Comment grandissent nos enfants ? Aucune étude à grand échelle n’était encore venue répondre à cette question en France. Pour la première fois, des chercheurs de tous horizons vont enfin suivre leur histoire, de leur naissance à leur 20ème année. Environnement familial, économique, social et culturel: tous les aspects de la vie de l’enfant seront explorés afin d’évaluer leur influence sur son développement physique et psychologique, sa santé et sa socialisation.
Dès avril 2011, les professionnels de santé de 344 maternités – tirées au sort dans toute la métropole – proposeront aux mères concernées de participer à cette enquête ambitieuse et inédite. Au total, 20 000 enfants, nés en 2011 et issus de tous les milieux sociaux, formeront le cœur de l’étude – la cohorte selon le terme utilisé par les démographes. Le coup d’envoi du projet Elfe, échelonné sur quatre périodes de l’année, est officiellement lancé le 1er avril 2011.
Elfe est la première étude longitudinale française consacrée au suivi de 20 000 enfants, de la naissance à l’âge adulte, qui aborde les multiples aspects de la vie de l’enfant sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de la santé-environnement. Lancée auprès de 500 familles pilotes en 2007, elle est généralisée en France métropolitaine en 2011. Soutenue par les ministères en charge de la Recherche, de la Santé, et de l'Écologie, ainsi que par un ensemble d’organismes de recherche et d’autres institutions, l’étude Elfe mobilise plus de 60 équipes de recherche, soit 400 chercheurs, avec plus de 90 sujets spécifiques.Les premiers résultats devraient être publiés en 2013.
Objectifs de l’étude
L’observation d’enfants nés à la même période, sur une durée de vingt ans, représente une occasion unique de comprendre ce qui perturbe ou au contraire favorise leur développement. Elle permettra d’analyser de quelle façon ils trouvent leur place dans la société. Leur santé, leur scolarité, leur alimentation, leur lieu d’habitation, mais aussi leur vie familiale et sociale ainsi que leur lieu d’habitation seront analysés par les quelque 400 chercheurs participant à l’étude. Le croisement de ces multiples informations permettra de répondre aux nombreuses questions que se posent parents et scientifiques sur la manière dont chaque enfant évolue, et ainsi d’améliorer sa santé comme son bien-être.
Exemples de recherches
Grâce à l’étude Elfe, il sera désormais possible de connaître précisément les conséquences d’une naissance prématurée ou l’incidence d’infections contractées par la mère pendant sa grossesse sur la santé future de son bébé. Les chercheurs recueilleront également d’importantes informations sur l’impact d’une exposition à divers polluants comme le plomb, les pesticides ou les phtalates – présents dans de nombreux produits de consommation en plastique et dans les cosmétiques.
Nombre de substances polluantes sont suspectées d’être responsables des allergies, de plus en plus nombreuses, qui affectent la santé de l’enfant. Mais d’autres causes existent : les scientifiques s’interrogent aussi sur le lien entre l’introduction précoce de certains aliments et le risque d’allergies alimentaires. Une question à laquelle l’étude de l’alimentation du nourrisson devrait apporter de précieux éléments de réponses.
Les allergies ne sont pas les seules affections en augmentation : l’asthme et l’obésité s’avèrent aujourd’hui les deux maladies chroniques les plus répandues chez les jeunes. Pourquoi ? C’est ce que l’examen minutieux des interactions entre génétique et environnement cherchera à expliquer.
Tous ces thèmes, et bien d’autres encore figurent au cœur de l’enquête Elfe. Mais il ne s’agit pas seulement d’enrichir les connaissances des chercheurs. L’objectif est de tirer de cette étude des recommandations très concrètes à destination des pouvoirs publics. Les propositions formulées participeront ainsi à la mise en place de politiques familiales et de santé adaptées aux besoins réels des enfants.
Origines du projet
Aucune étude d’envergure portant sur le développement et la socialisation des enfants depuis leur naissance n’avait jamais été lancée en France. Les enfants se montrent pourtant particulièrement sensibles au moindre changement survenant dans leur environnement. Certains de leurs organes ne sont pas encore matures, leur croissance est rapide, leur système immunitaire n’a pas achevé sa formation. Moins à même de se défendre qu’un adulte, l’enfant peut donc garder les traces de certains épisodes passés (un manque d’apports nutritionnels, l’absorption de substances contenues dans un jouet…) et développer, des années plus tard, certaines affections. D’un point de vue social et culturel, l’enfance et l’adolescence constituent également des périodes clés pour tout individu. Selon le sexe de l’enfant, son rang dans la fratrie, la composition de la famille, le milieu social dans lequel il vit, ses conditions matérielles d’existence, il connaît dès les premiers mois et les premières années des expériences différentes de la vie sociale. Il se forge des manières particulières de réagir à son environnement et se montre plus ou moins disponible pour les apprentissages. Son comportement en société se précise. Sa capacité à entrer en relation avec l’autre et à tisser des liens dépend grandement de ses toutes premières expériences affectives et sociales – avec ses parents, à la crèche, à l’école…
Alors que, dans de nombreux pays étrangers, les chercheurs organisent dès les années 50 les premiers suivis longitudinaux – c’est-à-dire dans le temps – de différentes populations, la France accuse dans ce domaine un réel retard. A une époque où l’environnement se modifie à grande vitesse, créant de nouvelles conditions de vie, causant de profondes transformations au sein de la société, il devient essentiel de lancer une vaste étude
sur la jeunesse française.
La naissance d’Elfe
Deux projets voient ainsi le jour. Le premier se développe au sein de l’unité mixte Ined-Inserm, à l’initiative du démographe Henri Leridon. Maintenant directeur de recherche émérite à l’Ined (Institut national d’études démographiques), cet ancien professeur associé au Collège de France entend proposer une approche pluridisciplinaire, permettant d’analyser divers aspects de la vie de l’enfant. Parallèlement, l’InVS (Institut de veille sanitaire) se voit chargé de mener une étude sur l’environnement et la santé de l’enfant dans le cadre du Plan national santé environnement élaboré en 2004 sous l’autorité des ministres de la Recherche, de la Santé, de l’Ecologie et du Travail. Destinée à faire le point sur les conséquences sanitaires de l’exposition des enfants à certaines pollutions, cette enquête est confiée à Georges Salines, responsable du département Santé-environnement, puis coordonnée par Stéphanie Vandentorren.
Deux projets pour un même objectif: aider les enfants d’aujourd’hui à grandir le mieux possible. Leur rapprochement paraît non seulement naturel mais également profitable aux différentes équipes. En juin 2005, ils fusionnent pour donner naissance à Elfe. Une même étude couvrira ainsi les champs de la santé, de l’environnement et des sciences sociales. Pour la mener à bien, le chiffre de 20 000 enfants – soit 1/40e des naissances françaises en 2011 – est arrêté.
Neuf partenaires participent aujourd’hui à l’enquête Elfe. Un Groupe d'intérêt scientifique les rassemble dès 2006, sous la houlette du professeur Leridon. Répondant à l’appel du GIS, plus de cinquante équipes de recherche appartenant aux universités, aux établissements publics de recherche et aux agences de santé rejoignent le projet. Quatre ans plus tard, une unité mixte Ined-Inserm-EFS remplace la structure du GIS et Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, prend la direction du projet. Henri Leridon est désormais conseiller scientifique, chargé des relations internationales sur le projet.
Elfe a reçu le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé et du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
Enquêtes pilotes
Une enquête d’une telle ampleur nécessite, comme tout projet ambitieux, une longue préparation. En guise de répétitions, l’équipe Elfe a décidé de lancer en 2007 deux études tests dans les maternités de douze départements. Plus de 500 familles ont accepté d’y prendre part. Depuis, de rendez-vous en questionnaires, le développement de leur enfant fait l’objet d’un suivi attentif. Grâce à chacune d’elles, l’organisation de l’étude Elfe n’a cessé de s’affiner pour assurer à tous les participants la parfaite réalisation du projet, de la prise de contact avec les parents à l’utilisation des informations recueillies.
Les critères de "sélection" des volontaires sont très simples : c’est en réalité la date et le lieu de naissance de l'enfant qui détermineront la possibilité pour lui de faire partie des 20 000 bébés Elfe. Dans chacune des 344 maternités sélectionnées, les sages-femmes s’intéresseront en effet aux nourrissons nés durant quatre périodes très précises. Quatre saisons, qui se succèderont du 1er avril au 4 avril, du 27 juin au 4 juillet, du 27 septembre au 4 octobre et enfin du 12 au 20 décembre.
Afin de mener l’entreprise avec autant de sécurité que d’efficacité, certaines situations particulières s’avèrent toutefois incompatibles avec l’étude. Les enfants nés avant 33 semaines d’aménorrhée – soit le début du huitième mois de grossesse – ne seront pas ainsi retenus dans la cohorte. De la même façon, en cas de naissances multiples de plus de deux enfants, de parents mineurs ou n’étant pas en mesure de donner un consentement éclairé, les familles ne seront pas sollicitées.
Organisation
L’étude Elfe est organisée par l’unité mixte Ined-Inserm-EFS "Elfe", née d’une convention de création établie entre deux grands établissements de recherche et l’Etablissement Français du Sang (EFS). La gouvernance générale du projet est assurée par un Comité de pilotage formé de représentants des différentes institutions partenaires. Les aspects scientifiques sont suivis par le Conseil scientifique composé de personnalités indépendantes, françaises et étrangères. Un groupe éthique associant notamment philosophes et juristes est chargé des questions éthiques.
Le Groupe de projet scientifique inclut les membres de l’unité Elfe, une quinzaine de chercheurs responsables de thématiques spécifiques ainsi que des groupes spécialisés ad hoc (méthodologie de la collecte, pratiques pédiatriques, informatique et sécurité des données, communication et coordination inter-instituts, etc).
