la route qui part tout droit face à l'entrée de la Saline. Conduisant lentement ma voiture
avec le regret de quitter ce lieu, je regardais dans mon rétroviseur les colonnes du péristyle qui précède la grotte de sel. Le jour décline tôt à cette saison. Sous l'entablement qu'elles supportent, ces colonnes perdues dans ce paysage rural défiaient le temps avec une étrangeté souveraine. "


mercredi 14 février 2024

Dites "oui" à tout - Svâmi Prajnânpad (1891-1974)

"Rappelez-vous que tout ce qui arrive, arrive pour le mieux. Il y a une distribution divine des choses. Votre vie eût été appauvrie sans tour ce qui vous est arrivé. Aussi tour doit être accepté, le bon et le mauvais.

En fait, vous n'avez pas le choix. Si vous voulez le bon, vous aurez le mauvais aussi. Chaque chose a deux aspects. Si vous voulez le côté face d'une pièce, vous devez prendre aussi le côté pile. C'est inutile d'attendre seulement du plaisir. Le plaisir et la peine vont toujours de pair. Prenez les deux, ou rien du tout.

Quand une chose arrive, acceptez-la d'abord. C'est la vérité. C'est arrivé. Pouvez-vous la refuser et dire que ce n'est pas arrivé? Non. Après avoir pleuré et vous être lamenté, vous l'accepterez en tout état de cause. Pourquoi ne pas l'accepter dès le début?

Dites "oui" à tout. Quand vous acceptez de plein gré une chose, il n'y a pas de souffrance. La peur doit être bannie de votre vie.
"

Svami Prajnanpad, Entretiens




Svâmi Prajnânpad (1891-1974)
Svâmi Prajnânpad est un maître indien contemporain (1891-1974) dont l'enseignement, plongeant ses racines dans la tradition indienne la plus ancienne, éclaire d'une manière entièrement nouvelle le cheminement de celui qui aspire à connaître la vérité.

Formé aux disciplines scientifiques, Svâmi Prajnânpad réconcilie science et tradition, approche matérialiste et spirituelle. Svâmiji, dans un souci d'efficacité pratique, se réfère constamment à l'expérimentation, rejette tout recours à une autorité quelle qu'elle soit, mais n'hésite pas à utiliser toutes les méthodes permettant de libérer le disciple de ses blocages émotionnels.

Svâmi Prajnanpad n’a jamais écrit de livre ni fait de conférence, il  accordait des entretiens individuels à un petit nombre de personnes (dont neuf  français). Il répondait à leurs lettres. Certains de ses entretiens ont été enregistrés.

Pour tous ceux qui l’ont approché il rayonnait d’amour et d’intelligence. Voici ce qu’ il disait de son état: 

"Dans la vie du monde on saisit toujours un objet particulier. Mais qu’arrive-t-il quand on sent et qu’on réalise qu’il n’y a rien à saisir ? Il y a une disparition complète de la conscience du monde et quand  ce sentiment  se cristallise, on sent: "tout est à moi, tout m’appartient".  L’éveil n’est rien d’autre que cela."
Entretien  5/8/1966.

"Vous sentez: ce que j’avais à faire  je l’ai fait, ce que j’avais à obtenir je l’ai obtenu, ce que j’avais à donner je l’ai donné"
Entretien 25/1/1963.


Citations de Svâmi Prajnânpad (extraites de lettres ou d'entretiens)

"D’abord regardez avec lucidité ce qui est, ce que vous êtes, ici et maintenant : pour cela, vous devez être convaincu que la comparaison et les jugements de valeur ne sont  absolument pas fondés. Rien n’est ni bien ni mal et vous êtes donc ce que vous êtes, ici et maintenant."

"Tout est neutre, tout est absolu, chaque chose est comme elle est. C’est vous qui la faites apparaître bonne ou mauvaise, agréable ou pénible."

"Celui qui ne se voit pas lui-même n’arrête pas de parler des autres. Il passe son temps à repérer et à mépriser en autrui des fautes et des faiblesses qui sont en fait camouflées et refoulées en lui-même."

