lundi 25 avril 2011

A Leuconoé - Horace (-65 avJC - 8 avJC)

Ne cherche pas à connaître, il est défendu de le savoir, quelle destinée nous ont faite les Dieux, à toi et à moi, ô Leuconoé; et n'interroge pas les Nombres Babyloniens. Combien le mieux est de se résigner, quoi qu'il arrive! Que Jupiter t'accorde plusieurs hivers, ou que celui-ci soit le dernier    

qui heurte maintenant la mer Tyrrhénienne contre les rochers immuables, sois sage, filtre tes vins et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie.  Pendant que nous parlons, le temps jaloux s'enfuit. Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain. 


Version latine:  

Tu ne quaesieris (scire nefas) quem mihi, quem tibi finem di dederint, Leuconoe, nec Babylonios
temptaris numeros. Vt melius quicquid erit pati! Seu pluris hiemes seu tribuit Iuppiter ultimam,

quae nunc oppositis debilitat pumicibus mare Tyrrhenum, sapias, uina liques et spatio breui
spem longam reseces. Dum loquimur, fugerit inuida aetas: carpe diem, quam minimum credula postero.



Horace, Odes, Livre I, Poème XI


Horace
Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) est un poète romain né à Vénose dans le sud de l'actuelle Italie, le 8 décembre -65 et mort à Tibur le 27 novembre -8.

Horace est le fils d'un affranchi de Venusia, aux frontières de l'Apulie et de la Lucanie, qui exerçait le métier de coactor, c'est-à-dire de caissier des ventes aux enchères. Le jeune Horace est âgé de sept ans lorsque son père s'installe à Rome afin de lui assurer une éducation soignée. Mais il gardera un souvenir pour le moins mitigé de ses leçons avec le grammairien Lucius Orbilius Pupillus. Horace a environ dix-huit ans lorsque son père l'envoie à Athènes, pour y couronner son cursus par l'étude du grec et de la philosophie. Horace est justement en Grèce lors de l'assassinat de Jules César en 44 avJC. Il s'enrôle alors dans l'armée des "Libérateurs" et se fait si bien remarquer de Brutus que celui-ci lui confie le commandement d'une légion.

Lors de la première bataille de Philippes (première semaine d'octobre 42 avJC), les troupes de Brutus s'emparent du camp d'Octave, qui échappe de peu à la capture. Mais lors du second combat, le 22 octobre, Octave et Marc Antoine sont vainqueurs. Brutus se suicide. Horace fait partie des fuyards.

Quand une amnistie est accordée aux vaincus, Horace retourne en Italie, où il apprend la mort de son père et la confiscation de ses propriétés. Réduit à la pauvreté, il achète une place de scribe auprès d'un questeur, ce qui ne veut pas dire qu'il ait renoncé à la lutte contre l'autocratie. Il se met à la poésie. Rapidement, il se lie d'amitié avec Virgile. Vers 38 avJC, Virgile et Lucius Varius Rufus le présentent à Mécène, confident d'Octave, protecteur des arts et des lettres, poète à ses heures. Mécène le prend sous sa protection, l'introduit dans les cercles politiques et littéraires (de là des recitationes), et lui offre une villa près de Tibur.

En 17 av. J.-C., sa réputation littéraire est bien établie et c'est à lui que revient l'honneur de composer le Chant séculaire (Carmen Saeculare) qu'interprètent solennellement, à l'occasion des Jeux séculaires, des chœurs mixtes d'enfants choisis parmi l'élite de la noblesse romaine.

Il meurt en 8 avJC, quelques mois seulement après Mécène qui, sur son lit de mort, l'aurait encore recommandé à Auguste.

En dépit de sa grande difficulté, l'œuvre d'Horace a eu une influence non négligeable sur la littérature latine. Il est admiré, cité et repris par de nombreux auteurs, dont Jérôme, Sidoine Apollinaire ou Prudence, parfois au prix de malentendus ou de contresens, comme en témoigne par exemple le détournement de la fameuse devise "Carpe diem", ou de la non moins célèbre formule "Aurea mediocritas" ("juste milieu précieux comme l'or "), tirées respectivement des Odes, et des Satires.

 
Les Odes, poèmes lyriques de la volupté de vivre

Les Odes furent publiées en 23 ou 22 av. J.-C. pour les trois premiers livres et en 12 ou 7 av. J.-C. pour le quatrième. Dans cette œuvre, Horace se surpasse, là où il mérite le mieux le "laurier delphique" (Odes, III, 30), c'est dans la maîtrise du contenu. En apparence, rien de plus hétéroclite que les Odes, où semblent interférer de manière aléatoire la sphère privée et la sphère publique, les amours et la politique, le monde grec et le monde latin, la mythologie et l'actualité la plus brûlante, l'épicurisme poussé jusqu’au sybaritisme, et un stoïcisme aiguisé jusqu’à l'ascétisme et à un renoncement presque monacal avant la lettre.