A l’heure actuelle, plus de soixante équipes de recherche collaborent à l’étude Elfe. Membres d’universités, d’établissements publics de recherche et d’agences de santé, ils ont présenté plus de quatre-vingt dix propositions de recherche, toutes disciplines confondues.
Au total, la participation à l’étude a été proposée à 344 maternités tirées au sort et représentatives des 540 maternités qui sont actuellement en service dans l’hexagone. Les relations avec les maternités et professionnels de santé sont assurées par une équipe de 29 référents régionaux, qui encadrent près de 800 enquêtrices en maternité.
Les référents régionaux
ALSACE : Carole Ramousset
AQUITAINE : Marielle Boisguérin
AUVERGNE : Caroline Da Costa Correia
BASSE-NORMANDIE : Guillaume Grandazzi
BOURGOGNE : Ombeline Desplanches
BRETAGNE : Brigitte Le Lin
CENTRE : Marie-Paule Dabezies
CHAMPAGNE-ARDENNE : Sophie Millot
CORSE : Marie-Geneviève Pontus
FRANCHE-COMTÉ : Christian Balamou
HAUTE-NORMANDIE : Christiane Barbier
ILE-DE-FRANCE : Habiba Zaid (75), Christine Keiser (77), Isabelle Le Creff (78), Sophie Quinchard (92), Christine Piemont (94) et Mahfoud Grane (93 et 95)
LANGUEDOC-ROUSSILLON : Anne Menuet-Riou
LIMOUSIN : Claire Bahans
LORRAINE : Nicole Wirth
MIDI-PYRENÉES : Annie Caubisens
NORD-PAS-DE-CALAIS : Emmanuelle Joyez
PACA : Delphine Métayer et Anne Vandeborre
PAYS-DE-LA-LOIRE : Sylvie Saddier
PICARDIE : Béatrice Baby-Lafon
POITOU-CHARENTES : Isabelle Pichon
RHÔNE-ALPES : Odile Bernard (73 et 74), Isabelle Trogneux (26 et 38) et Monique Jordikian (42, 69, 1, 7 et 26)
L’Équipe projet Elfe
L’unité mixte Ined-Inserm-EFS Elfe
Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste à l’Inserm, dirige l’unité mixte Ined-Inserm-EFS « Elfe », assistée de deux directeurs adjoints, Patricia Dargent-Molina, épidémiologiste à l’Inserm, et Bertrand Geay, Professeur en Sciences de l’éducation à l’Université d’Amiens. Plus d’une vingtaine de personnes travaille actuellement au sein de l’unité Elfe qui comprend un conseiller scientifique chargé des relations internationales, un secrétaire général, un responsable des partenariats institutionnels et associatifs, quatre coordinateurs sectoriels en santé, santé-environnement et sciences sociales, deux coordinateurs nationaux pour la collecte en maternité et une assistante pour la collecte biologique, un pôle communication, un pôle systèmes d’information, deux gestionnaires de la base de données, une archiviste-documentaliste, un logisticien, deux secrétaires et un gestionnaire.
Les membres permanents de l’unité Elfe
Directrice : Marie-Aline Charles (Inserm)
Directeurs adjoints : Patricia Dargent-Molina (Inserm) et Bertrand Geay (Université de Picardie)
Conseiller scientifique, chargé des relations internationales : Henri Leridon (Ined)
Secrétaire général : Catherine Guevel (Ined)
Responsable des partenariats institutionnels et associatifs : Xavier Thierry (Ined)
Coordinateurs sectoriels : Jean-Louis Lanoë (Inserm) pour les sciences sociales ; Corinne Bois (Ined/PMI) et Marie-Noëlle Dufourg (Inserm) pour la santé ; IIias Kavouras pour l’axe environnement et santé
Pôle collecte en maternité : Patrick de Colomby, Cécile Zaros, Louise N’Diaye, Patricia Thauvin et Gabrielle Bouchet (Ined)
Pôle communication : Nathalia Baltzinger, Laure Gravier et Isabelle Milan (Ined)
Pôle système d'information : Ando Rakotonirina, Sophie de Visme, Rainer Kugel, Marie Cheminat, Karine Lautrédoux, Rui Borges-Paninho, Sarah
Cadorel et Guillaume Bringé (Ined)
Pôle administration-gestion : Meryem Zoubiri, Esther Nzali, Marc Girard (Ined)
Les groupes thématiques
A ce jour, il existe une vingtaine de groupes thématiques réfléchissant sur des questions de recherche distinctes mais toujours en interaction avec les autres groupes.
Dans le domaine social :
Socialisation-éducation : Marion Selz (Cnrs)
École : Agnès Florin (Université de Nantes)
Économie-précarité : Gaël De Perretti (Insee)
Démographie-famille : Didier Breton (Université de Strasbourg)
Dans le domaine de la santé :
Alimentation-nutrition-métabolisme : Christine Tichit (Inra) et Ahluwalia Naman (Inserm)
Activité physique : Patricia Dargent (Inserm)
Développement psychomoteur : Catherine Arnaud (Inserm)
Croissance physique et puberté : Barbara Heude (Inserm)
Maladies respiratoires, asthme et allergies : Chantal Raherison (CHU Bordeaux)
Santé mentale : Maria Melchior (Inserm) et Sylvana Côte (Inserm)
Recours aux soins et santé bucco-dentaire : Corinne Bois (PMI Haut-de-Seine)
Périnatalité : Blondel Béatrice (Inserm)
Cancers : Jacqueline Clavel (Inserm)
Maladies infectieuses : Véronique Goulet (Invs)
Accidents et traumatismes : Bertrand Thélot (InVS) et Cécile Ricard (InVS)
Dans le domaine des relations santé-environnement :
Expositions physiques : Blandine Vacquier (InVS)
Expositions aux polluants de l’environnement : Stéphanie Vandentorren (InVS), Céline Boudet (Ineris) et Christophe Declercq (InVS)
Les partenaires
Plusieurs organismes de recherche et institutions gouvernementales se sont associés à l’étude Elfe. Ils sont désormais au nombre de neuf.
L’Ined (Institut national d’études démographiques) étudie les populations de la France et des pays étrangers sous tous leurs aspects (démographiques, historiques, sociologiques, économiques…). Il est le plus important institut de recherche démographique au monde.
L’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine. Il assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale.
L’EFS (Etablissement Français du Sang) est l’opérateur civil unique de la transfusion sanguine (don de sang, don de plasma et don de plaquettes) en France. Il est le garant de la sécurité de la chaîne trans-fusionnelle, du
donneur au receveur.
L’InVS (Institut de veille sanitaire) est chargé de la surveillance de l’état de santé de la population. Il étudie les causes et l’évolution des risques sanitaires, alerte le ministère de la Santé en cas de menace et contribue à gérer les crises sanitaires.
L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) constitue une direction générale du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Il produit, analyse et diffuse des informations (notamment statistiques) sur l’économie et la société françaises.
La DGPR (Direction générale de la prévention des risques). Au sein du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, la DGPR met en œuvre les politiques de précaution, de prévention et de protection en matière de risques – qu’ils soient chroniques, accidentels, technologiques ou naturels.
La Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) dépend des ministères en charge de la santé et des affaires sociales. Elle livre informations et analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales. Ces renseignements sont destinés aux décideurs publics, aux citoyens et aux responsables économiques et sociaux.
La DGS (Direction générale de la santé). Instance du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, la DGS détermine les politiques de santé et les stratégies d’intervention.
La Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) est une composante de la Sécurité sociale. Acteur majeur de la solidarité nationale, la Cnaf verse des allocations d’aide aux familles et aux personnes en situation de précarité.
Trois orientations majeures
Trois orientations majeures ont été définies dans le cadre de l’étude Elfe. Les différents projets de recherche retenus par l’équipe ont donc été répartis, selon leur thématique, entre ces trois axes.
Sciences sociales
L’analyse longitudinale permettra de suivre l’histoire des enfants en prenant en considération celle de leurs parents, et donc de repérer les changements de structure familiale. Au-delà d’une description relativement fine des différentes situations familiales, on s’intéressera à leur impact sur la vie et le développement des enfants, directement concernés par ces changements. On s’intéressera aussi aux univers qui participent à la socialisation de l’enfant : entourage familial, institutions (crèches, écoles,associations culturelles et sportives, etc.), relations extra-familiales. L’étude Elfe prendra en compte les interactions entre l’enfant et son entourage afin de mieux saisir et comprendre les éléments se rattachant à son insertion sociale, ce qui conduira à une analyse fine des inégalités et différenciations sociales.
Pour ce qui est de l’éducation, on suivra les parcours scolaires afin d’avoir une connaissance précise des problèmes rencontrés par les enfants à différentes étapes de leur vie, notamment lorsqu’apparaissent des difficultés dans l’apprentissage, la réussite et l’orientation scolaires. Enfin, le recueil biographique relatif aux parents de l’enfant permettra d’avoir un aperçu de leurs trajectoires scolaires et professionnelles et de situer les phases de rupture ou de changement dans les conditions de vie de la famille.
Santé
Poids et taille sont des indicateurs essentiels en matière de croissance. Dans la cohorte, ils seront documentés à travers les données du carnet de santé et, pour un sous-échantillon, de nombreuses mesures anthropométriques seront prises au domicile de l’enfant par un professionnel de santé.
On s’intéressera par ailleurs aux pratiques alimentaires dans la mesure où l’alimentation joue un rôle très important dans le développement et la santé de l’enfant. Elles seront étudiées du point de vue de l’impact des apports nutritionnels et de la socialisation alimentaire. L’approche de cohorte offre aussi la possibilité d’étudier les trajectoires et les facteurs de risque des troubles du développement, ainsi que les processus de protection et de réparation. Le développement moteur, cognitif, langagier, social et affectif de l’enfant sera analysé, notamment en fonction de facteurs sociodémographiques et médicaux (prématurité, maladies chroniques, etc.).
Afin de mieux comprendre les inégalités sociales de santé qui peuvent exister dès les premières années de la vie des enfants, nous étudierons les différences de recours aux soins, l’exposition, éventuellement cumulée, à des conditions environnementales ou de mode de vie défavorables, et nous complèterons cette approche individuelle avec une approche par territoires. L’asthme et l’obésité sont les maladies chroniques les plus répandues chez les enfants. Leurs étiologies sont multifactorielles. Elfe permettra d’étudier les interactions complexes entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux.
Santé-environnement
Les enfants sont susceptibles d’être exposés par inhalation, ingestion, contact cutané, etc., à différents composants chimiques, tant in utero qu’après leur naissance. Elfe permettra de mesurer la contamination individuelle des enfants à différents produits et d’observer la survenue éventuelle de troubles, notamment neurotoxiques et endocriniens.
L’estimation de l’exposition reposera sur des prélèvements biologiques non invasifs au moment de la naissance chez la mère et le nouveau-né, puis chez l’enfant à d’autres périodes clés de son développement. Les enfants sont également exposés aux rayonnements naturels comme les UV, et aux rayonnements ionisants dans le cadre d’examens médicaux.
L’étude Elfe offrira la possibilité d’évaluer ces expositions et d’observer la survenue des pathologies associées. Par ailleurs, le suivi des enfants depuis la naissance permettra d’évaluer leur exposition aux polluants que l’on peut trouver dans l’eau et l’air, et d’observer la survenue de diverses pathologies comme les maladies respiratoires.
Zoom sur les thématiques
1. Sciences sociales
Démographie-famille
Les chercheurs travaillant sur cette thématique observent l’évolution des structures familiales (séparation, remariage, deuil, résidence alternée…) et leurs effets sur l’enfant. Mais ils explorent aussi les liens intergénérationnels : la place des grands-parents dans l’éducation ou encore la transmission des valeurs et des pratiques culturelles s’avèrent de première importance pour l’étude.
Socialisation-éducation
Quels ingrédients participent à la socialisation de l'individu ? Quel rôle jouent les parents, les institutions, les fréquentations de l’enfant dans ce processus ? Elfe cherche à répondre à ce type de questions par l’analyse des modes de vie de l’enfant, de son accès à la culture, aux loisirs et aux médias… L’éducation (à l’école mais aussi au sein de la famille) est également au centre des recherches, dans l’objectif affiché de repérer les facteurs d’inégalités. L’étude s’intéresse ainsi aux épisodes clés de la vie de l’enfant durant son parcours scolaire : difficultés dans l’apprentissage, réussite, orientation scolaire. Parallèlement, l’analyse des trajectoires scolaires et professionnelles de ses parents aidera à situer les phases de changement dans les conditions de vie de la famille.
Économie-précarité
Les trajectoires professionnelles des parents peuvent subir de profonds changements, s'accompagner de périodes d’inactivité ou de mobilité résidentielle, qui peuvent être difficilement vécues par l'enfant. L’étude vise à comprendre comment ces bouleversements se répercutent sur son développement.
2. Santé
Les trajectoires professionnelles des parents peuvent subir de profonds changements, s'accompagner de périodes d’inactivité ou de mobilité résidentielle, qui peuvent être difficilement vécues par l'enfant. L’étude vise à comprendre comment ces bouleversements se répercutent sur son développement.
Alimentation-nutrition
L’alimentation du nourrisson joue un rôle très important dans son développement et sa santé future. Pour mieux le comprendre, il est nécessaire de se pencher sur l’impact des apports nutritionnels et du processus de "socialisation alimentaire", par lequel l’enfant tend à s’adapter aux modes alimentaires du groupe socioculturel dont il est issu. La première année d’observation est notamment centrée sur l’alimentation périnatale (de la fin de la grossesse aux premiers jours du bébé), l’allaitement, le sevrage et les modes de diversification alimentaire. Une attention particulière sera portée, tout au long de l’étude Elfe, au lien entre alimentation, hygiène de vie et évolution pondérale, afin de prévenir les risques d’obésité.
Périnatalité
La bonne santé du jeune enfant est largement conditionnée par le déroulement de la grossesse et les circonstances de l’accouchement. L’équipe en charge de la périnatalité examine le poids de naissance de l’enfant, son éventuelle prématurité et son état de santé – sans oublier de prendre en compte les différents facteurs de risque, comme l’état de santé et les conditions de vie de la mère, le recours aux soins ou l’environnement.
Développement psychomoteur
Il s’agit ici de mieux connaitre les facteurs de risque des troubles neurologiques et psychiques du développement (troubles de la fonction visuelle, du langage, du sommeil…). Dans cette optique, les chercheurs étudient le développement moteur, cognitif, social et affectif de l’enfant ainsi que l’évolution de son langage. Leur objectif est de vérifier l’hypothèse qu’un bouleversement dans l’environnement de l’enfant (une
séparation, un accident…) peut affecter son développement psychomoteur.
Accidents et traumatismes
Les accidents de la vie courante constituent la première cause de mortalité chez l'enfant. Ils sont fréquemment causés par l'utilisation d'un produit, une chute au domicile (dans un escalier ou une baignoire par exemple) et certains événements particuliers (déménagement, nouvelle naissance, conflit familial...). Les travaux sur ce thème permettent d’estimer l’incidence de tels traumatismes et d’analyser le devenir des jeunes qui en sont victimes.
Asthme, maladies respiratoires et allergies
Depuis plusieurs décennies, l’asthme et les allergies se multiplient dans les pays industrialisés. À travers l’étude longitudinale, l’exposition des enfants à des substances allergènes (par inhalation, par ingestion ou encore par contact avec la peau) et le développement de pathologies respiratoires sont examinées de près. Les résultats obtenus permettront d’expliquer pourquoi, dans la petite enfance, certains facteurs conditionnent l’apparition d’une maladie respiratoire à l’adolescence.
Recours aux soins
Elfe enquête sur le recours aux soins dès que l’enfant et sa mère quittent la maternité. Au cœur de ses recherches : le repérage des inégalités et des différences sociales dans l’accès aux soins. Les spécialistes de cette thématique mettent en relation les pathologies rencontrées, la qualité de vie de l’enfant, les événements vécus et certaines données socio-démographiques (âge, profession, habitat, niveau d’éducation…).
Maladies infectieuses
Un certain nombre d'infections contractées par la femme durant sa grossesse se transmettent au fœtus et peuvent avoir des répercussions plus ou moins importantes sur la santé de son bébé. Ce type de maladies affecte par exemple le développement psychomoteur ou neurosensoriel de l’enfant, comme dans le cas de la toxoplasmose.
Activité physique
L’activité physique représente un élément clé dans la santé de l’enfant et un important facteur de développement. Or les activités et les loisirs se sont considérablement transformés ces dernières années. Elfe se propose de déterminer l’impact de ces modifications sur la santé des jeunes, en particulier sur le développement du surpoids et de l’obésité.
3. Santé-environnement
Les enfants sont susceptibles d’être exposés à des composants chimiques, tant pendant la grossesse qu’après leur naissance. Elfe vise à mesurer la contamination individuelle des enfants à différents produits et polluants, traquant l’apparition éventuelle de troubles, notamment neurotoxiques et endocriniens. Les chercheurs s’interrogent également sur les pathologies consécutives à une exposition aux rayonnements naturels, comme les UV, ou aux rayonnements ionisants reçus dans le cadre d’examens médicaux.
Exposition aux polluants de l’environnement
Les enfants sont au contact de l’air et de l’eau de façon permanente. Lorsque ces milieux sont pollués par la présence de composés toxiques, la santé de l’individu s’en trouve affectée. Les poumons d’un enfant étant en plein développement, les dommages causés par une exposition prolongée à des polluants atmosphériques peuvent nuire à ce développement et entraîner des maladies pulmonaires chroniques. Elfe offre la possibilité de connaître plus précisément l’exposition domestique des enfants à certaines substances polluantes, mais aussi de mieux appréhender l’apparition de pathologies, comme les troubles neurotoxiques et les perturbations endocriniennes.
Expositions physiques
Dotés d’une peau plus fine, familiers des jeux en plein air, les enfants se trouvent plus exposés que les adultes aux rayonnements. Ils y sont également plus sensibles. D’où l’importance des travaux des chercheurs sur l’incidence d’une exposition à différents types de rayonnement – UV, exposition médicale aux rayonnements ionisants ou exposition au radon (gaz radioactif qui peut s’accumuler dans une atmosphère confinée) – une maison ou une école par exemple.
D’autres thématiques encore sont au programme : l’école, la croissance physique et la puberté, la pédiatrie, les cancers, la santé mentale…
Et ailleurs…
Plusieurs études de suivi d’enfants depuis la naissance – que les chercheurs appellent cohortes de naissance - existent à l’étranger. La Grande-Bretagne a été précurseur en la matière, avec la mise en place d’une première cohorte représentative au niveau national en 1946 (The 1946 National Birth Cohort), puis d’autres cohortes en 1958 (National Child Development Study), en 1970 (British Cohort Study) et en 2000 (Millenium Cohort).
Les résultats de ces études permettent de mieux comprendre l’impact de l’environnement précoce sur la santé et les causes des inégalités dans le domaine social et de la santé. Les chercheurs ont ainsi montré que les enfants dont les parents sont dans une situation économique et sociale fragile ont moins de chance d'atteindre le même niveau de compétences et de connaissances que les enfants issus de milieux socio-économiques favorisés, l’écart se creusant au fil des ans. En outre, les enfants dont les scores aux tests de développement sont faibles à 2 ans, mais qui appartiennent à des milieux favorisés, parviennent à rattraper leur retard, tandis que les enfants issus de milieux défavorisés ayant obtenu des scores élevés au même âge perdent cet avantage au fil des années. Côté santé, on a pu montrer que les adultes dont la mère avait fumé pendant toute la grossesse avaient une fréquence accrue de surpoids et de risques cardiovasculaires, et ce de façon croissante avec le nombre de cigarettes fumées.
