« La société de consommation a privilégié l’avoir au détriment de l’être ».
Jacques Delors
Trop de tout
Observons autour de nous. Quel est l’aspect de notre logement ? Force est de constater que nous avons pris l’habitude d’amasser et d’entasser. Nos armoires, trop pleines, sont prêtes à exploser. Dehors, les trottoirs sont noirs de monde, les rues embouteillées. La musique (lecteurs MP3...) et le son des klaxons emplissent nos oreilles. Au bureau, c’est une avalanche d’e-mails qui nous attend. Le soir, devant notre poste de télévision, nous sommes assaillis par un flot continu d’informations (JT, publicités...). Nous pourrions poursuivre cette énumération, tant la liste est longue !
Cependant, nous n’avons pas forcément conscience de tout ce « bruit » qui nous entoure. Nous sommes trop étourdis par ces surplus d’objets, de monde, de nourriture... Nous vivons dans une société où tout est excessif. Il est donc peut-être temps de marquer une pause et de nous interroger sur notre façon de vivre.
Une vie bien remplie.
Ne menons-nous pas une vie trop active ? Il est vrai que notre éducation repose sur l’obtention de résultats. Dès l’enfance, nous devons être le meilleur dans toutes les disciplines. Ensuite, c’est la course après les diplômes. Adultes, nous devons exceller dans notre travail, avoir un conjoint et être de bons parents. Et nous nous devons même d’être heureux !
Mais le sommes-nous vraiment ? Si nous n’y prenons pas garde, notre comportement va nous éloigner de nos valeurs essentielles. N’agissons-nous pas en fonction de ce que la société de consommation nous propose ? Notre réussite se chiffre et se remarque et nous sommes orientés essentiellement vers le paraître.
Nous nous oublions dans des activités inutiles, comme jouer en réseau ou faire les boutiques. Nous ne menons plus notre vie, nous la remplissons. Nous sommes hyperactifs, soucieux d’être « occupés », « importants », « efficaces », « professionnels »...
Après quoi courons-nous ?
Il semblerait que le stress soit la règle : nous n’avons plus le temps de nous occuper de nous. Nous avons des obligations, des devoirs, des rythmes effrénés, où les tâches à accomplir sont plus importantes que le fait d’exister. Nos journées ressemblent à des courses contre la montre, comme si nous étions sans arrêt en retard.
Pourtant, si nous ralentissons le rythme, nous retrouvons immédiatement notre calme. Alors, pourquoi courons-nous ainsi ? Qu’est-ce qui nous oblige à nous comporter de cette façon ? Devons-nous être débordés pour nous sentir importants ? Pourquoi nous empêchons-nous d’être avec nous-mêmes, tout simplement ? Avons-nous peur du vide pour nous étourdir ainsi ? Craignons-nous d’être confrontés à nous-mêmes ?
Victimes du marketing
La publicité semble avoir eu raison de nous ! Même si nous ne sommes pas dupes devant certains slogans - nous savons pertinemment que l’objectif est de provoquer l’achat - modifions-nous pour autant nos comportements ? Pas vraiment... Amateurs de sensations, nous recherchons l’inédit. Nous avons ainsi l’impression de vivre plus intensément.
Combien de nouveaux produits sortent chaque année ? Les industriels sont parvenus à nous manœuvrer. Auparavant, ils se contentaient de lancer un nouveau modèle, de temps en temps. Aujourd’hui, les innovations sont quotidiennes. Nous sommes en proie à la consommation du toujours plus. Avoir est devenu un objectif de vie et un gage de réussite. Depuis les années 1960, époque de la naissance du marketing, les techniques de vente se sont améliorées. Plus insidieuses, elles nous traquent désormais jusque sur Internet, en étudiant nos comportements et nos centres d’intérêt. Au lieu de répondre, tels des automates, aux stimuli des annonceurs, essayons de nous libérer de la publicité.
Un comportement d’addiction
La consommation touche tous les domaines : l’habitation, les transports, l’habillement, l’alimentation, les loisirs, voire la santé... Nos besoins se sont transformés en désirs. Nous sommes devenus dépendants de cette consommation à outrance.
Engagée dans un processus productif intense, notre société nous propose un modèle qui repose sur l’opulence. Les économistes ont longtemps défendu le postulat que notre bien-être était proportionnel à notre fortune. En possédant plus, en accédant à davantage de confort, nous serions plus heureux. Notre bonheur dépendrait donc de notre niveau de richesse.
Nous nous sommes donc lancés dans une course effrénée à l’acquisition, portés par l’élan du « toujours plus ». Or, depuis peu, nous commençons à prendre conscience que nous ne sommes pas plus heureux en consommant. L’économiste Richard Layard(1), en s’appuyant sur des études statistiques, a démontré que la richesse n’apportait pas davantage de satisfaction.
Nos vrais plaisirs
Certes, acheter procure du plaisir, mais celui- ci reste assez superficiel. C’est même une supercherie de notre société de consommation ! Nous pouvons nous rendre compte que posséder trop de choses complique en fait notre vie et ne nous rend pas plus heureux pour autant.
Depuis quelques années, des tendances comme la quête du bonheur, de l’amour et d’autres valeurs « non marchandes » préoccupent de plus en plus de monde et prennent le pas sur le matériel.
Ce n’est pas la consommation qui va nous apporter le bonheur. L’acquisition de biens matériels ne peut pas satisfaire tous nos désirs. C’est peut-être parce que nous ignorons ce qui peut nous rendre heureux que nous achetons ainsi.
(1) Richard Layard, Le Prix du bonheur, éd. Armand Colin, 2007.
Synthèse
Nous sommes encombrés de toutes parts
Nous avons trop de tout. Nos habitations sont pleines. Les rues sont encombrées. Les supermarchés regorgent de produits. Et nous croulons sous les informations...
Nous sommes toujours pressés
Nous sommes toujours en mouvement et semblons courir après le temps, comme si chaque journée était trop courte pour tout ce que nous avons à faire.
Nous sommes souvent stressés
Nous devons être stressés et avoir des obligations. Notre importance et notre réussite se mesurent en fonction du taux d’occupation de nos journées.
Nous sommes facilement dépendants
Aujourd’hui, nous cherchons plutôt à avoir qu’à être. Nous avons toujours soif de nouveauté et cherchons à l’extérieur ce qui pourrait nous combler à l’intérieur.
Nous avons peur de nous-mêmes
Acquérir semble camoufler une peur profonde : celle d’être avec soi.
Extrait de "Simplifier sa vie" - Les dossiers de psycho n°3 - Décembre 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire