mercredi 18 mai 2011

Femmes qui courent avec les loups - Clarissa Pinkola Estés (1945-)

Clarissa Pinkola Estés
Clarissa Pinkola Estés est née en 1945 aux États-Unis dans une famille d'origine hongroise. Elle est diplômée en ethnologie et en psychologie clinique. Elle est conteuse et psychanalyste. Elle a été élevée dans un petit village non loin des Grands Lacs. Une grande partie de son écriture est influencée par sa famille immigrante, ces fermiers, charrons, tisserands, bergers, tailleurs, ébénistes, dentelières, tricoteuses, cavaliers et cavalières du Vieux Pays  qui ne savaient à peine lire et écrire, mais qui se transmettaient une riche tradition orale.

Elle a été directrice de l'Institut C.G. Jung de Denver et est à l'origine de la création du concept de femme sauvage, un des archétypes féminins.

Ses écrits en psychologie s'intéressent aux problématiques féminines, et sont influencés par l'école jungienne. Ses écrits mettent en évidence le processus d'individuation et de connaissance de soi nécessaire à l'empowerment et au développement de toute femme. Sur le plan du féminisme, elle se situe ainsi dans un courant de conscientisation et de guérison, plutôt que de revendication. Ce positionnement est proche de l'auteure féministe et elle aussi jungienne Eliane Jung-Fliegans.

On lui doit plusieurs ouvrages, portant notamment sur les grands archétypes féminins qu'elle explore dans un livre intitulé Femmes qui courent avec les loups publié en 1992. Elle a aussi écrit Le Jardinier de l'Eden et Le Don de l'histoire.

Sa thèse de doctorat en psychologie et ethnologie clinique, porte sur l’étude des comportements sociaux, psychologiques et tribaux dans les groupes culturels. Elle vient parler régulièrement de ses travaux dans les universités. Elle est l’auteur de nombreux livres sur la vie et l’âme. Ses œuvres sont traduites en 39 langues dont le turc et le mandarin.

Elle a travaillé avec les familles de survivants de la tragédie de Columbine. Elle a œuvré aussi sur les sites de catastrophes naturelles, le développement de rétablissement après un traumatisme pour les survivants du séisme en Arménie.

Estés est rédacteur en chef pour TheModeratevoice.com, un blog de nouvelles et politique, où elle écrit aussi sur les questions de la culture, l'âme et la politique. Elle est également chroniqueur sur les questions de la spiritualité, de la justice sociale et de la culture dans sa colonne intitulée El Rio Debajo del Rio: "la rivière sous la rivière".

Son premier livre, Femmes qui courent avec les loups (Grasset, 1996), est une référence dans le monde entier. Elle a également publié Le jardinier de l'Eden (Grasset, 1998) et Le don de l'histoire (Grasset, 1999).


Femmes qui courent avec les loup

Le livre "Femmes qui courent avec les loups" nous propose une réflexion indispensable sur l’évolution contemporaine de l’identité féminine, dans ce qu’elle a de plus intime.


L'ouvrage se présente comme la succession de quelques contes de fées soigneusement analysés nous permettant de mieux comprendre les aspects de la femme et son cheminement.

L’écriture si particulière de Clarissa Pinkola Estés touche plusieurs niveaux de conscience, et offre ainsi une compréhension des interactions complexes entre les humains. Utile pour comprendre l'âme féminine, ce qui n'est pas toujours facile (et tant mieux!), mais aussi pour s'aider soi-même, car bien des recommandations peuvent être d'une grande utilité, que l'on soit homme ou femme.

Ce livre nous plonge dans nos affres intérieures mais aussi révèle la lumière qui se cache parfois bien profondément en nous. Il est un cri de rébellion contre le carcan social que la femme accepte bien trop facilement.

Ce carcan l’empêche de toucher son anima, sa force créatrice qui lui permet de se régénérer, de s’exprimer. Elle doit donc secouer ses chaînes quelles qu’elles soient pour ramener à la vie la femme sauvage qui est en elle, la femme qui sait et qui sait faire.


Extrait

"Bienvenue...
Entre, entre donc...

Je t'attendais... oui, toi et ton esprit ! Je suis heureuse que tu aies trouvé le chemin...

Viens, assieds-toi auprès de moi. Laissons un peu de côté "toutes ces choses qu'il nous reste à faire". Nous aurons le temps plus tard. Le jour lointain où nous nous présenterons à la porte du paradis, je t'assure qu'on ne nous demandera pas si nous avons bien manié le balai. On nous interrogera sur la profondeur de l'existence que nous aurons choisi de vivre plutôt que sur le nombre de " broutilles essentielles " par lesquelles nous nous serons laissé déborder.

Donc, pour le moment, autorisons-nous quelques calmes pensées avant de reparler du monde et de son tumulte... Installe-toi sur cette chaise. Elle me paraît convenir à ton corps précieux. Bien. Maintenant, prends une longue inspiration... Laisse tes épaules retomber, retrouver leur forme naturelle. N'est-ce pas agréable de respirer cet air pur, tout simplement ? Inspire encore. Voilà... Je t'attends... Tu vois ? Tu es plus calme, maintenant, plus présente.

J'ai allumé le feu juste pour nous ; il brûlera jusqu'au bout de la nuit, assez longtemps pour accompagner toutes les " histoires dans les histoires " à venir. Accorde-moi quelques instants, le temps de finir de nettoyer la table avec de la menthe fraîche. On va sortir le beau service et boire ce qui est réservé " aux grandes occasions ". Les "grandes occasions", ce sont en fait celles que l'âme préside. Tu as remarqué ? Cette tendance à trop vouloir "réserver", c'est la façon un peu grognon qu'a le moi de faire savoir que pour lui, l'âme ne mérite pas qu'on mette chaque jour les petits plats dans les grands. Eh bien si, elle le mérite.

Restons donc assises ensemble, comadre, rien que nous deux... et l'esprit qui se crée chaque fois que deux âmes, ou plus, se réunissent dans l'attention et le respect mutuels, chaque fois que deux femmes ou plus parlent " des sujets qui comptent vraiment ".

Ici, dans ce refuge à l'écart de tout, l'âme est autorisée... et encouragée à dire le fond de sa pensée. Ici, ton âme est en bonne compagnie. 

Ici, à la différence du monde extérieur, ton âme est en sécurité. Détends-toi, comadre, ton âme est en sécurité. Si tu es venue me voir, c'est peut-être parce que tu souhaites vivre de manière à connaître le bonheur d'" être jeune dans la vieillesse et vieille dans la jeunesse ", comme je le dis, c'est-à-dire à avoir en toi un bel ensemble de paradoxes maintenus dans un équilibre parfait. N'oublie pas que le terme paradoxe est à prendre au sens d'idée contraire au sens commun. Cela s'applique à la grand-mère, la gran madre, la plus grande des femmes, car elle est en train de devenir une femme sage, qui assure la cohésion des capacités de la psyché profonde, illogiques en apparence, mais fondamentalement empreintes de grandeur.

Ces grands attributs paradoxaux sont, globalement: posséder la sagesse tout en cherchant sans cesse à apprendre ; être à la fois spontanée et fiable; follement créative et constante; audacieuse et vigilante; entretenir la tradition et posséder une authentique originalité. Tu verras, je l'espère, que tu possèdes dans une certaine mesure tous ces attributs, que ce soit en puissance, en partie ou intégralement.

Si tu es intéressée par ces contradictions divines, tu es intéressée par l'archétype mystérieux et fascinant de la femme sage, dont la grand-mère est l'une des représentations symboliques. L'archétype de la femme sage appartient aux femmes de tout âge et il se manifeste de manière unique, sous des formes particulières, dans la vie de chacune d'entre elles.

Parler de l'imago profonde de la grand(e) mère en tant que l'un des aspects majeurs de l'archétype de la femme sage n'est pas parler de l'âge chronologique ou d'une étape de la vie féminine. Une grande perspicacité, une grande prescience, une grande paix, une grande expansivité, une grande sensualité, une grande créativité, une grande acuité et une grande audace dans l'acquisition des connaissances, c'est-à-dire ce qui fait la sagesse, n'arrive pas d'un coup, à un certain âge, et ne vient pas se poser comme un manteau sur les épaules d'une femme.

Une grande clarté de l'esprit et de la perception, l'amour dans ce qu'il a de plus grand, une grande connaissance de soi, ample et profonde, la sagesse qui croît en finesse au fur et à mesure qu'on l'applique... tout cela constitue toujours " une œuvre en cours " quel que soit le nombre des années. Souvent, c'est à travers les accidents de la vie, envols de l'esprit, erreurs de parcours et nouveaux départs qui interviennent à mi-parcours, ou plus tôt, ou plus tard, que l'on construit la " grandeur ", par rapport au simple " ordinaire ". Ce qui est récolté après la catastrophe ou la bonne fortune... l'esprit, le cœur, le mental et l'âme de la femme le forment, puis le mettent en pratique... jusqu'à ce qu'elle ne soit pas seulement compétente à sa manière paradoxalement sage... mais souvent aussi maîtresse de sa façon de vivre, de voir et d'exister.

Aimer, cela veut dire rester avec. Cela veut dire émerger d'un monde de fantasmes pour entrer dans un univers où un amour durable est possible, face contre face, os contre os. "


Citations de Clarissa Pinkola Estès 

"C'est le besoin de forcer l'amour à se perpétuer uniquement dans sa forme la plus positive qui finit par provoquer la mort de l'amour. "

"Les amants qui persistent à tenter de maintenir les choses à un sommet éblouissant passeront le reste de leur existence dans une relation chaque jour plus ossifiée. "

"Chaque arbre possède sous la terre une version première de lui-même. L'arbre vénérable abrite un 'arbre caché' souterrain, constitué par un  réseau de racines vitales qui s'abreuvent en permanence à des eaux invisibles. A partir de ces racines, l'âme cachée de l'arbre fait monter l'énergie afin que sa vraie nature, sage et audacieuse, puisse s'épanouir au-dessus du sol. Il en va de même avec l'existence d'une femme. Malingre ou flamboyante, [... ], les loups, même malades, même acculés, même seuls ou effrayés, vont de l’avant. […] Ils donneront toutes leurs forces pour se traîner si nécessaire d’un endroit à l’autre, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé un bon endroit pour guérir et pour revivre. La nature sauvage va de l’avant. Elle persévère."

  

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