Des cohortes ont aussi été constituées aux Etats-Unis, dans les pays nordiques ou bien encore en Irlande, en Ecosse, aux Pays-Bas, au Canada et en Australie.
Dans la presse
Presse quotidienne nationale
Le Monde du 07/04/11: "Une soixantaine d’équipes de recherche, composées de médecins, démographes, économistes, psychologues… exploiteront les données et des résultats seront publiés à chaque grande étape de l’enquête. L’implication du père est aussi une singularité."
Libération du 25/02/11: "Dans cette enquête, il s’agira aussi de connaître les comportements alimentaires, les inégalités sociales de santé, ou encore de l’exposition aux médias et aux nouvelles technologies."
Les Échos du 24/02/11: "Le projet sera lancé sur le terrain fin mars et piloté par l’Institut National d’Etudes Démographiques et l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale."
La Croix du 24/02/11: "C’est la première fois qu’un projet national de cet ampleur est lancé en France indique Henri Léridon, directeur de recherche émérite à l’Ined."
Le Figaro du 27/01/11: "344 maternités ont été tirées au sort sur le territoire métropolitain (…). Les questions santé et environnement sont des thématiques auxquelles les mamans adhérent beaucoup, explique Marie-Aline Charles, qui dirige l’unité Ined-Inserm."
Presse quotidienne régionale
La Provence du 02/04/11: "La plus grande enquête jamais réalisée sur l’enfance a débuté hier dans les maternités. Papas et mamans, s’ils le souhaitent, peuvent y participer jusqu’aux 20 ans de leur enfant."
La Dépêche du Midi du 01/04/11: "Les enfants d’aujourd’hui grandissent-ils au même rythme que ceux d’hier? L’objectif ultime de l’étude Elfe est de produire des connaissances qui contribueront à améliorer la santé et le bien être de tous les enfants."
La Voix du Nord du 31/03/11: " Le but est de dresser un panorama de l’enfance en France. Cela donnera des clés de compréhension aux élus, avec des données autant médicales que sociales ou liées à l’environnement."
L’Est Eclair du 25/02/11: " Le chiffre : 20 000. Lancée le mois prochain et pilotée par l’Ined et l’Inserm, cette étude constitue une première en France."
L’Union du 25/02/11: " Étudier l’impact de l’environnement sur le développement humain : c’est l’un des objectifs d’une vaste étude scientifique portant sur 20 000 enfants nés en France, suivis du berceau à l’âge adulte."
Le Parisien du 24/02/11: "Pour chaque enfant, dès les premiers jours qui suivent l’accouchement, la mère sera questionnée (alimentation, déroulement de la grossesse…). "
Presse spécialisée
Destination Santé du 01/04/11: " Quatre périodes de l’année ont été sélectionnées pour représenter chaque saison : début avril, fin juin/début juillet, fin septembre/début octobre et mi-décembre."
Le journal des professionnels de l’enfance de mars 2011: " Il sera non seulement question de détecter d’éventuels liens entre les substances chimiques et la survenue de certaines maladies, mais aussi de surveiller les conséquences sociales possibles, notamment sur le parcours scolaire des enfants."
Objectifs soins de mars 2011: "Lancée en 2007 auprès de 1000 familles et 12 départements, Elfe sera généralisée à l’ensemble du territoire fin mars 2011 et s’étendra sur 20 ans."
Le quotidien du médecin du 24/02/11: " Plus de 90 projets de recherche sont déjà définis. L’ambition est celle de comprendre comment l’environnement affecte le développent des enfants, leur santé, leur socialisation et leur parcours scolaire. Un objectif d’autant plus intéressant que cet environnement a beaucoup changé au cours de ces dernières décennies."
Le Généraliste du 04/02/11: " Baptisée Elfe, l’étude permettra de mieux connaître l’exposition des enfants aux polluants chimiques tels que les pesticides, et les effets sur le développement neuro-comportemental et endocrinien."
Presse magazine
Marianne du 9-15/04/11: "Préférences alimentaires, résultats à l’école, relations familiales, une foule de données seront recueillies."
Neuf Mois magazine d’avril 2011: " Les futures mamans seront invitées à rejoindre l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), destinée à établir des liens entre pollution chimique et développement de l’enfant (santé, socialisation, parcours scolaire). L’occasion de mettre à jour ses connaissances environnementales pour mieux protéger bébé !"
Sciences et avenir de mars 2011: " Elfe évaluera aussi les effets à long terme de la pollution intérieure et extérieure sur la santé des enfants."
Pèlerin magazine du 03/03/11: " Les premiers résultats de cet ambitieux projet baptisé Elfe, piloté par l’Ined et l’Inserm, seront connus à partir de 2013."
Mon quotidien du 01/03/11: " Étudier le quotidien des jeunes afin d’en savoir plus sur leur santé et comment ils évoluent en grandissant. C’est le but de l‘étude Elfe qui commencera fin mars."
Femme actuelle du 21-27/02/11: "Je fais appel à vos lectrices : les volontaires sont les bienvenues. Pour ma part, j’aurai adoré me prêter à ce type d’étude. C’est un geste civique. " Nathalie Kosciusko-Morizet
Source: Etude longitudinale française depuis l'enfance
Des interrogations éthiques
Le projet Elfe n'étant pour l'instant qu'à ses tous débuts, il suscite de nombreuses questions. Or, s'agissant d'une étude d'une telle ampleur, et étant donné le nombre de partenaires engagés, les chercheurs impliqués doivent être capables de nous éclairer. "Il faudra une information extrêmement claire et rigoureuse des parents, pour ne pas se trouver dans la situation de la MGEN qui a dû retirer l'enquête lancée sur la santé des enfants", estime Jean-Paul Amann, philosophe et éthicien, membre du comité d'éthique du projet Elfe.
Un comité d'éthique spécifique a donc déjà été composé. Pourquoi ne pas recourir aux comités d'éthique déjà existants dans ces différents laboratoires? Sur ce type de gros projet, il est fréquent de désigner quelques personnes qui suivront le sujet sur le long terme. Par ailleurs, comme le prévoit la loi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est régulièrement consultée pour vérifier la fiabilité du système informatique de recueil et de sauvegarde des données, et juger de l'opportunité des croisements des différents fichiers. Le projet a aussi déjà été présenté au Conseil national de l’information statistique (CNIS), qui devra avaliser le contenu des questionnaires. Enfin, un Comité de protection des personnes (CPP) devra donner sa validation finale au projet sur les aspects de recherche biomédicale, ainsi que le Comité consultatif pour le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS).
Parmi les questions débattues, notamment au sein du comité d'éthique, figurera celle de l'information des parents et des enfants. Sur un sujet si complexe, l'information pourrait passer par des spots radio, ou par différents relais institutionnels (Cnam, Cnaf, médecine scolaire, etc.). "La règle veut que dans ce type d'enquête, ce soit les investigateurs qui informent les parents, explique Jean-Paul Amann. Mais il faudra bien faire la différence entre l'information et l'incitation. Il y a dans ce domaine une frontière éthique à ne pas dépasser : les parents ne doivent pas subir une pression même morale, pour répondre à ce type d'enquête, mais conserver une liberté de choix totale. Un choix social a été fait de lancer cette enquête d'investigation, car nous sommes dans une société qui croit au progrès scientifique : c’est en tout cas le postulat de départ de l’Ined, l’Inserm, l’Invs, la Cnaf, du ministère de la Santé, bref de tous les partenaires de cette enquête. Personnellement, par exemple, j'ai accepté de faire partie du groupe d'éthique d'Elfe car j'ai un a priori favorable à ce type de travail épidémiologique. Mais d'autres ont une vision très critique de la recherche, en génétique notamment. Il est donc important de ne pas fausser le sens du volontariat." D'autant que pour les familles, il n'y aura pas de bénéfice direct à retirer de ce type d'enquête. Le bénéfice attendu est pour la société dans son ensemble. "Nous ne sommes pas dans le cadre par exemple de tests de médicament, où les malades participant aux essais peuvent espérer en retirer un intérêt direct d'amélioration de leur état de santé", souligne Jean-Paul Amann.
Autre préoccupation, la garantie de l'anonymat : "Toutes les données entrées dans la base seront anonymisées, et en aucun cas il ne s'agit de constituer une méga base sur des individus", explique Henri Leridon. Chaque étape de l’enquête donnera lieu à un fichier distinct, doté d’un identifiant (numéro) spécifique.
Les clés de correspondance seront détenues par un "tiers de confiance", dûment agréé, qui n’aura lui-même pas accès aux données. Pour un travail de recherche donné, une sélection des données transférables à l’équipe de chercheurs demandeuse sera élaborée. "Par exemple, on ne transférera pas un fichier contenant à la fois une localisation géographique très précise et des données sociodémographiques fines (âge, profession) permettant d'identifier indirectement les personnes", poursuit Henri Leridon.
De plus, les informations médicales résultant de prélèvements biologiques seront conservées dans une base de données séparée, avec les précautions habituelles des biothèques. "Nous avions au départ pensé construire un système de protection de l'identité totalement irréversible, explique Henri Leridon. Mais nous nous orientons finalement vers un système réversible, pour deux raisons. D’une part, cela aurait obligé à constituer une énorme base unique, ce qui n’est pas souhaitable. D’autre part, il ne faut pas s’interdire totalement de pouvoir revenir dans certains cas vers les familles. Par exemple, pour les dosages dont on connaît le seuil critique (le plomb et le CMV), il faut pouvoir prévenir les familles qui seraient trop exposées... C’est une obligation légale.