"D’abord acceptez-vous vous-même.  Quand vous ne vous acceptez pas et que vous vous imaginez être quelqu’un d’autre, un conflit surgit entre ce que vous croyez être et ce que vous êtes vraiment."

"Vous êtes responsable de votre bonheur. Vous seul et personne d’autre."


Site internet consacré à Svâmi Prajnânpad ici

samedi 13 janvier 2024

Etude d'après le portrait du Pape Innocent X de Vélasquez - Francis Bacon (1909-1992)

Francis Bacon, a 44 ans lorsqu’il peint "Etude d'après le portrait du Pape Innocent X de Vélasquez" (1953) pour la galerie des Beaux Arts de Londres. Cette oeuvre est un de ses tableaux les plus connus. Il y a travaillé longtemps: des tableaux de 1949 l’annonçaient déjà (Head), mais toutes ses premières études sur ce tableau (début des années 50) ont été retirées de la circulation, à chaque fois juste avant d’être exposées, montrant le rapport d’exigence que Bacon entretient avec sa peinture, n’hésitant pas à détruire une toile. 

Se targuant de peindre à l’aveugle ou à l’instinct, Bacon n’en a pas moins des objectifs précis. S’agissant de Etude d'après le portrait du Pape Innocent X de Vélasquez, il déclare avoir voulu peindre une tête comme si elle se repliait sur elle-même, à la façon des plis d’un rideau. Mais c’est un visage déformé, un vieil homme décharné, tout entier tendu dans un cri horrible qui apparaît d’abord au spectateur.


Étude d'après le portait du Pape Innocent X de Vélasquez,  Huile sur toile,(153x118cm), Des Moines Art Center, Iowa


Francis Bacon, né le 28 octobre 1909 à Dublin et décédé le 28 avril 1992 à Madrid, est un peintre Irlandais. Peintre de sujets religieux, de figures, de portraits, de nus, d'animaux, de paysages, etc., Bacon a travaillé avec la plupart des médiums : gouache, aquarelle, pastel, huile, techniques mixtes, mais aussi gravure, lithographie...

Enfant maladif, il est durement traité par son père et connaît une grave crise lorsqu’il révèle à sa famille son homosexualité. En 1925, alors qu'il n'a encore que 16 ans, il part s'installer à Londres en raison de la relation conflictuelle qu'il entretient avec son père. Il s'installe comme décorateur et designer.

A la suite de l'exposition de Pablo Picasso intitulée "Cent dessins par Picasso", à laquelle il assiste en 1927 à la galerie Rosenberg, Francis Bacon crée ses premiers dessins et aquarelles. En 1933, Francis Bacon peint l'une de ses premières "Crucifixion", qui attire l'attention d'Herbert Read, historien d'art.

En 1943 Francis Bacon est réformé de l'armée. Il détruit une grande partie de ses créations antérieures à 1944, année où il crée l'oeuvre qui marque le véritable début de sa carrière, un triptyque intitulé "Trois études pour des personnages au pied d'une crucifixion." Pour créer cette oeuvre, Bacon s'inspire de la "Crucifixion" que Picasso peint en 1930.

Le travail de Bacon n’est réellement reconnu qu’après la Seconde Guerre mondiale : ses oeuvres provoquent des réactions extrêmes, souvent d’intense répulsion, tant elles sont violentes et expressives. Ses tableaux, choquent. Ces corps ramassés à l'extrême, tordus et écrabouillés, musculeux, disloqués, ravagés, ces distorsions crispées, ces contractures paroxystiques, ces poses quasi acrobatiques, sont d'abord signes de fulgurances nerveuses et d'un emportement furieux, presque athlétique, plus somatiques que psychologiques de la mystérieuse animalité d'anthropoïde solitaire et désolée qui est en chaque homme.

