samedi 23 avril 2011

La Grande Ivresse - Paul Fort (1872-1960)

Par les nuits d'été bleues ou chantent les cigales,
Dieu verse sur la France une coupe d'étoiles.
Le vent porte à ma lèvre un goût du ciel d'été!
Je veux boire à l'espace fraîchement argenté.

L'air du soir est pour moi le bord de la coupe froide
où, les yeux mi-fermés et la bouche goulue
je bois, comme le jus pressé d'une grenade,
la fraîcheur étoilée qui se répand des nues.

Couché sur un gazon dont l'herbe est encor chaude
de s'être prélassé sous l'haleine du jour,
oh! Que je viderais, ce soir, avec amour,
la coupe immense et bleue où le firmament rôde!

Suis-je Bacchus ou Pan? Je m'enivre d'espace
et j'apaise ma fièvre à la fraîcheur des nuits.
La bouche ouverte au ciel où grelotte les astres
que le ciel coule en moi! Que je me fonde en lui!

Enivré par l'espace et les cieux étoilés,
Bayron et Lamartine, Hugo, Shelley sont mort.
L'espace est toujours là; il coule illimité;
à peine ivre il m'emporte, et j'avais soif encore!

Paul Fort (Ballades Françaises)



Paul Fort
Jules Jean Paul Fort, né à Reims (Marne) le 1er février 1872 et mort le 20 avril 1960 à Montlhéry (Essonne), est un poète et dramaturge français.

Paul Fort A dix-sept ans, Paul Fort fonde le théâtre d'Art (qui deviendra celui de l'Œeuvre), essentiellement poétique et symboliste, qui s'oppose tumultueusement au Théâtre-Libre d'Antoine; on y joue Marlowe, Maeterlinck, Mallarmé, Verlaine, etc.

En 1897, paraît au Mercure de France, le premier volume de ses Ballades françaises. S'inspirant de l'histoire de la France, de ses héros, de ses légendes, et reprenant les thèmes éternels de la poésie, Paul Fort a trouvé un ton et une forme (la strophe où la prose se mêle aux vers sans distinction typographique) qu'il exploite avec une émouvante continuité dans cinquante-quatre volumes, jusqu'à sa mort.

 
En 1905, il crée la revue Vers et Prose qu'il dirige avec Paul Valery: des œuvres des écrivains les plus importants de l'époque (Laforgue, Jarry, Apollinaire, Carco, Gide, Claudel, etc.) y paraîtront jusqu'en 1914. Il contribue à "lancer" Montparnasse et reçoit le titre de Prince des Poètes en 1912. Son goût pour l'histoire se prête bien au théâtre : ses pièces se regroupent sous le titre Chroniques de France (Louis Xl, curieux homme, 1922; Ysabeau, 1924). Il contribua à donner au quartier du Montparnasse, à Paris, sa renommée artistique.

Paul Fort est commandeur de la Légion d'honneur. Il fut l'un des principaux membres du jury du Prix Jeunesse. Sa simplicité, son enthousiasme, sa gaieté (il avait un goût prononcé pour le calembour) restent liés à sa silhouette célèbre. Il est l'auteur d'une œuvre poétique abondante mêlée de symbolisme, de simplicité et de lyrisme, utilisant le plus souvent le verset. Paul Fort fréquenta quelques-uns des écrivains et poètes les plus connus de son temps : Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Pierre Louÿs, André Gide. Quelques-uns de ses poèmes furent mis en musique et chantés par Georges Brassens : Le Petit cheval, La Marine, Comme hier, Si le bon Dieu l'avait voulu.

Paul Fort est mort le 20 avril 1960. Il repose à Montlhéry dans sa propriété d'Argenlieu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire