Notre époque parle beaucoup de tolérance. A l'initiative de l'UNESCO, l’année 1995 fut proclamée « Année des Nations Unies pour la tolérance ». Depuis, chaque année, le 16 novembre, les états membres sont invités à célébrer la journée internationale de la tolérance.
Ouf, nous voilà tranquillisés, la tolérance vient de rejoindre la longue liste des causes jugées suffisamment importantes pour que l’on choisisse d’ouvrir et de médiatiser le débat une fois par an. Tant pis pour les trois cent soixante quatre autres jours…
Les optimistes m’opposeront la valeur symbolique de cette journée, et me rappelleront que la tolérance est une valeur républicaine, garantie par une autorité et solidement enracinée dans les mœurs.
Comme je souhaiterais qu’il en fût réellement ainsi !
Toutefois, l'observation de notre monde n'incite guère à l'optimisme. La folie meurtrière du fanatisme est une constante présente tout au long de l’histoire de l’humanité. Nos sociétés modernes, en apparence pacifiées, gardent en elles le germe latent de l’intolérance et du rejet de l’autre. Songeons à ce qu'a de potentiellement dangereux l’extrême droite, les sectes, le communautarisme, l'intégrisme religieux, la difficulté de notre société à relever le défi du pluralisme culturel…
Que faire face à ce constat ? Comment faire passer l’idée de Tolérance d’un statut de discours incantatoire à une réalité fraternelle ? Attardons nous sur ce que la tolérance n’est pas, pour dissiper les confusions.
Tolérance et impuissance
Sade, dans « La Nouvelle Justine » affirme que « la tolérance est la vertu des faibles. »
La tolérance est elle une faiblesse ?
Tolérance vient du latin tolero endurer ; supporter ; souffrir patiemment.
Emil Cioran, philosophe et écrivain roumain, réputé pour son scepticisme et son pessimisme percutant écrit dans Histoire et Utopie: « Les libertés ne prospèrent que dans un corps social malade: tolérance et impuissance sont synonymes».
Sans aller jusqu’à cette extrémité, force est de constater que lorsque l’on n’a pas le pouvoir d’empêcher ce que l’on n’approuve pas, faire acte de tolérance revient à prendre acte de sa faiblesse et de son impuissance.
L’absence de choix et la soumission sous la contrainte, ne sont pas faire acte de tolérance. On ne peut être tolérant qu’avec ce qu’on a le pouvoir (d’essayer) d’empêcher ou tout au moins de refuser.
Pour qu’il y ait tolérance, il faut qu’il y ait possibilité de choix et capacité d’agir.
Tolérance et indulgence
L’indulgence (du latin indulgere, «accorder »), est la facilité à excuser ou à pardonner les fautes d'autrui. De par son étymologie même, l’indulgence propose une situation dominant / dominé.
Elle induit un jugement de valeur sur l’acte d’excuser et pose celui qui accorde le pardon dans une position de condescendance. La plus belle illustration de ce rapport dominant / dominé est le principe des indulgences de l'Église catholique romaine, rémissions totales ou partielles devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d'un péché déjà pardonné.
Tolérance et permissivité
Le néologisme « permissivité » caractérise une attitude, souvent parentale, qui tolère et encourage une grande liberté dans l'activité et le comportement, ainsi que dans le choix des valeurs. La thèse fondamentale en la matière est que l'individu a plus de chance de s'épanouir lorsque l'approche expérimentale du monde est laissée à son initiative.
Beaucoup se souviendront des revendications libertaires illustrées par le slogan « Il est interdit d'interdire » lors de la grande rébellion culturelle et sociale de Mai 1968.
En tout état de cause, cette propension à permettre sans condition va beaucoup plus loin que la tolérance et me semble mettre le poids de manière exagérée sur le LIBERTE de notre devise républicaine.
Impuissance, permissivité et indulgence n’ont rien à voir avec la tolérance.
Ouf, nous voilà tranquillisés, la tolérance vient de rejoindre la longue liste des causes jugées suffisamment importantes pour que l’on choisisse d’ouvrir et de médiatiser le débat une fois par an. Tant pis pour les trois cent soixante quatre autres jours…
Les optimistes m’opposeront la valeur symbolique de cette journée, et me rappelleront que la tolérance est une valeur républicaine, garantie par une autorité et solidement enracinée dans les mœurs.
Comme je souhaiterais qu’il en fût réellement ainsi !
Toutefois, l'observation de notre monde n'incite guère à l'optimisme. La folie meurtrière du fanatisme est une constante présente tout au long de l’histoire de l’humanité. Nos sociétés modernes, en apparence pacifiées, gardent en elles le germe latent de l’intolérance et du rejet de l’autre. Songeons à ce qu'a de potentiellement dangereux l’extrême droite, les sectes, le communautarisme, l'intégrisme religieux, la difficulté de notre société à relever le défi du pluralisme culturel…
Que faire face à ce constat ? Comment faire passer l’idée de Tolérance d’un statut de discours incantatoire à une réalité fraternelle ? Attardons nous sur ce que la tolérance n’est pas, pour dissiper les confusions.
Tolérance et impuissance
Sade, dans « La Nouvelle Justine » affirme que « la tolérance est la vertu des faibles. »
La tolérance est elle une faiblesse ?
Tolérance vient du latin tolero endurer ; supporter ; souffrir patiemment.
Emil Cioran, philosophe et écrivain roumain, réputé pour son scepticisme et son pessimisme percutant écrit dans Histoire et Utopie: « Les libertés ne prospèrent que dans un corps social malade: tolérance et impuissance sont synonymes».
Sans aller jusqu’à cette extrémité, force est de constater que lorsque l’on n’a pas le pouvoir d’empêcher ce que l’on n’approuve pas, faire acte de tolérance revient à prendre acte de sa faiblesse et de son impuissance.
L’absence de choix et la soumission sous la contrainte, ne sont pas faire acte de tolérance. On ne peut être tolérant qu’avec ce qu’on a le pouvoir (d’essayer) d’empêcher ou tout au moins de refuser.
Pour qu’il y ait tolérance, il faut qu’il y ait possibilité de choix et capacité d’agir.
Tolérance et indulgence
L’indulgence (du latin indulgere, «accorder »), est la facilité à excuser ou à pardonner les fautes d'autrui. De par son étymologie même, l’indulgence propose une situation dominant / dominé.
Elle induit un jugement de valeur sur l’acte d’excuser et pose celui qui accorde le pardon dans une position de condescendance. La plus belle illustration de ce rapport dominant / dominé est le principe des indulgences de l'Église catholique romaine, rémissions totales ou partielles devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d'un péché déjà pardonné.
Tolérance et permissivité
Le néologisme « permissivité » caractérise une attitude, souvent parentale, qui tolère et encourage une grande liberté dans l'activité et le comportement, ainsi que dans le choix des valeurs. La thèse fondamentale en la matière est que l'individu a plus de chance de s'épanouir lorsque l'approche expérimentale du monde est laissée à son initiative.
Beaucoup se souviendront des revendications libertaires illustrées par le slogan « Il est interdit d'interdire » lors de la grande rébellion culturelle et sociale de Mai 1968.
En tout état de cause, cette propension à permettre sans condition va beaucoup plus loin que la tolérance et me semble mettre le poids de manière exagérée sur le LIBERTE de notre devise républicaine.
Impuissance, permissivité et indulgence n’ont rien à voir avec la tolérance.
La tolérance peut être une forme inavouée de l'intolérance.
Les grandes âmes de ce monde, celles qui sont grandes par leur sagesse, qui sont sévères pour elles mêmes et indulgentes avec les autres peuvent aussi parfois être grandes par leur égo. Il faut nous garder de tout narcissisme et éviter d’inconsciemment entretenir chez les autres les vices qu'on s’interdit à soi-même.
De manière générale, quand une institution offre à sa bonne conscience le luxe d’admettre l’existence de celui qui ne menace pas l’exercice de sa domination, elle fait preuve d’une intolérance foncièrement hypocrite.
Prenons l’exemple des groupes hétérosexuels et homosexuels. Notre société ne fait que tolérer une autre manière de vivre la relation amoureuse. Le débat sur les mariages homosexuels, leurs droits à l’adoption, les pactes civils de solidarité sont autant d’exemples frappant. La société ne reconnaît pas pleinement les mêmes droits aux homosexuels. La ou certains voient de la générosité, et des avancées sociales, peut être devrions nous voir encore et toujours de l’intolérance sous une forme politiquement correcte.
Dans cette situation, on ne reconnaît pas à l'autre un droit égal à adhérer à d'autres contenus de pensée ou de comportement et on prétend lui accorder comme une faveur, une grâce, un privilège ce qu'il ne peut donc revendiquer comme un droit. Alors qu’un droit est inaliénable, un privilège se retire sans sommation.
On voit que lorsqu’on on revendique pour soi la « rectitude » en matière de croyance ou de comportement, et qu’on tolère la « dissidence » de l'autre, on est en plein comportement dogmatique. Pour rappel, un dogme est une affirmation considérée comme fondamentale, incontestable et intangible par une autorité politique, philosophique ou religieuse.
Il y a ainsi dans cette tolérance une dissymétrie des positions entre celui qui concède et celui qui bénéficie de cette concession. Il n’y a pas égalité de droits entre les deux parties. L'une est dans une position de supériorité, l'autre dans une position d'infériorité.
Remarquons pour conclure que ce sont toujours les groupes dominants, majoritaires qui tolèrent en ce sens. La question ne se pose pas pour les minorités.
Quitter l’indifférence pour aller vers la tolérance.
Il est malheureux de constater que dans notre société règne une certaine indifférence idéologique. Notre société est majoritairement devenue allergique à l’effort, qu’il soit physique ou intellectuel. Replié sur des préoccupations privées et des valeurs hédonistes, les gens sont passés d’un statut de citoyen à un statut de consommateur spectateur.
Fini les grands débats idéologiques médiatisés. Trop risqué pour l’image des hommes politiques. S’enflammer, c’est prendre le risque de s’écarter des sentiers convenus, c’est prendre le risque de déplaire…
La presse joue elle encore son rôle de quatrième pouvoir, alors que l’audience ou le tirage dicte ses lois ? Allons plus loin, est ce son rôle ? Dans ce monde ou règne la matière, les hommes doivent-ils compter sur d’autres qu’eux même pour faire ce travail d’analyse?
Il faut du discernement pour quitter l’indifférence
L’affaiblissement du sens des valeurs conduit petit à petit à croire que toutes les idées sont interchangeables, que toutes les opinions se valent. Il devient donc inutile d'apprendre à discerner le vrai du faux. Et la spirale d’indifférence idéologique s’installe, avec son cortège de consensus financiers et de protestations molles.
Sans la volonté de quitter l’indifférence, la prétention à la tolérance est dénuée de sens. Si tout est indifférent, il n'y a rien à tolérer. Si l’on n’a pas de valeurs fermes, si on ne se les connait pas, comment être capable de faire l'effort d'admettre des conduites ou des convictions différentes des siennes ?
La tolérance implique l'idée d'une acceptation et celle d'une réprobation, elle nécessite un sens aigu de la frontière séparant le tolérable de l'intolérable.
Il faut du courage pour quitter l’indifférence
Nous l’avons évoqué, quitter l’indifférence passe par un travail de séparation entre ce qui doit faire l’objet de tolérance et ce qui ne doit en aucun cas être toléré.
Au niveau moral, aucune attitude s'accommodant du mal fait à autrui ne peut être légitimée. La tolérance au racisme, à la violence, au crime, à l'injustice criante, est une absence de sens moral et de sens des responsabilités.
« Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse. »
Cette maxime est souvent appelée la « Règle d'or ». On la retrouve sous des formulations voisines dans la plupart des religions, philosophies ou cultures du monde. C'est la barrière que la morale dresse contre l'égoïsme et contre ceux qui pensent ne pouvoir réaliser pleinement leur liberté qu'en piétinant celle des autres.
Au niveau politique, ne pas combattre fermement les ennemis de la tolérance, surtout s'ils sont en mesure de conquérir le pouvoir, relève de l’inconséquence et d’un cruel manque d’instinct de survie. En 1938, les accords de Munich signés avec l’Allemagne nazie évoquèrent à Winston Churchill ces mots historiques : «Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre.»
Ne pas tolérer c'est toujours prendre parti, s'engager, combattre ce que l'on condamne. Cela ne va pas sans prise de risque.
Ne pas tolérer la délinquance c'est, parfois se mettre en danger. Nous connaissons tous l’omerta, la loi du silence imposée par la Mafia, sous peine de représailles sanglantes. L’assassinat en 1992 des magistrats Falcone et Borsellino est l’illustration de cette sinistre réalité.
Ne pas tolérer l'intégrisme religieux, c'est pour, les intellectuels prendre le risque de se faire assassiner par des fanatiques. Souvenons nous de Sir Ahmed Salman Rushdi, écrivain britannique d'origine indienne qui, par ses ouvrages, est devenu un symbole de la lutte pour la liberté d'expression et contre l'obscurantisme religieux et, par la même, a fait et fait toujours l’objet d'une fatwa de l'ayatollah Khomeini.
S’engager et lutter contre l’intolérable demande du courage or le courage n'est pas la chose du monde la mieux partagée. Beaucoup ferment les yeux, et restent indifférents par peur, pour ne pas s'exposer aux dangers qu'implique un tel combat.
Si l'indifférence est indolore, la tolérance implique toujours quelque effort. Tolérer c'est supporter, endurer ce à quoi on ne consent pas de bonne grâce. Il y a toujours l'idée d'une attitude n'allant pas de soi, requérant un travail de soi sur soi, d’une résistance à surmonter.
L’affaiblissement du sens des valeurs conduit petit à petit à croire que toutes les idées sont interchangeables, que toutes les opinions se valent. Il devient donc inutile d'apprendre à discerner le vrai du faux. Et la spirale d’indifférence idéologique s’installe, avec son cortège de consensus financiers et de protestations molles.
Sans la volonté de quitter l’indifférence, la prétention à la tolérance est dénuée de sens. Si tout est indifférent, il n'y a rien à tolérer. Si l’on n’a pas de valeurs fermes, si on ne se les connait pas, comment être capable de faire l'effort d'admettre des conduites ou des convictions différentes des siennes ?
La tolérance implique l'idée d'une acceptation et celle d'une réprobation, elle nécessite un sens aigu de la frontière séparant le tolérable de l'intolérable.
Il faut du courage pour quitter l’indifférence
Nous l’avons évoqué, quitter l’indifférence passe par un travail de séparation entre ce qui doit faire l’objet de tolérance et ce qui ne doit en aucun cas être toléré.
Au niveau moral, aucune attitude s'accommodant du mal fait à autrui ne peut être légitimée. La tolérance au racisme, à la violence, au crime, à l'injustice criante, est une absence de sens moral et de sens des responsabilités.
« Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse. »
Cette maxime est souvent appelée la « Règle d'or ». On la retrouve sous des formulations voisines dans la plupart des religions, philosophies ou cultures du monde. C'est la barrière que la morale dresse contre l'égoïsme et contre ceux qui pensent ne pouvoir réaliser pleinement leur liberté qu'en piétinant celle des autres.
Au niveau politique, ne pas combattre fermement les ennemis de la tolérance, surtout s'ils sont en mesure de conquérir le pouvoir, relève de l’inconséquence et d’un cruel manque d’instinct de survie. En 1938, les accords de Munich signés avec l’Allemagne nazie évoquèrent à Winston Churchill ces mots historiques : «Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre.»
Ne pas tolérer c'est toujours prendre parti, s'engager, combattre ce que l'on condamne. Cela ne va pas sans prise de risque.
Ne pas tolérer la délinquance c'est, parfois se mettre en danger. Nous connaissons tous l’omerta, la loi du silence imposée par la Mafia, sous peine de représailles sanglantes. L’assassinat en 1992 des magistrats Falcone et Borsellino est l’illustration de cette sinistre réalité.
Ne pas tolérer l'intégrisme religieux, c'est pour, les intellectuels prendre le risque de se faire assassiner par des fanatiques. Souvenons nous de Sir Ahmed Salman Rushdi, écrivain britannique d'origine indienne qui, par ses ouvrages, est devenu un symbole de la lutte pour la liberté d'expression et contre l'obscurantisme religieux et, par la même, a fait et fait toujours l’objet d'une fatwa de l'ayatollah Khomeini.
S’engager et lutter contre l’intolérable demande du courage or le courage n'est pas la chose du monde la mieux partagée. Beaucoup ferment les yeux, et restent indifférents par peur, pour ne pas s'exposer aux dangers qu'implique un tel combat.
Si l'indifférence est indolore, la tolérance implique toujours quelque effort. Tolérer c'est supporter, endurer ce à quoi on ne consent pas de bonne grâce. Il y a toujours l'idée d'une attitude n'allant pas de soi, requérant un travail de soi sur soi, d’une résistance à surmonter.
Télé Gohelle web - Café philo "la tolérance"
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