Par ailleurs, si on découvre dans quinze ans que tel polluant mesuré aujourd'hui mais considéré comme mineur peut en fait causer de graves pathologies, il faudra bien être capable de revenir en arrière, et alerter les familles concernées." Pour résumer, l'anonymat est garanti, mais pourra être levé en cas de nécessité sanitaire.
"Cela dit, il faut rappeler que la garantie d'anonymat, malgré toutes les précautions prises, n'est jamais absolue", estime Jean Paul Amann. On ne peut jamais dire que dans dix ou vingt ans, les protections informatiques entourant ce protocole ne seront pas dépassées…
Dès avril 2011, les professionnels de santé de 344 maternités – tirées au sort dans toute la métropole – proposeront aux mères concernées de participer à cette enquête ambitieuse et inédite. Au total, 20 000 enfants, nés en 2011 et issus de tous les milieux sociaux, formeront le cœur de l’étude – la cohorte selon le terme utilisé par les démographes. Le coup d’envoi du projet Elfe, échelonné sur quatre périodes de l’année, est officiellement lancé le 1er avril 2011.
Elfe est la première étude longitudinale française consacrée au suivi de 20 000 enfants, de la naissance à l’âge adulte, qui aborde les multiples aspects de la vie de l’enfant sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de la santé-environnement. Lancée auprès de 500 familles pilotes en 2007, elle est généralisée en France métropolitaine en 2011. Soutenue par les ministères en charge de la Recherche, de la Santé, et de l'Écologie, ainsi que par un ensemble d’organismes de recherche et d’autres institutions, l’étude Elfe mobilise plus de 60 équipes de recherche, soit 400 chercheurs, avec plus de 90 sujets spécifiques.Les premiers résultats devraient être publiés en 2013.
Objectifs de l’étude
Exemples de recherches
Grâce à l’étude Elfe, il sera désormais possible de connaître précisément les conséquences d’une naissance prématurée ou l’incidence d’infections contractées par la mère pendant sa grossesse sur la santé future de son bébé. Les chercheurs recueilleront également d’importantes informations sur l’impact d’une exposition à divers polluants comme le plomb, les pesticides ou les phtalates – présents dans de nombreux produits de consommation en plastique et dans les cosmétiques.
Nombre de substances polluantes sont suspectées d’être responsables des allergies, de plus en plus nombreuses, qui affectent la santé de l’enfant. Mais d’autres causes existent : les scientifiques s’interrogent aussi sur le lien entre l’introduction précoce de certains aliments et le risque d’allergies alimentaires. Une question à laquelle l’étude de l’alimentation du nourrisson devrait apporter de précieux éléments de réponses.
Les allergies ne sont pas les seules affections en augmentation : l’asthme et l’obésité s’avèrent aujourd’hui les deux maladies chroniques les plus répandues chez les jeunes. Pourquoi ? C’est ce que l’examen minutieux des interactions entre génétique et environnement cherchera à expliquer.
Tous ces thèmes, et bien d’autres encore figurent au cœur de l’enquête Elfe. Mais il ne s’agit pas seulement d’enrichir les connaissances des chercheurs. L’objectif est de tirer de cette étude des recommandations très concrètes à destination des pouvoirs publics. Les propositions formulées participeront ainsi à la mise en place de politiques familiales et de santé adaptées aux besoins réels des enfants.
Origines du projet
Aucune étude d’envergure portant sur le développement et la socialisation des enfants depuis leur naissance n’avait jamais été lancée en France. Les enfants se montrent pourtant particulièrement sensibles au moindre changement survenant dans leur environnement. Certains de leurs organes ne sont pas encore matures, leur croissance est rapide, leur système immunitaire n’a pas achevé sa formation. Moins à même de se défendre qu’un adulte, l’enfant peut donc garder les traces de certains épisodes passés (un manque d’apports nutritionnels, l’absorption de substances contenues dans un jouet…) et développer, des années plus tard, certaines affections. D’un point de vue social et culturel, l’enfance et l’adolescence constituent également des périodes clés pour tout individu. Selon le sexe de l’enfant, son rang dans la fratrie, la composition de la famille, le milieu social dans lequel il vit, ses conditions matérielles d’existence, il connaît dès les premiers mois et les premières années des expériences différentes de la vie sociale. Il se forge des manières particulières de réagir à son environnement et se montre plus ou moins disponible pour les apprentissages. Son comportement en société se précise. Sa capacité à entrer en relation avec l’autre et à tisser des liens dépend grandement de ses toutes premières expériences affectives et sociales – avec ses parents, à la crèche, à l’école…
Alors que, dans de nombreux pays étrangers, les chercheurs organisent dès les années 50 les premiers suivis longitudinaux – c’est-à-dire dans le temps – de différentes populations, la France accuse dans ce domaine un réel retard. A une époque où l’environnement se modifie à grande vitesse, créant de nouvelles conditions de vie, causant de profondes transformations au sein de la société, il devient essentiel de lancer une vaste étude
sur la jeunesse française.
La naissance d’Elfe
Deux projets voient ainsi le jour. Le premier se développe au sein de l’unité mixte Ined-Inserm, à l’initiative du démographe Henri Leridon. Maintenant directeur de recherche émérite à l’Ined (Institut national d’études démographiques), cet ancien professeur associé au Collège de France entend proposer une approche pluridisciplinaire, permettant d’analyser divers aspects de la vie de l’enfant. Parallèlement, l’InVS (Institut de veille sanitaire) se voit chargé de mener une étude sur l’environnement et la santé de l’enfant dans le cadre du Plan national santé environnement élaboré en 2004 sous l’autorité des ministres de la Recherche, de la Santé, de l’Ecologie et du Travail. Destinée à faire le point sur les conséquences sanitaires de l’exposition des enfants à certaines pollutions, cette enquête est confiée à Georges Salines, responsable du département Santé-environnement, puis coordonnée par Stéphanie Vandentorren.
Deux projets pour un même objectif: aider les enfants d’aujourd’hui à grandir le mieux possible. Leur rapprochement paraît non seulement naturel mais également profitable aux différentes équipes. En juin 2005, ils fusionnent pour donner naissance à Elfe. Une même étude couvrira ainsi les champs de la santé, de l’environnement et des sciences sociales. Pour la mener à bien, le chiffre de 20 000 enfants – soit 1/40e des naissances françaises en 2011 – est arrêté.
Neuf partenaires participent aujourd’hui à l’enquête Elfe. Un Groupe d'intérêt scientifique les rassemble dès 2006, sous la houlette du professeur Leridon. Répondant à l’appel du GIS, plus de cinquante équipes de recherche appartenant aux universités, aux établissements publics de recherche et aux agences de santé rejoignent le projet. Quatre ans plus tard, une unité mixte Ined-Inserm-EFS remplace la structure du GIS et Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, prend la direction du projet. Henri Leridon est désormais conseiller scientifique, chargé des relations internationales sur le projet.
Elfe a reçu le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé et du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
Enquêtes pilotes
Une enquête d’une telle ampleur nécessite, comme tout projet ambitieux, une longue préparation. En guise de répétitions, l’équipe Elfe a décidé de lancer en 2007 deux études tests dans les maternités de douze départements. Plus de 500 familles ont accepté d’y prendre part. Depuis, de rendez-vous en questionnaires, le développement de leur enfant fait l’objet d’un suivi attentif. Grâce à chacune d’elles, l’organisation de l’étude Elfe n’a cessé de s’affiner pour assurer à tous les participants la parfaite réalisation du projet, de la prise de contact avec les parents à l’utilisation des informations recueillies.
Les critères de "sélection" des volontaires sont très simples : c’est en réalité la date et le lieu de naissance de l'enfant qui détermineront la possibilité pour lui de faire partie des 20 000 bébés Elfe. Dans chacune des 344 maternités sélectionnées, les sages-femmes s’intéresseront en effet aux nourrissons nés durant quatre périodes très précises. Quatre saisons, qui se succèderont du 1er avril au 4 avril, du 27 juin au 4 juillet, du 27 septembre au 4 octobre et enfin du 12 au 20 décembre.
Afin de mener l’entreprise avec autant de sécurité que d’efficacité, certaines situations particulières s’avèrent toutefois incompatibles avec l’étude. Les enfants nés avant 33 semaines d’aménorrhée – soit le début du huitième mois de grossesse – ne seront pas ainsi retenus dans la cohorte. De la même façon, en cas de naissances multiples de plus de deux enfants, de parents mineurs ou n’étant pas en mesure de donner un consentement éclairé, les familles ne seront pas sollicitées.
Organisation
L’étude Elfe est organisée par l’unité mixte Ined-Inserm-EFS "Elfe", née d’une convention de création établie entre deux grands établissements de recherche et l’Etablissement Français du Sang (EFS). La gouvernance générale du projet est assurée par un Comité de pilotage formé de représentants des différentes institutions partenaires. Les aspects scientifiques sont suivis par le Conseil scientifique composé de personnalités indépendantes, françaises et étrangères. Un groupe éthique associant notamment philosophes et juristes est chargé des questions éthiques.
Le Groupe de projet scientifique inclut les membres de l’unité Elfe, une quinzaine de chercheurs responsables de thématiques spécifiques ainsi que des groupes spécialisés ad hoc (méthodologie de la collecte, pratiques pédiatriques, informatique et sécurité des données, communication et coordination inter-instituts, etc).
A l’heure actuelle, plus de soixante équipes de recherche collaborent à l’étude Elfe. Membres d’universités, d’établissements publics de recherche et d’agences de santé, ils ont présenté plus de quatre-vingt dix propositions de recherche, toutes disciplines confondues.
Au total, la participation à l’étude a été proposée à 344 maternités tirées au sort et représentatives des 540 maternités qui sont actuellement en service dans l’hexagone. Les relations avec les maternités et professionnels de santé sont assurées par une équipe de 29 référents régionaux, qui encadrent près de 800 enquêtrices en maternité.
