lundi 11 juillet 2011

Le communautarisme et la République

Le 22 janvier 2010 à Lyon, lors d'un diner organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France, Eric Besson  à déclaré: "Oui, il y a une minorité de Français qui ont peur de l'Islam car ils confondent avec fondamentalisme et terrorisme. Mais il faut parler, expliquer et dire que l'Islam est compatible avec les valeurs de la République."

De manière plus générale, peut ont vraiment considérer que le communautarisme est compatible avec les valeurs de la République ?

Les principes fondamentaux de la République française sont énoncés dans sa devise: "Liberté, Égalité, Fraternité". Ils se traduisent par des droits intangibles, à la fois politiques et sociaux reconnus aux citoyens.

L’article 1er de la constitution s’inscrit dans ce cadre puisqu’il proclame que "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale".

Une République indivisible implique qu’aucune partie du peuple, ni aucun individu, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale. Seul le peuple exerce cette souveraineté par la voie de ses représentants.

L’unité et l’indivisibilité garantissent une application uniforme du droit sur l’ensemble du territoire national.


Le caractère laïque de la République découle à la fois du principe de la liberté de croyance et du principe d’égalité des citoyens devant la loi et implique la séparation des Églises et de l’État. Le caractère démocratique de la République implique le respect des libertés fondamentales et la désignation des différents pouvoirs au suffrage universel. Enfin, le caractère social de la République résulte de l’affirmation du principe d’égalité. Il s’agit de contribuer à la cohésion sociale et de favoriser l’amélioration de la condition des plus démunis.

La question de la compatibilité du communautarisme avec la république amène à formuler une définition du communautarisme et à préciser ce que la notion de compatibilité recouvre. 

Communautarisme ne veut pas dire communauté

Une communauté est formée par des individus qui ont des liens, de l’intérêt, des valeurs, des croyances et des idéaux communs. Le communautarisme est un terme socio-politique désignant les attitudes ou les aspirations de communautés, le plus souvent religieuses, ethniques ou culturelles, nécessairement minoritaires au sein d’une nation. 

Le communautarisme apparaît quand les particularités d’une communauté, qui pourraient se limiter à n'être que la représentation du multiculturalisme, demandent à déroger aux lois communes pour exercer, au sein de leur propre groupe, des lois particulières. Au mépris de la volonté générale et de  l’universalité républicaine. 

Compatibilité implique-t-elle, de fait, intégration ?

Alors que l’intégration sous entend la fusion d'une minorité dans un ensemble national, le terme de compatibilité s’axe d’avantage sur la coexistence de ces minorités au sein de cet ensemble qui est la république, en accord avec les principes fondamentaux de cet ensemble, et sans nuire à son bon fonctionnement.
 
Cette compatibilité implique de part et d’autre l’établissement d’un véritable contrat commun, autour d’un idéal de vie partagé sans qu’aucune de ces communautés ne puisse se prévaloir de dérogation aux règles et valeurs de la République. Ce contrat suppose la participation de tous à son élaboration et l'adhésion de chacun à son contenu. Il doit reposer sur la tolérance et le respect mutuels.

La problématique possède plusieurs facettes:

- Les communautés, aujourd’hui ont elles encore le désir de s’intégrer dans la république ?
- Qu’est il arrivé aux valeurs de la république pour qu’aujourd’hui les communautés minoritaires en quête d’intégration ne s’y retrouvent plus ?

Les communautés, aujourd’hui ont-elles encore le désir de s’intégrer dans la république ?

En général, une communauté se forme de fait, indépendamment de la volonté de ses membres. En revanche, une société bâtit son modèle politique et social dans l’effort, grâce à la bonne volonté que chacun est prêt à mobiliser pour garantir le succès de l’entreprise.

La société à laquelle nous appartenons est à proprement parler une communauté, construite, non pas sur la base de particularités de groupes, mais bien sur la volonté réfléchie d’adhérer à un système de valeurs politiques et sociales.

Comment concilier communauté et société ?

Pour beaucoup de migrants, cette question reste sans réponse car s’intégrer, respecter les valeurs de la république est parfois perçu comme un renoncement aux coutumes de la communauté, et par extension, un renoncement à ce que l’on est.

La forte concentration de populations immigrées peut retarder d’avantage encore le processus d'intégration, car elle favorise le maintien des cultures d'origine, les modes de vie traditionnels et les mariages préférentiels.

De fait, posons nous tout de même la question: un modèle d'intégration qui se refuserait à reconnaître les différences culturelles, et imposerait un moule homogène à l’ensemble des identités culturelles ne serait-il pas voué à l'échec ? Cela reviendrait à nier les spécificités, et donc à faire obstacle à la quête de reconnaissance sociale à laquelle chacun aspire, par la mise en valeur de son authenticité, notamment sur le plan culturel.

De même, comment parler de respect ? Si l'objectif de la démarche consiste à assener la culture dominante à tous, comme étant universelle face aux cultures minoritaires dites particularistes. 

La peur de l’inconnu

La tendance naturelle pousse à aller vers ce que l’on connait et il est plus facile d’aller vers celui qui nous ressemble que vers l’altérité et l’inconnu.

La mondialisation accroit encore davantage ce sentiment, conduisant paradoxalement les individus à se regrouper en communautés pour resserrer les liens sociaux qui leur apparaissent comme menacés.

L’Europe, qui gère plus facilement la libre circulation des biens et des capitaux que la libre circulation des idées sociales et culturelles n’est-elle pas en partie responsable du renouveau des revendications régionales, culturelles et linguistiques ? Pensons aux Corses, aux Bretons, aux Basques… Et que penser des communautarismes sexuels, religieux et sectaires qui ne cessent de s’exacerber…




Non décidément, les migrants issus des pays du Maghreb n’ont pas l’apanage du communautarisme! Toutefois, certaines valeurs républicaines, et particulièrement celles de l’égalité homme-femme et de la laïcité, sont en contradiction avec les valeurs prônées par les intégristes Islamiques. Cette confrontation de codes culturels, sociaux et politiques est particulièrement violente, et en réaction, provoque chez certains un repli vers leur culture d’origine. Deux constats s’imposent :

- Bien connaitre sa communauté et bien connaitre la République permettrait de caractériser des points communs et complémentaires plutôt que de stigmatiser et d’opposer les différences.

- S’intégrer c’est renoncer fatalement à une partie de sa culture pour en bâtir une nouvelle, mélange des deux.
C’est trouver la voie du milieu, dans la pondération.

La réalité économique et sociale invalide-t-elle le modèle républicain ?

Deux dangers guettent la démocratie et le système républicain : le nivellement par le bas et l'individualisme.
La paupérisation de la population, l’exclusion, le déficit de culture et la médiocrité des vecteurs culturels de masse sont le terreau des dérives communautaires.

La Démocratie met en évidence ce mal de la démocratie qu'est l'individualisme, qui amène certains à se détacher de la "chose commune" pour chercher une meilleure représentation de leur intérêt propre dans un groupe moins universel.

Cette situation se nourrit d’une évolution de notre société baptisée « de consommation » : la primauté de l'avoir sur l’être (« je veux tout, tout de suite et sans effort »).

Tout fait l’objet de marketing, jusqu’aux domaines qui devraient rester vierge de toute connivence et de tout compromis : La politique, l’éducation…

Comment prétendre s'impliquer, se sentir appartenir à l'idéal républicain, aller vers l’autre et respecter sa différence lorsque votre besoin premier de logement, de revenus, de sécurité n'est pas garanti ?

Cette perte d’élan et d’enthousiasme peut se concrétiser à l’aide de la pyramide de Maslow: dans les années 1940, le psychologue Abraham Maslow hiérarchise sous la forme d'une pyramide, constituée de cinq niveaux, les besoins et les motivations  des hommes. Selon Maslow, il est extrêmement difficile de satisfaire un besoin d'un niveau donné tant que les besoins situés aux niveaux inférieurs de la pyramide ne le sont pas.

Le premier niveau des besoins humains, qualifié de besoins physiologiques (manger, boire, se loger, se chauffer, etc...) est le pré-requis a l'accomplissement des autres besoins.

