jeudi 19 mai 2011

Le visage humain - Edouard Chimot (1880-1959)

Édouard Chimot (26 novembre 1880 - 7 juin 1959) est un artiste français, peintre, illustrateur, graveur et directeur artistique dont la carrière a atteint sa consécration dans les années 1920 à Paris, en publiant une trentaine d'ouvrages aux Éditions d'Art Devambez. En tant qu'artiste son œuvre occupe une place remarquable, mais c'est comme directeur artistique que son travail prit toute sa dimension, faisant collaborer ensemble des talents exceptionnels au moment de la période Art Nouveau.

Le visage humain - Edouard Chimot (1921)


Né à Lille, Chimot étudie sous la direction de "Pharaon de Winter" aux Beaux-Arts de Lille puis sous celle de Jean-Baptiste Levert et d'Alexis Mossa à l'École des Arts décoratifs de Nice où il apprend véritablement le dessin. Le début de sa carrière n'est pas très précis. Il semble qu'il ait exposé pour la première fois en 1912, assez tard à l'âge de trente-deux ans, à l'approche de la Première Guerre mondiale, ce qui causa une cassure dans sa carrière. Ce n'est qu'à trente-neuf ans que Chimot marqua la scène artistique parisienne.

Le début tardif de la carrière de Chimot pourrait être dû au fait qu'il suivit une formation d'architecte. La seule preuve qui permette d'émettre cette hypothèse se trouve dans le guide Fodor, qui crédite Chimot de l'architecture en 1903 de la Villa Lysis à Capri, pour le Baron Jacques d'Adelswärd-Fersen. Puis Chimot, vient à Paris où il effectue différents métiers pour gagner sa vie tout en se consacrant la nuit au dessin.C'est alors qu'il songe à graver ses dessins. À cet effet, il achète une presse et tout seul apprend la gravure dans ses rares heures de liberté.

Dans les années précédant la Grande Guerre, il habite un atelier à Montmartre. De jeunes et jolies femmes commencent à lui servir de modèle. En 1912, sa première exposition de dessins, gravures et monotypes est couronnée de succès. Il décide de publier un premier ouvrage avec les textes de René Baudu à tirage limité intitulé Les Après-midi de Montmartre avec ses dessins qu'André Warnod nomme ses “petites filles perdues”. Puis vient la Guerre durant laquelle Édouard Chimot fut mobilisé durant près de cinq ans.

Après la Première Guerre Mondiale, Chimot loue l'atelier d'Auguste Renoir, Boulevard de Rochechouart. Son premier livre illustré "La Montée aux enfers" le lance et lui permet d'achever l'ouvrage Les Après-midi de Montmartre. Ils furent publiés en 1919, suivirent "Les Soirs d’opium" par Maurice Magre, "Le Fou" par Aurele Partorni, "L’Enfer" par Henri Barbusse, "La Petite Jeanne pâle" par Jean de Tinan et Mouki le "Delaissé" par André Cuel, tous illustrés avec des dessins originaux de 1920 à 1922. En 1921, Chimot collabore à "La Roseraie": Revue des Arts et des Lettres, publiée par Roger Lacourière (1892-1966) graveur en taille douce et fondateur de la maison d'édition La Roseraie sous la Direction Artistique de Chimot. Un seul numéro paraîtra. Carco, Dignimont, Chas Laborde, Martin, Daragnès, Falké, Drian, Vertès et bien d’autres, qui tous s’emparaient d’un coin de table pour travailler, fréquentaient les ateliers de La Roseraie. Mac Orlan, en 1927, rédige l'introduction du Catalogue des éditions de La Roseraie. Le directeur de la Roseraie, Roger Lacourière, graveur et fils de graveur, fonda sa firme en 1919. Il avait débuté en gravant et tirant des estampes pour d'autres. L'un des premiers livres édités par la Roseraie, après les Contes de Perrault, de Drian, fut le grand livre de Daragnès, Faust, auquel Mac Orlan fut associé car il en écrivit la préface.