Horace a trouvé un ton – il s'agit sans doute d'une certaine distance établie entre le poète et l'objet du poème – qui assure grâce, consistance à tout ce qu'il confie à sa strophe. Non pas un monde de marbre : les attitudes sont pleines de souplesse, et les sentiments souvent ondoyants. On dirait plutôt une luminosité amicale, un silence sûr et non intimidant, comme si, de fait, l'éternité, ce paroxysme de présence, était toute proche. C'est cette attitude émerveillée, contemplative en somme, qui a déconcerté les romantiques. Dans cette vision uniformément belle, la réussite du lyrisme horatien est d'avoir rendu la saveur distincte des moments les plus fugitifs, irremplaçables, perdus à jamais si un regard n'a su les recueillir. La vie est brève, le monde est plein de choses précieuses. Cueille ton aujourd'hui ; il est fleur. Carpe diem.

Citations d'Horace

"Sur les flots, sur les grands chemins, nous poursuivons le bonheur. Mais il est ici, le bonheur."
Extrait de Epîtres

"La force sans l'intelligence s'effondre sous sa propre masse."
Extrait de Odes

"Il y a une mesure en toute chose. Il est en tout un juste milieu."
Extrait de Satires

"Quel que soit ton conseil, qu'il soit bref."

"Jouis du jour présent, sans te fier le moins du monde au lendemain."

"Parmi les fous, on craint d'être fou."

"Il emporte tous les suffrages, celui qui mêle l'utile à l'agréable."

"La parole qui vous échappe ne peut être rattrapée."

"Qui a confiance en soi conduit les autres."

"Commencer, c'est avoir à moitié fini."
Extrait de Livre I

"Les peintres et les poètes ont toujours eu le droit de tout oser."

"La mort rattrape ceux qui la fuient."

"La patience rend tolérable ce qu'on ne peut empêcher."

"Ne s'étonner de rien est presque la seule et unique chose qui puisse donner et conserver le bonheur."

"Sauver un homme malgré lui, c'est quasiment le tuer."

"Si nous sommes dans la joie, gardons-nous de porter nos pensées au-delà du présent."

"Tandis que nous parlons, le temps jaloux aura fui ; Cueille le jour, sans te fier le moins du monde au lendemain."
Extrait de Odes

"La résignation allège tous les maux sans remède."
Extrait de Odes

"Le loup attaque de la dent, le taureau de la corne."
Extrait de Satires

"Chasse la nature à coups de fourche, elle reviendra toujours au pas de course."
Extrait de Epîtres

"Celui qui ajourne le moment de bien vivre, attend comme les paysans que la rivière ait fini de couler."
Extrait de Epîtres

"Les tours les plus hautes font les plus hautes chutes."

"Mêle à la sagesse un grain de folie ; il est bon quelquefois d'oublier la sagesse."
Extrait de Livre IV

"Nul homme n'est sans défauts : le meilleur est celui qui en a le moins."

"L'arc n'atteint pas toujours la cible qu'il menace."
Extrait de l' Art poétique

"Il faut essayer de soumettre les circonstances et non s'y soumettre."
Extrait de Epîtres

"Fuir le vice est le commencement de la vertu."
Extrait de Epîtres

"Quand l'amphore est à sec, les amis se dispersent."
Extrait de Odes

"Pourquoi, dans une vie si courte, visons-nous audacieusement des buts si nombreux ?"
Extrait de Odes

"L'envieux maigrit de l'embonpoint des autres."

"Faute d'art, la crainte d'un mal nous conduit à un vice."
Extrait de l'Art poétique

"Rarement nous pouvons découvrir un homme qui dise avoir vécu heureux, et qui, son temps fini, quitte la vie content comme un convive rassasié."
Extrait des Odes et Epodes

"Gagne d'abord de l'argent ; la vertu vient après."

"Ne charge pas tes épaules d'un fardeau qui excède tes forces."

"Le pin le plus haut est celui que le vent agite le plus souvent."

"Si le vase n'est pas propre, tout ce qu'on y verse aigrit."

"S'habiller à sa taille, et se chausser à son pied : voilà la sagesse."

"Si tu veux que je pleure, il faut d'abord que tu pleures."

"Celui qui vit dans la crainte, ne sera jamais libre."

"En voulant éviter un défaut, les sots se jettent dans le défaut contraire."

"Avoir plu aux puissants n'est pas le plus haut mérite."

"Courir au-delà des mers, c'est changer de climat, mais non changer de cœur."

"Nous sommes trompés par l'apparence du bien."

"Soyez content de votre sort, ami, c'est là la sagesse."

"Souvent même la crainte de la mort pénètre les humains d'une telle haine de la vie qu'ils se donnent volontairement la mort dans l'excès de leur détresse, oubliant que la source de leurs peines est cette crainte elle-même."

"Dans les difficultés, garde ton âme égale ; Et, parmi la prospérité, Sache avec même probité T'interdire une joie insolente et brutale."
Extrait de Odes et Epodes

"Exercer bonnement le métier qu'il sait faire, Voilà, je crois, pour chacun la meilleure affaire."

"C'est des vaillants et des bons que naissent les braves."
Extrait des Odes

"La fortune ici-bas ne change point les mœurs."

"L'homme d'honneur n'a pas de rempart aussi sûr qu'une âme sans remords et qu'un cœur toujours pur."

"Sans un travail énorme et toujours obstiné L'existence aux mortels n'a jamais rien donné."
Extrait des Satires

"Nulle félicité n'est de tout point parfaite."

"Notre mentalité diffère avec notre âge."

"Triste, on hait le joyeux ; folâtre, on hait le triste."

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