Les référents régionaux
ALSACE : Carole Ramousset
AQUITAINE : Marielle Boisguérin
AUVERGNE : Caroline Da Costa Correia
BASSE-NORMANDIE : Guillaume Grandazzi
BOURGOGNE : Ombeline Desplanches
BRETAGNE : Brigitte Le Lin
CENTRE : Marie-Paule Dabezies
CHAMPAGNE-ARDENNE : Sophie Millot
CORSE : Marie-Geneviève Pontus
FRANCHE-COMTÉ : Christian Balamou
HAUTE-NORMANDIE : Christiane Barbier
ILE-DE-FRANCE : Habiba Zaid (75), Christine Keiser (77), Isabelle Le Creff (78), Sophie Quinchard (92), Christine Piemont (94) et Mahfoud Grane (93 et 95)
LANGUEDOC-ROUSSILLON : Anne Menuet-Riou
LIMOUSIN : Claire Bahans
LORRAINE : Nicole Wirth
MIDI-PYRENÉES : Annie Caubisens
NORD-PAS-DE-CALAIS : Emmanuelle Joyez
PACA : Delphine Métayer et Anne Vandeborre
PAYS-DE-LA-LOIRE : Sylvie Saddier
PICARDIE : Béatrice Baby-Lafon
POITOU-CHARENTES : Isabelle Pichon
RHÔNE-ALPES : Odile Bernard (73 et 74), Isabelle Trogneux (26 et 38) et Monique Jordikian (42, 69, 1, 7 et 26)
L’Équipe projet Elfe
L’unité mixte Ined-Inserm-EFS Elfe
Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste à l’Inserm, dirige l’unité mixte Ined-Inserm-EFS « Elfe », assistée de deux directeurs adjoints, Patricia Dargent-Molina, épidémiologiste à l’Inserm, et Bertrand Geay, Professeur en Sciences de l’éducation à l’Université d’Amiens. Plus d’une vingtaine de personnes travaille actuellement au sein de l’unité Elfe qui comprend un conseiller scientifique chargé des relations internationales, un secrétaire général, un responsable des partenariats institutionnels et associatifs, quatre coordinateurs sectoriels en santé, santé-environnement et sciences sociales, deux coordinateurs nationaux pour la collecte en maternité et une assistante pour la collecte biologique, un pôle communication, un pôle systèmes d’information, deux gestionnaires de la base de données, une archiviste-documentaliste, un logisticien, deux secrétaires et un gestionnaire.
Les membres permanents de l’unité Elfe
Directrice : Marie-Aline Charles (Inserm)
Directeurs adjoints : Patricia Dargent-Molina (Inserm) et Bertrand Geay (Université de Picardie)
Conseiller scientifique, chargé des relations internationales : Henri Leridon (Ined)
Secrétaire général : Catherine Guevel (Ined)
Responsable des partenariats institutionnels et associatifs : Xavier Thierry (Ined)
Coordinateurs sectoriels : Jean-Louis Lanoë (Inserm) pour les sciences sociales ; Corinne Bois (Ined/PMI) et Marie-Noëlle Dufourg (Inserm) pour la santé ; IIias Kavouras pour l’axe environnement et santé
Pôle collecte en maternité : Patrick de Colomby, Cécile Zaros, Louise N’Diaye, Patricia Thauvin et Gabrielle Bouchet (Ined)
Pôle communication : Nathalia Baltzinger, Laure Gravier et Isabelle Milan (Ined)
Pôle système d'information : Ando Rakotonirina, Sophie de Visme, Rainer Kugel, Marie Cheminat, Karine Lautrédoux, Rui Borges-Paninho, Sarah
Cadorel et Guillaume Bringé (Ined)
Pôle administration-gestion : Meryem Zoubiri, Esther Nzali, Marc Girard (Ined)
Les groupes thématiques
A ce jour, il existe une vingtaine de groupes thématiques réfléchissant sur des questions de recherche distinctes mais toujours en interaction avec les autres groupes.
Dans le domaine social :
Socialisation-éducation : Marion Selz (Cnrs)
École : Agnès Florin (Université de Nantes)
Économie-précarité : Gaël De Perretti (Insee)
Démographie-famille : Didier Breton (Université de Strasbourg)
Dans le domaine de la santé :
Alimentation-nutrition-métabolisme : Christine Tichit (Inra) et Ahluwalia Naman (Inserm)
Activité physique : Patricia Dargent (Inserm)
Développement psychomoteur : Catherine Arnaud (Inserm)
Croissance physique et puberté : Barbara Heude (Inserm)
Maladies respiratoires, asthme et allergies : Chantal Raherison (CHU Bordeaux)
Santé mentale : Maria Melchior (Inserm) et Sylvana Côte (Inserm)
Recours aux soins et santé bucco-dentaire : Corinne Bois (PMI Haut-de-Seine)
Périnatalité : Blondel Béatrice (Inserm)
Cancers : Jacqueline Clavel (Inserm)
Maladies infectieuses : Véronique Goulet (Invs)
Accidents et traumatismes : Bertrand Thélot (InVS) et Cécile Ricard (InVS)
Dans le domaine des relations santé-environnement :
Expositions physiques : Blandine Vacquier (InVS)
Expositions aux polluants de l’environnement : Stéphanie Vandentorren (InVS), Céline Boudet (Ineris) et Christophe Declercq (InVS)
Les partenaires
Plusieurs organismes de recherche et institutions gouvernementales se sont associés à l’étude Elfe. Ils sont désormais au nombre de neuf.
L’Ined (Institut national d’études démographiques) étudie les populations de la France et des pays étrangers sous tous leurs aspects (démographiques, historiques, sociologiques, économiques…). Il est le plus important institut de recherche démographique au monde.
L’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine. Il assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale.
L’EFS (Etablissement Français du Sang) est l’opérateur civil unique de la transfusion sanguine (don de sang, don de plasma et don de plaquettes) en France. Il est le garant de la sécurité de la chaîne trans-fusionnelle, du
donneur au receveur.
L’InVS (Institut de veille sanitaire) est chargé de la surveillance de l’état de santé de la population. Il étudie les causes et l’évolution des risques sanitaires, alerte le ministère de la Santé en cas de menace et contribue à gérer les crises sanitaires.
L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) constitue une direction générale du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Il produit, analyse et diffuse des informations (notamment statistiques) sur l’économie et la société françaises.
La DGPR (Direction générale de la prévention des risques). Au sein du ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, la DGPR met en œuvre les politiques de précaution, de prévention et de protection en matière de risques – qu’ils soient chroniques, accidentels, technologiques ou naturels.
La Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) dépend des ministères en charge de la santé et des affaires sociales. Elle livre informations et analyses sur les populations et les politiques sanitaires et sociales. Ces renseignements sont destinés aux décideurs publics, aux citoyens et aux responsables économiques et sociaux.
La DGS (Direction générale de la santé). Instance du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, la DGS détermine les politiques de santé et les stratégies d’intervention.
La Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) est une composante de la Sécurité sociale. Acteur majeur de la solidarité nationale, la Cnaf verse des allocations d’aide aux familles et aux personnes en situation de précarité.
Trois orientations majeures
Trois orientations majeures ont été définies dans le cadre de l’étude Elfe. Les différents projets de recherche retenus par l’équipe ont donc été répartis, selon leur thématique, entre ces trois axes.
Sciences sociales
L’analyse longitudinale permettra de suivre l’histoire des enfants en prenant en considération celle de leurs parents, et donc de repérer les changements de structure familiale. Au-delà d’une description relativement fine des différentes situations familiales, on s’intéressera à leur impact sur la vie et le développement des enfants, directement concernés par ces changements. On s’intéressera aussi aux univers qui participent à la socialisation de l’enfant : entourage familial, institutions (crèches, écoles,associations culturelles et sportives, etc.), relations extra-familiales. L’étude Elfe prendra en compte les interactions entre l’enfant et son entourage afin de mieux saisir et comprendre les éléments se rattachant à son insertion sociale, ce qui conduira à une analyse fine des inégalités et différenciations sociales.
Pour ce qui est de l’éducation, on suivra les parcours scolaires afin d’avoir une connaissance précise des problèmes rencontrés par les enfants à différentes étapes de leur vie, notamment lorsqu’apparaissent des difficultés dans l’apprentissage, la réussite et l’orientation scolaires. Enfin, le recueil biographique relatif aux parents de l’enfant permettra d’avoir un aperçu de leurs trajectoires scolaires et professionnelles et de situer les phases de rupture ou de changement dans les conditions de vie de la famille.
Test de réaction aux pollens |
Poids et taille sont des indicateurs essentiels en matière de croissance. Dans la cohorte, ils seront documentés à travers les données du carnet de santé et, pour un sous-échantillon, de nombreuses mesures anthropométriques seront prises au domicile de l’enfant par un professionnel de santé.
On s’intéressera par ailleurs aux pratiques alimentaires dans la mesure où l’alimentation joue un rôle très important dans le développement et la santé de l’enfant. Elles seront étudiées du point de vue de l’impact des apports nutritionnels et de la socialisation alimentaire. L’approche de cohorte offre aussi la possibilité d’étudier les trajectoires et les facteurs de risque des troubles du développement, ainsi que les processus de protection et de réparation. Le développement moteur, cognitif, langagier, social et affectif de l’enfant sera analysé, notamment en fonction de facteurs sociodémographiques et médicaux (prématurité, maladies chroniques, etc.).
Afin de mieux comprendre les inégalités sociales de santé qui peuvent exister dès les premières années de la vie des enfants, nous étudierons les différences de recours aux soins, l’exposition, éventuellement cumulée, à des conditions environnementales ou de mode de vie défavorables, et nous complèterons cette approche individuelle avec une approche par territoires. L’asthme et l’obésité sont les maladies chroniques les plus répandues chez les enfants. Leurs étiologies sont multifactorielles. Elfe permettra d’étudier les interactions complexes entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux.
Santé-environnement
Les enfants sont susceptibles d’être exposés par inhalation, ingestion, contact cutané, etc., à différents composants chimiques, tant in utero qu’après leur naissance. Elfe permettra de mesurer la contamination individuelle des enfants à différents produits et d’observer la survenue éventuelle de troubles, notamment neurotoxiques et endocriniens.
L’estimation de l’exposition reposera sur des prélèvements biologiques non invasifs au moment de la naissance chez la mère et le nouveau-né, puis chez l’enfant à d’autres périodes clés de son développement. Les enfants sont également exposés aux rayonnements naturels comme les UV, et aux rayonnements ionisants dans le cadre d’examens médicaux.
L’étude Elfe offrira la possibilité d’évaluer ces expositions et d’observer la survenue des pathologies associées. Par ailleurs, le suivi des enfants depuis la naissance permettra d’évaluer leur exposition aux polluants que l’on peut trouver dans l’eau et l’air, et d’observer la survenue de diverses pathologies comme les maladies respiratoires.
Zoom sur les thématiques
1. Sciences sociales
Démographie-famille
Les chercheurs travaillant sur cette thématique observent l’évolution des structures familiales (séparation, remariage, deuil, résidence alternée…) et leurs effets sur l’enfant. Mais ils explorent aussi les liens intergénérationnels : la place des grands-parents dans l’éducation ou encore la transmission des valeurs et des pratiques culturelles s’avèrent de première importance pour l’étude.
Socialisation-éducation
Quels ingrédients participent à la socialisation de l'individu ? Quel rôle jouent les parents, les institutions, les fréquentations de l’enfant dans ce processus ? Elfe cherche à répondre à ce type de questions par l’analyse des modes de vie de l’enfant, de son accès à la culture, aux loisirs et aux médias… L’éducation (à l’école mais aussi au sein de la famille) est également au centre des recherches, dans l’objectif affiché de repérer les facteurs d’inégalités. L’étude s’intéresse ainsi aux épisodes clés de la vie de l’enfant durant son parcours scolaire : difficultés dans l’apprentissage, réussite, orientation scolaire. Parallèlement, l’analyse des trajectoires scolaires et professionnelles de ses parents aidera à situer les phases de changement dans les conditions de vie de la famille.
Économie-précarité
Les trajectoires professionnelles des parents peuvent subir de profonds changements, s'accompagner de périodes d’inactivité ou de mobilité résidentielle, qui peuvent être difficilement vécues par l'enfant. L’étude vise à comprendre comment ces bouleversements se répercutent sur son développement.
2. Santé
Les trajectoires professionnelles des parents peuvent subir de profonds changements, s'accompagner de périodes d’inactivité ou de mobilité résidentielle, qui peuvent être difficilement vécues par l'enfant. L’étude vise à comprendre comment ces bouleversements se répercutent sur son développement.
Alimentation-nutrition
L’alimentation du nourrisson joue un rôle très important dans son développement et sa santé future. Pour mieux le comprendre, il est nécessaire de se pencher sur l’impact des apports nutritionnels et du processus de "socialisation alimentaire", par lequel l’enfant tend à s’adapter aux modes alimentaires du groupe socioculturel dont il est issu. La première année d’observation est notamment centrée sur l’alimentation périnatale (de la fin de la grossesse aux premiers jours du bébé), l’allaitement, le sevrage et les modes de diversification alimentaire. Une attention particulière sera portée, tout au long de l’étude Elfe, au lien entre alimentation, hygiène de vie et évolution pondérale, afin de prévenir les risques d’obésité.
Périnatalité
La bonne santé du jeune enfant est largement conditionnée par le déroulement de la grossesse et les circonstances de l’accouchement. L’équipe en charge de la périnatalité examine le poids de naissance de l’enfant, son éventuelle prématurité et son état de santé – sans oublier de prendre en compte les différents facteurs de risque, comme l’état de santé et les conditions de vie de la mère, le recours aux soins ou l’environnement.
Développement psychomoteur
Il s’agit ici de mieux connaitre les facteurs de risque des troubles neurologiques et psychiques du développement (troubles de la fonction visuelle, du langage, du sommeil…). Dans cette optique, les chercheurs étudient le développement moteur, cognitif, social et affectif de l’enfant ainsi que l’évolution de son langage. Leur objectif est de vérifier l’hypothèse qu’un bouleversement dans l’environnement de l’enfant (une
séparation, un accident…) peut affecter son développement psychomoteur.
Accidents et traumatismes
Les accidents de la vie courante constituent la première cause de mortalité chez l'enfant. Ils sont fréquemment causés par l'utilisation d'un produit, une chute au domicile (dans un escalier ou une baignoire par exemple) et certains événements particuliers (déménagement, nouvelle naissance, conflit familial...). Les travaux sur ce thème permettent d’estimer l’incidence de tels traumatismes et d’analyser le devenir des jeunes qui en sont victimes.
Asthme, maladies respiratoires et allergies
Depuis plusieurs décennies, l’asthme et les allergies se multiplient dans les pays industrialisés. À travers l’étude longitudinale, l’exposition des enfants à des substances allergènes (par inhalation, par ingestion ou encore par contact avec la peau) et le développement de pathologies respiratoires sont examinées de près. Les résultats obtenus permettront d’expliquer pourquoi, dans la petite enfance, certains facteurs conditionnent l’apparition d’une maladie respiratoire à l’adolescence.
Recours aux soins
Elfe enquête sur le recours aux soins dès que l’enfant et sa mère quittent la maternité. Au cœur de ses recherches : le repérage des inégalités et des différences sociales dans l’accès aux soins. Les spécialistes de cette thématique mettent en relation les pathologies rencontrées, la qualité de vie de l’enfant, les événements vécus et certaines données socio-démographiques (âge, profession, habitat, niveau d’éducation…).
Maladies infectieuses
Un certain nombre d'infections contractées par la femme durant sa grossesse se transmettent au fœtus et peuvent avoir des répercussions plus ou moins importantes sur la santé de son bébé. Ce type de maladies affecte par exemple le développement psychomoteur ou neurosensoriel de l’enfant, comme dans le cas de la toxoplasmose.
Activité physique
L’activité physique représente un élément clé dans la santé de l’enfant et un important facteur de développement. Or les activités et les loisirs se sont considérablement transformés ces dernières années. Elfe se propose de déterminer l’impact de ces modifications sur la santé des jeunes, en particulier sur le développement du surpoids et de l’obésité.
3. Santé-environnement
Les enfants sont susceptibles d’être exposés à des composants chimiques, tant pendant la grossesse qu’après leur naissance. Elfe vise à mesurer la contamination individuelle des enfants à différents produits et polluants, traquant l’apparition éventuelle de troubles, notamment neurotoxiques et endocriniens. Les chercheurs s’interrogent également sur les pathologies consécutives à une exposition aux rayonnements naturels, comme les UV, ou aux rayonnements ionisants reçus dans le cadre d’examens médicaux.
Exposition aux polluants de l’environnement
Les enfants sont au contact de l’air et de l’eau de façon permanente. Lorsque ces milieux sont pollués par la présence de composés toxiques, la santé de l’individu s’en trouve affectée. Les poumons d’un enfant étant en plein développement, les dommages causés par une exposition prolongée à des polluants atmosphériques peuvent nuire à ce développement et entraîner des maladies pulmonaires chroniques. Elfe offre la possibilité de connaître plus précisément l’exposition domestique des enfants à certaines substances polluantes, mais aussi de mieux appréhender l’apparition de pathologies, comme les troubles neurotoxiques et les perturbations endocriniennes.
Expositions physiques
Dotés d’une peau plus fine, familiers des jeux en plein air, les enfants se trouvent plus exposés que les adultes aux rayonnements. Ils y sont également plus sensibles. D’où l’importance des travaux des chercheurs sur l’incidence d’une exposition à différents types de rayonnement – UV, exposition médicale aux rayonnements ionisants ou exposition au radon (gaz radioactif qui peut s’accumuler dans une atmosphère confinée) – une maison ou une école par exemple.
D’autres thématiques encore sont au programme : l’école, la croissance physique et la puberté, la pédiatrie, les cancers, la santé mentale…
Et ailleurs…
Plusieurs études de suivi d’enfants depuis la naissance – que les chercheurs appellent cohortes de naissance - existent à l’étranger. La Grande-Bretagne a été précurseur en la matière, avec la mise en place d’une première cohorte représentative au niveau national en 1946 (The 1946 National Birth Cohort), puis d’autres cohortes en 1958 (National Child Development Study), en 1970 (British Cohort Study) et en 2000 (Millenium Cohort).
Les résultats de ces études permettent de mieux comprendre l’impact de l’environnement précoce sur la santé et les causes des inégalités dans le domaine social et de la santé. Les chercheurs ont ainsi montré que les enfants dont les parents sont dans une situation économique et sociale fragile ont moins de chance d'atteindre le même niveau de compétences et de connaissances que les enfants issus de milieux socio-économiques favorisés, l’écart se creusant au fil des ans. En outre, les enfants dont les scores aux tests de développement sont faibles à 2 ans, mais qui appartiennent à des milieux favorisés, parviennent à rattraper leur retard, tandis que les enfants issus de milieux défavorisés ayant obtenu des scores élevés au même âge perdent cet avantage au fil des années. Côté santé, on a pu montrer que les adultes dont la mère avait fumé pendant toute la grossesse avaient une fréquence accrue de surpoids et de risques cardiovasculaires, et ce de façon croissante avec le nombre de cigarettes fumées.
Des cohortes ont aussi été constituées aux Etats-Unis, dans les pays nordiques ou bien encore en Irlande, en Ecosse, aux Pays-Bas, au Canada et en Australie.
Une attention particulière sera portée, au lien entre alimentation, hygiène de vie et évolution pondérale. |
Dans la presse
Presse quotidienne nationale
Le Monde du 07/04/11: "Une soixantaine d’équipes de recherche, composées de médecins, démographes, économistes, psychologues… exploiteront les données et des résultats seront publiés à chaque grande étape de l’enquête. L’implication du père est aussi une singularité."
Libération du 25/02/11: "Dans cette enquête, il s’agira aussi de connaître les comportements alimentaires, les inégalités sociales de santé, ou encore de l’exposition aux médias et aux nouvelles technologies."
Les Échos du 24/02/11: "Le projet sera lancé sur le terrain fin mars et piloté par l’Institut National d’Etudes Démographiques et l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale."
La Croix du 24/02/11: "C’est la première fois qu’un projet national de cet ampleur est lancé en France indique Henri Léridon, directeur de recherche émérite à l’Ined."
Le Figaro du 27/01/11: "344 maternités ont été tirées au sort sur le territoire métropolitain (…). Les questions santé et environnement sont des thématiques auxquelles les mamans adhérent beaucoup, explique Marie-Aline Charles, qui dirige l’unité Ined-Inserm."
Presse quotidienne régionale
La Provence du 02/04/11: "La plus grande enquête jamais réalisée sur l’enfance a débuté hier dans les maternités. Papas et mamans, s’ils le souhaitent, peuvent y participer jusqu’aux 20 ans de leur enfant."
La Dépêche du Midi du 01/04/11: "Les enfants d’aujourd’hui grandissent-ils au même rythme que ceux d’hier? L’objectif ultime de l’étude Elfe est de produire des connaissances qui contribueront à améliorer la santé et le bien être de tous les enfants."
La Voix du Nord du 31/03/11: " Le but est de dresser un panorama de l’enfance en France. Cela donnera des clés de compréhension aux élus, avec des données autant médicales que sociales ou liées à l’environnement."
L’Est Eclair du 25/02/11: " Le chiffre : 20 000. Lancée le mois prochain et pilotée par l’Ined et l’Inserm, cette étude constitue une première en France."
L’Union du 25/02/11: " Étudier l’impact de l’environnement sur le développement humain : c’est l’un des objectifs d’une vaste étude scientifique portant sur 20 000 enfants nés en France, suivis du berceau à l’âge adulte."
Le Parisien du 24/02/11: "Pour chaque enfant, dès les premiers jours qui suivent l’accouchement, la mère sera questionnée (alimentation, déroulement de la grossesse…). "
Presse spécialisée
Destination Santé du 01/04/11: " Quatre périodes de l’année ont été sélectionnées pour représenter chaque saison : début avril, fin juin/début juillet, fin septembre/début octobre et mi-décembre."
Le journal des professionnels de l’enfance de mars 2011: " Il sera non seulement question de détecter d’éventuels liens entre les substances chimiques et la survenue de certaines maladies, mais aussi de surveiller les conséquences sociales possibles, notamment sur le parcours scolaire des enfants."
Objectifs soins de mars 2011: "Lancée en 2007 auprès de 1000 familles et 12 départements, Elfe sera généralisée à l’ensemble du territoire fin mars 2011 et s’étendra sur 20 ans."
Le quotidien du médecin du 24/02/11: " Plus de 90 projets de recherche sont déjà définis. L’ambition est celle de comprendre comment l’environnement affecte le développent des enfants, leur santé, leur socialisation et leur parcours scolaire. Un objectif d’autant plus intéressant que cet environnement a beaucoup changé au cours de ces dernières décennies."
Le Généraliste du 04/02/11: " Baptisée Elfe, l’étude permettra de mieux connaître l’exposition des enfants aux polluants chimiques tels que les pesticides, et les effets sur le développement neuro-comportemental et endocrinien."
Presse magazine
Marianne du 9-15/04/11: "Préférences alimentaires, résultats à l’école, relations familiales, une foule de données seront recueillies."
Neuf Mois magazine d’avril 2011: " Les futures mamans seront invitées à rejoindre l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), destinée à établir des liens entre pollution chimique et développement de l’enfant (santé, socialisation, parcours scolaire). L’occasion de mettre à jour ses connaissances environnementales pour mieux protéger bébé !"
Sciences et avenir de mars 2011: " Elfe évaluera aussi les effets à long terme de la pollution intérieure et extérieure sur la santé des enfants."
Pèlerin magazine du 03/03/11: " Les premiers résultats de cet ambitieux projet baptisé Elfe, piloté par l’Ined et l’Inserm, seront connus à partir de 2013."
Mon quotidien du 01/03/11: " Étudier le quotidien des jeunes afin d’en savoir plus sur leur santé et comment ils évoluent en grandissant. C’est le but de l‘étude Elfe qui commencera fin mars."
Femme actuelle du 21-27/02/11: "Je fais appel à vos lectrices : les volontaires sont les bienvenues. Pour ma part, j’aurai adoré me prêter à ce type d’étude. C’est un geste civique. " Nathalie Kosciusko-Morizet
Source: Etude longitudinale française depuis l'enfance
Des interrogations éthiques
Le projet Elfe n'étant pour l'instant qu'à ses tous débuts, il suscite de nombreuses questions. Or, s'agissant d'une étude d'une telle ampleur, et étant donné le nombre de partenaires engagés, les chercheurs impliqués doivent être capables de nous éclairer. "Il faudra une information extrêmement claire et rigoureuse des parents, pour ne pas se trouver dans la situation de la MGEN qui a dû retirer l'enquête lancée sur la santé des enfants", estime Jean-Paul Amann, philosophe et éthicien, membre du comité d'éthique du projet Elfe.
Un comité d'éthique spécifique a donc déjà été composé. Pourquoi ne pas recourir aux comités d'éthique déjà existants dans ces différents laboratoires? Sur ce type de gros projet, il est fréquent de désigner quelques personnes qui suivront le sujet sur le long terme. Par ailleurs, comme le prévoit la loi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est régulièrement consultée pour vérifier la fiabilité du système informatique de recueil et de sauvegarde des données, et juger de l'opportunité des croisements des différents fichiers. Le projet a aussi déjà été présenté au Conseil national de l’information statistique (CNIS), qui devra avaliser le contenu des questionnaires. Enfin, un Comité de protection des personnes (CPP) devra donner sa validation finale au projet sur les aspects de recherche biomédicale, ainsi que le Comité consultatif pour le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS).
Parmi les questions débattues, notamment au sein du comité d'éthique, figurera celle de l'information des parents et des enfants. Sur un sujet si complexe, l'information pourrait passer par des spots radio, ou par différents relais institutionnels (Cnam, Cnaf, médecine scolaire, etc.). "La règle veut que dans ce type d'enquête, ce soit les investigateurs qui informent les parents, explique Jean-Paul Amann. Mais il faudra bien faire la différence entre l'information et l'incitation. Il y a dans ce domaine une frontière éthique à ne pas dépasser : les parents ne doivent pas subir une pression même morale, pour répondre à ce type d'enquête, mais conserver une liberté de choix totale. Un choix social a été fait de lancer cette enquête d'investigation, car nous sommes dans une société qui croit au progrès scientifique : c’est en tout cas le postulat de départ de l’Ined, l’Inserm, l’Invs, la Cnaf, du ministère de la Santé, bref de tous les partenaires de cette enquête. Personnellement, par exemple, j'ai accepté de faire partie du groupe d'éthique d'Elfe car j'ai un a priori favorable à ce type de travail épidémiologique. Mais d'autres ont une vision très critique de la recherche, en génétique notamment. Il est donc important de ne pas fausser le sens du volontariat." D'autant que pour les familles, il n'y aura pas de bénéfice direct à retirer de ce type d'enquête. Le bénéfice attendu est pour la société dans son ensemble. "Nous ne sommes pas dans le cadre par exemple de tests de médicament, où les malades participant aux essais peuvent espérer en retirer un intérêt direct d'amélioration de leur état de santé", souligne Jean-Paul Amann.
Autre préoccupation, la garantie de l'anonymat : "Toutes les données entrées dans la base seront anonymisées, et en aucun cas il ne s'agit de constituer une méga base sur des individus", explique Henri Leridon. Chaque étape de l’enquête donnera lieu à un fichier distinct, doté d’un identifiant (numéro) spécifique.
Les clés de correspondance seront détenues par un "tiers de confiance", dûment agréé, qui n’aura lui-même pas accès aux données. Pour un travail de recherche donné, une sélection des données transférables à l’équipe de chercheurs demandeuse sera élaborée. "Par exemple, on ne transférera pas un fichier contenant à la fois une localisation géographique très précise et des données sociodémographiques fines (âge, profession) permettant d'identifier indirectement les personnes", poursuit Henri Leridon.
De plus, les informations médicales résultant de prélèvements biologiques seront conservées dans une base de données séparée, avec les précautions habituelles des biothèques. "Nous avions au départ pensé construire un système de protection de l'identité totalement irréversible, explique Henri Leridon. Mais nous nous orientons finalement vers un système réversible, pour deux raisons. D’une part, cela aurait obligé à constituer une énorme base unique, ce qui n’est pas souhaitable. D’autre part, il ne faut pas s’interdire totalement de pouvoir revenir dans certains cas vers les familles. Par exemple, pour les dosages dont on connaît le seuil critique (le plomb et le CMV), il faut pouvoir prévenir les familles qui seraient trop exposées... C’est une obligation légale.
Par ailleurs, si on découvre dans quinze ans que tel polluant mesuré aujourd'hui mais considéré comme mineur peut en fait causer de graves pathologies, il faudra bien être capable de revenir en arrière, et alerter les familles concernées." Pour résumer, l'anonymat est garanti, mais pourra être levé en cas de nécessité sanitaire.
"Cela dit, il faut rappeler que la garantie d'anonymat, malgré toutes les précautions prises, n'est jamais absolue", estime Jean Paul Amann. On ne peut jamais dire que dans dix ou vingt ans, les protections informatiques entourant ce protocole ne seront pas dépassées…
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