Sa première exposition solo se déroule à la Hannover Gallery en 1949. A partir des années 1960, Bacon est rattaché, avec Lucian Freud, Frank Auerbach, Kossof, Andrews... à ce que l'on appelle l'"École de Londres". Bacon peint plusieurs triptyques emblématiques, dont Trois Figures dans une pièce en 1964. Après le suicide de son compagnon George Dyer en 1971, l’artiste réalise trois triptyques où il décrit de manière obsessionnelle la scène du drame. Il peint également de nombreux autoportraits.

En 1962, la Tate Gallery de Londres organise une exposition de l'oeuvre de Francis Bacon. Au long de sa carrière, Bacon affine son style, délaissant les images de violence crue de ses débuts pour préférer "peindre le cri plutôt que l'horreur", prônant que la violence doit résider dans la peinture elle-même, et non dans la scène qu'elle montre.

Il décède le 28 avril 1992 à Madrid, à la suite d'une pneumonie déclenchée par la maladie asthmatique dont il souffre depuis l'enfance.

Bacon est largement un artiste autodidacte. Parmi ses influences, on reconnaît non seulement Picasso mais aussi Vélasquez, Poussin ou encore Rembrandt. Au cours d'un entretien, il affirma que son influence du surréalisme ne provenait pas de la peinture mais des films de Luis Buñuel. Il fut aussi marqué profondèment par l'oeuvre de Eadweard Muybridge, une juxtaposition de photographies disséquant les mouvements d'êtres humains ou d'animaux.

Son thème de prédilection est la représentation du corps humain sous la forme de personnages écorchés, agités et déformés. Largement influencé par l’art classique, Francis Bacon bâtit une oeuvre violente et déchirante, triturant la figure humaine qu’il peint pourtant exclusivement, sans jamais chercher l’abstraction chère à son époque.


Citations de Francis Bacon

"Si on peut le dire, pourquoi s'embêter à le peindre?"

"Ce qui m'intéresse, c'est saisir dans l'apparence des êtres la mort qui travaille en eux."

"Je crois que l'homme aujourd'hui comprend qu'il est un accident, que son existence est futile et qu'il doit jouer un jeu insensé."

"Il est fréquent que la tension soit complètement changée rien que de la façon dont va un coup de pinceau. Il engendre une forme autre que la forme que vous êtes en train de faire, voilà pourquoi les tableaux seront toujours des échecs soumis au hasard et à la chance, à l’accident, à l’inconscient. Il s’agit alors de l’accepter ou de le refuser. Une nouvelle vérité, insoutenable, surgit : nous sommes libres."

"Les choses ne causent pas de choc tant qu'elles n'ont pas pris une forme mémorable. Sinon, c'est juste du sang qui éclabousse le mur. A force, si vous voyez la même chose deux ou trois fois, cela ne choque plus. Il faut que cela devienne une forme qui ait plus de force que du sang sur un mur. Alors les implications sont plus larges. Cela fait écho dans votre psyché, cela trouble le cycle vital individuel. Cela transforme votre atmosphère. Une grande partie de ce que l'on appelle de l'art, votre regard passe au travers. Cela peut être charmant ou joli, mais cela ne vous transforme pas"

"Il n'y a quelque chose de voulu qu'à partir du moment où se manifeste une chose inconsciente sur quoi la volonté peut s'imposer"

"Je ne décide pas que je vais faire un tableau dont le sujet serait la violence. Ce serait à mon point de vue gratuit et complaisant. De plus, je ne veux rien dire avec la peinture, et surtout pas faire de discours moralisateur. Il s'agit vraiment pour moi, quand j'affronte la peinture, de dresser un piège au moyen duquel je peux saisir un fait à son point le plus vivant"

"Le monde moderne est plein de clichés photographiques qui vous assaillent, télévision, presse, affiche. En fait, bien qu'on l'ait dit, le rôle de la photo dans mon travail n'est pas si important. Je me sers d'une photo pour faire un portrait, ainsi je suis plus tranquille. Mais c'est très peu, juste pour démarrer, après j'enlève, je soustrais, je décante, j'efface et il ne reste plus grand-chose"