Notons que le sentiment d'appartenance, à une société, un système ne vient qu'au troisième niveau de la pyramide. La confiance, le respect des autres, apparait lui au quatrième niveau…

La pyramide de Maslow (1908-1970), classification hiérarchique des besoins humains.
 
Lorsqu’on a perdu ses repères sociaux, familiaux, républicains, on en cherche d’autres, avec le risque évident de s’égarer et de choisir un mauvais repère. Un repère qui paraît fort, solide, capable d’assurer nos besoins physiologiques primaires. C’est dans cette place laissée vacante que s’engouffrent le communautarisme, l’intégrisme, les sectes, les bandes des banlieues etc.)

Deux constats à nouveau :
- Le lien qui unit les hommes et les femmes de notre société s’amenuise et se délite jusqu’à devenir un plus petit dénominateur commun bien ténu. Notre société agonise de son manque de fraternité.
- La culture, le savoir, permet de dépasser les préjugés, développe l'autonomie et permet aux individus d'exercer leur citoyenneté. Il y a des liens qui libèrent et il y a des liens qui détruisent. Certains chemins, issus de certains choix, aliènent et privent de liberté. Savoir rester libre est plus que jamais une impérieuse nécessité.

Notre République est elle malade au point d’entretenir le communautarisme ?

Dans « Du contrat social », Rousseau établit qu’une organisation sociale "juste" repose sur un pacte garantissant l’égalité et la liberté entre tous les citoyens. Ce pacte est contracté entre tous les participants, c’est-à-dire l’ensemble exhaustif des citoyens. L’intérêt particulier est contraire à la recherche de l’intérêt général, seul objectif du contrat social.

La compatibilité du communautarisme et de la république est une bataille qui se gagne à deux. L’état, la société, les hommes et les femmes qui la composent font-ils bien le nécessaire pour qu’une intégration puisse se produire ?

Dans le pacte social, chacun renonce à sa liberté naturelle pour gagner une liberté civile. La souveraineté populaire est le principe fondamental du contrat social. A quoi sommes nous prêts à renoncer ?

La République a-t-elle perdu ses vertus d’intégration ?

Aujourd’hui, on peut se poser la question du « modèle républicain» en tant que vecteur efficace d’intégration des nouveaux immigrés et leurs enfants dans la société française.

Sous la IIIème République, les communautés cohabitaient sans problèmes et parvenaient à s’intégrer : Les Italiens, les Portugais les Espagnols les Arméniens, les Turcs, les Vietnamiens. Au fil de notre histoire nous pouvons faire le constat que les minorités trouvaient mieux leur place dans la république qu’aujourd’hui.

Comment expliquer cela ? Est-ce la République qui a perdu ses vertus d’intégration ? Les communautés minoritaires se sont-elles radicalisées ? N’est ce pas plutôt une perte de foi des deux côtés en ce qui était un modèle, un idéal, plus qu’une réalité concrète ?

Les valeurs de la république affaiblies

Face à la succession des drames du 20ème siècle (deux guerres mondiales, le totalitarisme, les guerres coloniales,…) le camp républicain n’a pas toujours été à la hauteur de ses valeurs.

Notre début de 21ème siècle marque la poursuite de cet affaiblissement, sur fond de guerres financières (mondialisation aux effets incontrôlables, délocalisations, recherche effrénée de profits, chômage, paupérisation de la population, en commençant par les plus vulnérables).

Qu'est-ce que la République est en capacité d’offrir en termes de perspectives pour les plus fragiles, les plus perdus d’entre nous ?

La République porte des valeurs fortes et la charge de la véhiculer incombe à l’Etat. Or un certain nombre de désengagements voir d’abandons s’opèrent. On constate un recul du service public dans des quartiers qui se transforment en ghetto et en zones de non droit.

Le surendettement de l’Etat laisse beaucoup de citoyens sceptiques sur les réformes engagées : les délocalisations, les décentralisations, la régionalisation, les délégations de compétences, l’autonomie des universités, la réforme de la carte judiciaire, la réduction drastique du nombre d'hôpitaux… Ces réformes concourent-elles a l’amélioration du service public ou à l’allégement d’un bilan financier calamiteux ?

Quelle image a-t-on aujourd’hui de la république, et quelle image donne-t-on de la république ? Les hommes politiques sont loin d'être tous exemplaires.


Auteur: La Crix, licence Creative Commons by-nc-nd



Manque de lisibilité dans l’action de l’état ? Affaiblissement, voire démission ? 

La République a des difficultés à rassembler et à insuffler ses valeurs aux citoyens dans leur ensemble, et pas seulement aux minorités. Elle doit revenir à ses fondamentaux et affirmer avec fermeté, cohérence et équité ses valeurs d’universalité.


Compatibilité ou pas ?

Le communautarisme est incompatible avec les valeurs de la République. Toutefois il est possible de surmonter le repli identitaire communautariste.

La culture

La culture doit plus que jamais jouer un rôle majeur dans le mécanisme de découverte, de tolérance et de respect de l’autre, mais c’est une démarche de fond qui portera ses fruits à long terme.

La connaissance et le savoir permettent de dépasser les préjugés et développent l'autonomie. Cela permet aux individus d'avoir une véritable réflexion sur eux-mêmes, de trouver leur place au sein de la société et enfin, de rencontrer et de reconnaître l’Autre.

La connaissance par chacun de sa propre appartenance culturelle, et donc de son identité sociale, constitue une condition indispensable à un accomplissement personnel, libre et authentique. Chacun doit pouvoir disposer d’une totale liberté quant à son évolution culturelle et sociale par rapport à son identité d’origine. La discrimination positive, bien que discutable sur le principe, relève de cette aspiration.

La constitution d’un lien social global et cohérent ne passe-t-elle pas par le respect et la reconnaissance des valeurs culturelles minoritaires, souvent hétérogènes ?  Dans la mesure où elles respectent les principes de la République, bien évidemment.

Les jeunes générations sont bien plus ouvertes à l’altérité qu’on ne l’imagine. Internet est un vecteur de partage et d’échange qu’elles utilisent avec efficacité pour découvrir l’autre et aller vers lui. Il est bien-sûr prématuré de considérer Internet, comme un défenseur des valeurs de la République. Mais il pourrait être un outil pour alimenter le principe républicain qu’est la démocratie. Certains élus essaient de s’en servir pour faire " passer" une démocratie de proximité dans des formes concrètes, pour que chacun se sente concerné.


L’éducation

L’école de la République doit permettre l’émancipation de chaque citoyen en lui donnant la capacité d’agir et de réagir librement quelque soit son niveau d’étude, son origine culturelle et son niveau social.

Sur la base d’un socle de valeurs communes, elle doit éveiller les enfants et les transformer en citoyens chercheurs. Car chacun de nous partage la responsabilité d’alimenter et de participer à ce processus d’expérimentation et d’évolution permanente de la démocratie.

Le rôle de l’Etat et des hommes politiques

Le rôle de l’Etat est d’organiser l’unité de l’espace politique commun, qui permet d’intégrer tous les individus, quelles que soient leurs origines sociales, religieuses ou nationales. Il est urgent de revenir à l’exemplarité en la matière. Nous ne devons plus transiger sur les valeurs fondamentales et imprescriptibles de la République.

Toutefois, il faut abandonner l’illusion que l’issue du problème viendra exclusivement de la sphère politique. Les politiques d'intégration sont très lentes à produire leurs effets alors que l’on attend des gouvernements des solutions rapides aux problèmes découlant de l'immigration (logement, santé, instruction, emploi…).




Retrouver l’idéal républicain est l’affaire de tous

Notre République est une vieille dame vénérable qui a besoin, sinon d’être réinventée, au moins de renouer avec l’esprit, l’énergie et l’élan qui animaient ses fondateurs à l’origine.

Loin d’être obsolète, elle est au contraire, le "ciment" de la société. Il est nécessaire que chaque citoyen en prenne conscience, et fasse que cette "chose commune" devienne une "cause commune".

C’est en recréant cette dynamique de l’universalisme contre le particularisme, que les individus pourront se construire librement et prétendre au bonheur social. 

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