La consécration de Chimot fut son rôle de Directeur Artistique de Les Éditions d’Art Devambez. De 1923 à 1931, de son atelier de la rue Ampère, il supervise l'édition de livres d'art illustrés par des artistes comme Pierre Brissaud, Edgar Chahine, Alméry Lobel-Riche, et Tsugouharu Foujita. Cependant, il se réserva des textes d'exceptions pour les illustrer: Les Chansons de Bilitis de Pierre Louÿs (1925), Les Belles de nuit de Maurice Magre (1927), et enfin Parallèlement de Paul Verlaine (1931).

Pour célébrer la femme, Chimot, va s'inspirer d'œuvres littéraires réalistes ou sulfureuses qui répondent à ses propres aspirations. Leurs poèmes ou leurs textes l'inspirent car ils exaltent la séduction féminine, la passion absolue, le désir exacerbé, il s'y mêle érotisme, beauté sublimée, rêverie, fantasmes, plaisir, triomphe, mais aussi souffrances et humiliations. Derrière l'amour subi ou consenti, il y a une course effrénée à l'oubli. Chimot va devenir le chantre visuel insatiable de la Beauté, de la Volupté et de la Mort.

Dans les années 1920, Édouard Chimot participa à deux films, L’Ornière (1924, aussi connu sous le titre de Micheline Horn et de Sur le Chemin de Vrai) puis Survivre (date inconnue). Durant cette période, Chimot crée non seulement des alliances artistiques mais aussi des alliances littéraires avec le Surréaliste Gilbert Lely, qui dédia sa première publication Ne tue ton père qu’à bon escient à Chimot en 1929. Le 23 octobre de cette année, Édouard Chimot, à l'âge de 49 ans,  était une figure incontournable du monde de l'Art, un éditeur généreux avec ses artistes, et lui-même un artiste dont le public admirait les nus symbolistes, “soumises à leurs passions mortelles et délicieuses”, comme l'écrivit André Warnod.

La Mort - Edouard Chimot (1921)

Arriva le krach de Wall Street et la crise de 1929, qui mit fin aux commandes des livres d'art à tirage limité. Quand les derniers livres en production chez Devambez, dont l'édition de Chimot Parallèlement, publié en 1931, une page se tourna. Cette année une monographie de Chimot fut publiée par Maurice Rat avec une préface de Maurice Magre, dans la série Les Artistes du livre, mettant un point final aux glorieuses années d'Édouard Chimot.

Les trente dernières années du travail de Chimot font ressortir un sentiment de tristesse bien que du fait de son exceptionnel talent des moments de grâce et de génie éclairent cette période. Dans la dernière année de sa vie parut une collection de 16  nus féminins, Les Belles que voilà : mes modèles de Montmartre à Séville, qu'il considère comme une sélection de son œuvre et sa relation avec la beauté féminine. En 1926 dans un article de L’Ami du Lettré, Chimot écrivit: “J’ai choisi la femme comme sujet préféré, puis unique de mon œuvre. Je recherche un modèle au corps élégant et mince avec le côté moderne, un peu androgyne. Je fais beaucoup de dessins dans l’ambiance du texte, puis je choisis parmi eux. La gravure devient une traduction libre de mon dessin. Il me faut de deux à quatre semaines pour une gravure. Je ne fais que de l’eau-forte.

Chimot tomba amoureux de l'Espagne lors de ses recherches pour  l'ouvrage "La Femme et le Pantin" de Pierre Louÿs en 1928. En 1938, lui et sa femme Loulou trouvèrent refuge au moment de la guerre dans leur maison de vacances qu'ils avaient achetée à Barcelone. À compter de ce moment, les ouvrages furent publiés à Barcelone le plus souvent pour illustrer des textes en espagnol.

Chimot meurt à Paris en 1959.

Les danseuses nues, Extrait du "Souper de Daphné", Aquatinte originale, 28x22 cm

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire