L’homme, interprète passionné du monde
Jean-Didier Vincent, neurobiologiste, professeur à la faculté de médecine de Paris-Sud et directeur de l’institut de neurobiologie Alfred-Fessard du CNRS.
L’homme est un animal qui se prend pour un homme. L’homme se nourrit de l’homme. Il ne peut être homme que parce qu’il y a l’autre, les autres hommes, voire l’autre de l’autre, le grand Autre, c'est-à-dire Dieu. C’est la grande différence entre l’homme et l’animal.
La reconnaissance entre les hommes se fait principalement dans le « partage » émotionnel et cognitif. Rousseau parle de pénétration réciproque. Chez les primates, la taille des groupes est liée à leurs capacités d’échanges affectifs. Alors que chez les singes, ces échanges affectifs s’appellent le grooming (épouillage, léchage, etc.), l’homme quand a lui utilise le langage.
Grâce au langage, outil hyper perfectionné pour manipuler les autres, avec du symbolique, l’Homme se socialise. Chez les humains, le chef est d’abord celui qui parle. L’homme parle pour convaincre les autres. La société humaine est fondée essentiellement sur des liens entretenus par le langage.
On a souvent dit que la culture est le propre de l’homme, mais la transmission sociale existe aussi chez les singes. Simplement chez l’homme le phénomène est extraordinairement amplifié.
L’homme est le plus individualiste de tous les animaux. Un individu social extrême. Il est le produit de sa propre histoire, c’est un individu singulier qui vit avec les autres.
L’homme est un autre pour soi. Il a la possibilité de vivre l’acte de l’autre. Il partage des représentations et met en commun avec les autres hommes des émotions fondamentales comme le désir, le plaisir, la souffrance.
L’homme se construit sur l’affect, le partage et échange avec l’affect de l’autre, suivant le principe d’une mise en réseau. Il constitue et appartient à une société basée sur l’affect.
L’homme c’est l’altérité. La première altérité, c’est le face à face homme-femme. Le corps de la femme est devenu (mais cela remonte à la préhistoire) un pur objet érotique. Dans le couple humain, il y en a donc un qui s’offre en permanence au désir de l’autre. Vivre en société implique obligatoirement d’introduire un ordre, sans lequel tout le monde forniquerait avec tout le monde.
L’une des origines du développement de la culture, dont l’outil principal est le langage, est le sexe. L’homme et la femme doivent tempérer leurs désirs, d’où les tabous de l’inceste, d’où les interdictions sociales qui sont essentiellement d’ordre sexuel, et le pouvoir exorbitant, monstrueux, de l’homme, le guerrier qui fait saigner les autres, alors que la femme saigne. C’est de l’ordre du sexuel.
Qu’est ce que l’homme ? Un sexe avec un gros cerveau !
A delà de cette caricature, le cerveau de l’être humain pèse 1,5 kg et joue un rôle prépondérant. Il faut à peu près 16 ans pour que le cerveau se construise, période pendant laquelle il fabrique massivement des neurones et des synapses. Toutefois, le cerveau continue à fabriquer des neurones jusqu’à 70 à 80 ans. Ainsi l’homme construit son monde, mais aussi celui des autres et se dote de représentations.
L’évolution de la taille de notre cerveau est probablement un « miracle » de la sélection génétique qui a fait qu’à un moment de l’évolution, quelques gènes se sont exprimés la où ils ne devaient pas l’être. Les aires associatives du cerveau se sont hypertrophiées, et sont devenu fonctionnelles.
Toutefois, en contrepoids de ce qui vient d’être dit, le poids du cerveau est loin de tout expliquer. Un homme aphasique, totalement paralysé, qui a perdu plus d’un quart de son cerveau n’en demeure pas moins un homme…
Il y a donc, dans ce qui caractérise l’homme, un produit de l’évolution de ses gènes, mais il y a aussi autre chose qui est de l’ordre du mystère, qui se passe au niveau de la psyché, de l’âme.
L’âme, est l’organe le plus résistant de l’animal humain, résistant à l’excès de haine, ou a l’excès d’amour.
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