vendredi 12 avril 2019

Théodore Monod (1902-2000)

Théodore Monod - 1994
Théodore Monod est né le 9 avril 1902 à Rouen et mort le 22 novembre 2000 à Versailles. Il est le troisième fils de Wilfried Monod, pasteur et théologien protestant. Au cours de son enfance, Monod se passionne pour tout ce que la nature offre, lisant insatiablement et alimentant ses rêves de découvertes. Après des études de sciences naturelles et une mission océanographique, il entre au Muséum d’Histoire Naturelle dés 1922 comme assistant puis y soutient sa thèse en 1926. Il découvre le continent africain grâce à deux missions de recherche, puis parcourt le Sahara occidental pendant plus d'un an : le zoologiste devient géologue, botaniste, archéologue, préhistorien...

En 1930, son service militaire le mène au Sahara algérien : ses recherches sont définitivement orientées vers une région du monde dont il est devenu un éminent spécialiste. En 1934, il part pour Chinguetti à la recherche d’une mystérieuse météorite (qui sera également une des quêtes de la fin de sa vie). Il part aussi pour explorer le Tanezrouft, une zone encore inconnue du Sahara.

En 1938, il s’installe avec sa famille à Dakar, où il est mobilisé en 1939 au Tchad. De retour à Dakar, il milite contre la collaboration de Vichy et le racisme nazi au travers de chroniques radiophoniques, d'octobre 1940 à octobre 1941. Ces chroniques à Radio-Dakar ont été rassemblées en 1942 dans un recueil intitulé  "L'Hippopotame et le Philosophe". Il y défend des positions fermement antiracistes, pacifistes et écologistes, qui seront censurées par le gouvernement de Vichy. Il anime un groupe lié à la France libre et accueille De Gaulle en 1944. Mais son père, resté en France, meurt à la même époque et toute la famille de sa femme est déportée : il n’y aura aucun survivant.

Sous son impulsion, l'Institut français d'Afrique noire devient un très grand centre scientifique. Se contentant de peu pour survivre, doté d’une endurance exceptionnelle, il parcourt de nombreuses fois le désert dans les années 1950-1960. Sa particularité est de faire de nombreuses expéditions non pas en dromadaire, mais à pied. En 1954, il parcourt en Mauritanie et au Mali, 900 km sans point d’eau. Il poursuit aussi ses recherches sur la faune marine : il est nommé directeur du laboratoire des pêches d'outre-mer au Muséum en 1942 puis élu à l'Académie des sciences en 1963. Considéré par ses pairs comme un des meilleurs spécialistes de poissons et de crustacés.

Il devient au fil du temps "le grand spécialiste français des déserts", "l'un des plus grands spécialistes du Sahara au XXe siècle" et  bon nombre de ses 1 200 publications sont considérées comme des œuvres de référence.

Sahara

Dans les années 1960, toujours fidèle à ses engagements, il manifeste contre la guerre d’Algérie. Ensuite, tout en se consacrant toujours à ses travaux et ses voyages, chaque année, devant la base militaire de Taverny, entre le 6 et le 9 août (les dates anniversaires des bombardements nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki), il jeûne, en protestation contre l’arme nucléaire.

Travailleur de la science et de la nature pendant plus de 70 ans, il atteint une brusque et tardive notoriété au début des années 1990, à la suite d’un reportage télévisé qui lui était consacré en 1993.

Il participe à une expédition au Yémen, et voit le Sahara pour la dernière fois, avant de devenir aveugle en 1996, à 94 ans.

Il a consacré la fin de sa vie à mettre en accord sa foi chrétienne et son combat humaniste pour la dignité humaine. Comme l’écrit Roger Cans : "On le voyait marcher au premier rang des manifestants qui protestaient contre la bombe atomique, l'apartheid, l'exclusion. Il militait contre tout ce qui, selon lui, menace ou dégrade l'homme : la guerre, la corrida, la chasse, l'alcool, le tabac, la violence faite aux humbles. Son credo : le respect de la vie sous toutes ses formes." Théodore Monod fut aussi le président du comité scientifique ProAnima, qui milite pour une science avec conscience, contre l'expérimentation animale. Il restera à ce poste jusqu'à sa disparition.

Théodore Monod fut sans doute le premier "écolo". Il a toujours été très attaché à la protection de la biodiversité et de la vie. Il fut un des premiers à alerter sur l’extinction des espèces et il a œuvré pour la création de parcs nationaux et de réserves, dès les années 1930. il a été l’initiateur du parc national du banc d’Arguin, en Mauritanie, qui abrite une "faune extraordinaire": phoques, oiseaux,...

Mais Théodore Monod a été plus qu’un naturaliste surdoué et un écologiste convaincu: sa vie illustre tous les événements du XXe siècle et ses engagements humanistes témoignent d’une volonté de défendre la vie sous toutes ses formes. C’était l’axe de son travail et de sa philosophie.

Théodore Monod a pris toute sa vie des positions politiques inspirées par son grand respect pour la vie, humaine, animale ou végétale. Et resta marqué à vie par la destruction absolue, la mort totale et instantanée que représente l'arme atomique.


 Bande-annonce DVD - Le vieil homme et le désert


Citations de Théodore Monod

"Il y a dans nos sociétés un système de mise en condition des êtres humains qui nuit à la réflexion. Si on se laisse domestiquer par la presse, la publicité et la télévision, on perd tout recul face au monde."
Terre et ciel (1997)

"Il y a, pour moi, une pierre de touche des morales, des religions, des mœurs: l'attitude prise devant la souffrance des animaux."
Et si l'aventure humaine devait échouer

"Jamais je n'ai aussi bien pensé, n'ai autant vécu, n'ai aussi bien été moi-même que dans les longs voyages que j'ai fait seul à pied."
Sciences et Avenir, janvier 2001.

"Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ?"

"Le désert est beau, ne ment pas, il est propre."

"La nature n'est ni morale ni immorale, elle est radieusement, glorieusement, amorale."
Extrait des Carnets

"Je ne suis pas un homme de parti, mais je défends des causes."

"Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion."

"Il faut faire passer l'homme avant le profit, la croissance spirituelle avant le PNB."

"Le monde pourrait vivre sans tuer ni animal ni végétal."

"Nous désirons tous ouvrir le cercle de la pensée pour arrêter sa ronde stérile."

"Nous sommes possédés par nos possessions."

"L'arme nucléaire, c'est la fin acceptée de l'humanité."

"J’avais trop longtemps attendu de pouvoir pénétrer un jour dans un monde jusque-là interdit, pour ne pas accueillir avec une émotion profonde l’occasion de pouvoir en franchir enfin les limites."

"La vie n’est pas la joie. C’est la tension dans l’effort continu ; c’est le labeur physique et le surmenage intellectuel ; c’est l’austère accomplissement du quotidien devoir."
Extrait des Carnets

"Nous devons apprendre à respecter la vie sous toutes ses formes : il ne faut détruire sans raison aucune de ces herbes, aucune de ces fleurs, aucun de ces animaux qui sont tous, eux aussi, des créatures de Dieu."

"La théologie chrétienne n’a jamais encore accepté de prendre en compte le problème de la souffrance animale."

"Quel bonheur d’avoir un haut idéal moral et une forte passion scientifique vous évitant bien des tentations ou, plutôt, vous aidant à leur résister !"
Extrait des Carnets
   

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