lundi 25 avril 2011

Carpe Diem - Horace (-65 avJC - 8 avJC)

Hérité de la tradition antique, Carpe diem se traduit souvent par "Cueille le jour sans te soucier du lendemain". Littéralement, cette phrase signifie "Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir". Elle est tirée de vers latins du poète Horace, intéressé par l'épicurisme et le stoïcisme (Odes, I, XI - "A Leuconoé"). Elle résume le poème qui le précède et dans lequel Horace cherche à persuader Leuconoé de profiter du moment présent et d'en tirer toutes les joies, sans s'inquiéter ni du jour ni de l'heure de sa mort.

Rendu célèbre auprès du grand public depuis l'Antiquité, l'extrait Carpe diem fait l'objet d'une mauvaise interprétation: traduit par "Profite du moment présent" est compris comme une incitation à l'hédonisme le plus fort, peut-être le plus aveugle, il perd tout rapport avec le texte original, qui au contraire, incite à bien savourer le présent (sans toutefois récuser toute discipline de vie) dans l'idée que le futur est incertain et que tout est appelé à disparaître. La maxime Carpe Diem figure fréquemment sur les cadrans solaires.

C'est donc un hédonisme d'ascèse, une recherche de plaisir ordonnée, raisonnée, qui doit éviter tout déplaisir et toute suprématie du plaisir. C'est un hédonisme a minima: c'est un épicurisme. Détaché du passé à l'égard duquel il ne sait éprouver que de la gratitude, confiant dans l'avenir qu'il a su priver de la vaine espérance, le sage est décidé à vivre au présent. Non pour y assouvir un appétit de plaisirs, mais pour atteindre la sérénité de la vertu. Pourtant ce qui pourrait donner lieu à une célébration de la vie immédiate devient dès le XVI° siècle prétexte à une leçon morale: l'évocation de l'élan vital manifesté par la nature entière, élan que la jeune femme aimée, insensible à la parole poétique, a le tort de ne pas vouloir partager, s'accompagne d'une méditation sur la mort et les ravages du temps.

Salvador Dali - Montre molle au moment de la première explosion (1954)


"On ne possède jamais rien qu’un peu de temps" Eugène Guillevic (1907-1997), "Exécutoire"

Le temps s’écoule, inexorablement. Synonyme de vie, il disparaît en même temps qu’il se donne. Il est ce qui permet tout changement, toute évolution. Mais peut-on vraiment posséder le temps ?  Pas de la manière dont on possède un objet. On ne peut l’enfermer ni le stocker. Il est fugace: il nous échappe dès qu’on croit l’attraper. S’il existe bien une chose sur laquelle l’homme n’a pas d’emprise, c’est le temps. La vie peut prendre fin à tout instant. Le peu de temps qui nous est octroyé doit nous inciter à en profiter, telle est la leçon du "Carpe Diem". Gardons les yeux ouverts sur le présent. Vivre chaque instant comme si c’était le dernier... Tel est l’enseignement que nous pouvons retenir de cette citation d'Eugène Guillevic.


Eugène Guillevic
Né à Carnac en 1907, le "poète breton d'expression française", comme il se définissait lui-même, a publié son premier recueil, Requiem, en 1938. Son deuxième recueil, Terraqué lui apporta la consécration dès 1942. Auteur de quelque vingt recueils, il a reçu le grand prix de poésie de l'Académie française en 1976 et le grand prix national de poésie en 1984. Il est décédé en mars 1997.

Après avoir passé un baccalauréat de mathématiques il est reçu au concours de 1926 dans l'administration de l'Enregistrement (Alsace, Ardennes). Nommé en 1935 à Paris rédacteur principal à la Direction Générale au  Ministère des Finances et des Affaires économiques, il est affecté en 1942 au Contrôle économique. Il appartient de 1945 à 1947 aux Cabinets des ministres communistes François Billoux (Economie nationale) puis Charles Tillon (Reconstruction). En 1947 après l'éviction des ministres communistes, il réintègre l'Inspection Générale de l'Économie où il s'occupe notamment d'études de conjoncture et d'aménagement du territoire, jusqu'à sa retraite en 1967.

Il devient dès avant guerre l'ami de Jean Follain qui l'introduit dans le groupe Sagesse. Puis il appartient au groupe de l'École de Rochefort. Catholique pratiquant jusque vers trente ans, il devient sympathisant communiste au moment de la Guerre d'Espagne, adhère en 1942 au Parti communiste alors qu'il se lie à Paul Éluard et participe aux publications de la presse clandestine (Pierre Seghers, Jean Lescure). Il demeure, malgré bien des réticences sur la fin des années 60, fidèle à son engagement jusqu'en 1980.

Après une période de résistance, de rébellion contre l'ordre social et l'ordre des choses, s'esquisse un retour à l'interrogation, une tentative d'apprivoiser le monde et son silence. Refusant la métaphysique, il choisit l'ici, qu'il explore sans fin, passionnément. Sa poésie est concise, franche comme le roc, rugueuse et généreuse, tout en demeurant suggestive. Sa poétique se caractérise aussi par son refus des métaphores, auxquelles il préfère les comparaisons, jugées moins mensongères.

Eugène Guillevic est l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une œuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser "l'inquiétante étrangeté des choses". Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher breton.

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