lundi 25 avril 2011

Sigmund Freud (1856-1939)

Sigmund freud
Sigmund Freud, né Sigismund Schlomo Freud le 6 mai 1856 à Freiberg, Moravie (Autriche, aujourd'hui Příbor, en République tchèque), et mort le 23 septembre 1939 à Londres, est un médecin neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse. 

Lorsqu'il a trois ans, la famille de Sigmund Freud s'enfuit à Leipzig en raison des émeutes antisémites qui font rage à Freiberg. Elle s'installe à Vienne, où il fait ses études. Il y demeure jusqu'au moment de l'Anchluss, l'annexion par l'Allemagne de l'Autriche, en 1938. Tenté tout d’abord par le droit, il opte finalement pour la médecine peu avant son entrée à l'université de Vienne en 1873.

En 1876, en troisième année de médecine, Freud commence des recherches sur la physiologie et la pathologie du système nerveux au laboratoire de physiologie dirigé par le médecin allemand Ernst Wilhelm Von Brücke. Il rencontre alors le clinicien Josef Breuer et les deux hommes deviennent amis. 

Freud obtient son diplôme de médecin en 1881, au terme de son année de service militaire. En 1885, il part pour Paris afin de suivre les leçons du neurologue Charcot à La Salpêtrière. Il découvre alors la pathologie de l'hystérie, d'abord auprès de Charcot, puis à Nancy auprès du médecin Hyppolyte Bernheim, hostile à l'hypnose et partisan de la suggestion à l'état de veille. Par ailleurs, Josef Breuer lui rapporte qu'une de ses patientes, Anna O., suggère elle-même au cours de séances de demi-hypnose une méthode d'analyse, qu'elle appelait "talking cure" (traitement par la parole) ou encore "ramonage de cheminée". Pour Freud, c'est le début d'un mode d'investigation nouveau.

En 1886, Freud quitte Paris et ouvre à Vienne un cabinet médical spécialisé dans les maladies nerveuses. Défenseur des théories peu orthodoxes de Charcot sur l'hystérie et l'hypnothérapie, il se heurte à la vive opposition du corps médical viennois dont il va inspirer la méfiance durant toute sa vie. Sa méthode thérapeutique est alors encore classique: pour soigner les hystériques, il a recours à l'électrothérapie et à l'hypnose. La première étude que publie Freud, Une conception de l'aphasie, étude critique, paraît en 1891; mais cet ouvrage marque la fin d'un parcours dans une voie qu'il va abandonner complètement pour une nouvelle approche qu'il vient de découvrir et à laquelle il donne, en 1896, le nom de "psychanalyse".


Sofa de Freud - Freud Museum, Londres

On peut situer la naissance de la psychanalyse à la date de la publication de l'œuvre commune de Freud et de Josef Breuer, les Études sur l'hystérie (1895), qui présente l'étude d'un cas devenu célèbre, celui d'Anna O. Dans cet ouvrage, les symptômes de l'hystérie sont attribués à des manifestations d'énergie émotionnelle, associée à des traumatismes psychiques oubliés et passés dans l'inconscient depuis l'enfance. La thérapie consiste à user de l'hypnose pour pouvoir amener le patient à rappeler et à réactiver l'expérience traumatique. Elle permet ainsi de libérer par la catharsis les émotions à l'origine des symptômes. La publication de cet ouvrage marque le début de la théorie psychanalytique mais suscite également l'hostilité durable de la médecine officielle.

En 1896, la mort de son père pousse Freud à faire une autoanalyse au cours de laquelle il découvre chez lui-même ce qu'il voit chez ses patients : la force des souvenirs oubliés et les modifications de l'affectivité. La correspondance qu'il entretient avec son ami, le médecin et biologiste allemand Wilhelm Fliess, témoigne de ses découvertes.

Entre 1895 et 1900 Freud approfondit la plupart des concepts qui vont constituer le fondement de la pratique et de la doctrine psychanalytiques. Peu après la publication de ses études sur l'hystérie, Freud abandonne l'hypnose comme méthode cathartique, sous l'impulsion d'une de ses malades, Elisabeth von R. Il lui substitue la technique de la libre association des idées à laquelle il demande à sa patiente de se livrer, en lui demandant de ne rien censurer. Cette démarche doit laisser paraître les processus inconscients à l'origine des troubles névrotiques. Grâce à elle, entre autres, Freud découvre l'existence de certains mécanismes psychiques: notamment le refoulement, mécanisme psychologique inconscient par lequel le souvenir d'événements pénibles ou menaçants est maintenu hors du champ de la conscience, et la résistance, définie comme l'opposition inconsciente à la prise de conscience des expériences refoulées afin d'éviter l'angoisse qui en résulterait. Ainsi, en utilisant les libres associations de sa patiente pour la guider dans l'interprétation des rêves et des lapsus, Freud reconstitue le fonctionnement des processus inconscients.

C'est à partir de l'analyse des rêves qu'il élabore sa théorie de la sexualité infantile et découvre en 1897, le complexe d'Œdipe, qui est l'attachement amoureux et hostile de l'enfant pour le couple parental (haine du père/amour de la mère), attachement qui se résout par l'identification. C'est aussi à cette époque qu'il élabore la théorie du transfert, processus par lequel les attitudes affectives établies au départ envers des figures parentales dans l'enfance sont reportées («transférées») plus tard sur d'autres êtres qui entourent le sujet. Durant cette période allant de 1897 à 1900, marquée par la parution de l'Interprétation des rêves (1900), l'une de ses œuvres majeures, Freud jette les bases de la majorité des ouvrages qui vont suivre, notamment la Psychopathologie de la vie quotidienne (1901) et le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient(1905). Dans l'Interprétation des rêves, Freud analyse divers rêves qu'il avait faits durant les trois années de l'autoanalyse commencée en 1897. Ce livre définit et fait fonctionner les concepts fondamentaux qui sous-tendent la technique et la doctrine psychanalytiques. Il démontre notamment que grâce à la méthode des associations libres, l'analyste peut découvrir au travers du contenu manifeste du rêve son contenu latent, qui représente la réalisation d'un désir.

Pendant la lecture endormi - William Powell Frith

La psychanalyse devient alors à la fois une pratique et une théorie. En effet, la transformation du contenu manifeste du rêve en contenu latent, de même que la superposition de deux désirs antagonistes chez l'hystérique, se situent dans une théorie générale de la personnalité, que Freud appelle appareil psychique. On retrouve chez tout être humain un processus au cours duquel s'inscrivent dans sa mémoire des éléments de sa vie, puis ils s'effacent de la conscience sous l'effet du refoulement, qui est la répression imposée notamment par le père à l'indicible ou à l'infaisable, puis le refoulé réapparaît dans le rêve, dans le symptôme. Le premier topique ou mode de représentation du fonctionnement psychique de Freud, dont les instances sont le conscient, le préconscient et l'inconscient, est né au cours de ces années-là.

En 1902, Freud est nommé professeur titulaire à l'université de Vienne. Mais le monde médical continue à considérer son œuvre avec hostilité. Ses ouvrages suivants, Psychopathologie de la vie quotidienne (1904) et Trois Essais sur la théorie de la sexualité (1905), ne font que creuser le fossé entre lui et la psychiatrie officielle viennoise. Freud continue donc à élaborer seul les concepts de la psychanalyse, entouré cependant de quelques médecins.

Dès 1906, Freud constitue un petit groupe de dix-sept élèves et disciples, qui se réunissent chaque mercredi. Parmi eux se trouvent les psychiatres autrichiens William Stekel et Alfred Adler, le psychologue autrichien Otto Rank, et les psychiatres suisses Bleuler et Jung. L'adhésion de ce dernier à la psychanalyse constitue d'abord pour Freud un important enjeu, celui de pouvoir sortir la psychanalyse de son cadre viennois et juif. Freud confie à ce psychiatre protestant la direction de l'Association psychanalytique internationale (API).

Freud crée l'API en 1910. Tandis que le mouvement prend de l'ampleur, gagnant de nouveaux adhérents à travers l'Europe et les États-Unis, Freud doit se soucier du maintien de l'unité doctrinale et fait face aux dissensions et aux déviations. Il doit d'abord se séparer d'Adler et de Jung avec qui il a fait une tournée de conférences aux États-Unis. En fait, Adler et Jung, chacun de leur côté, élaborent de nouveaux fondements théoriques, en désaccord avec la place fondamentale donnée par Freud à la sexualité dans l'origine de la névrose.

Entre 1910 et 1920, Freud poursuit la recherche théorique au travers de sa pratique; il fait paraître les Cinq Leçons sur la psychanalyse (1909), un texte connu sous le titre «le Président Schreber» (1911), Totem et Tabou (1912), dans lequel Freud tente une recherche anthropologique sur les origines de l'humanité, l'Introduction à la psychanalyse (1916-1917) et Deuil et Mélancolie (1917). C'est au cours de cette période qu'il définit la spécificité du comportement de l'analyste face au patient, à savoir la règle fondamentale, selon laquelle la demande du patient, qui s'exerce au travers du transfert, ne doit pas recevoir de réponse de l'analyste, pour que l'analysant puisse opérer une "régression" vers son passé et trouver les affects à l'origine du symptôme.

Un changement apparait en 1920 dans la doctrine freudienne, avec la parution de son ouvrage Au-delà du principe de plaisir. Il introduisit dans sa conception la notion de «pulsion de vie», qu'il appelle Eros et la «pulsion de mort», qu'il nomme Thanatos. Dès lors, le ça, le moi et le surmoi constituent les trois instances de la personne. Cette conception nouvelle se révèle opératoire dans les ouvrages tels que le Moi et le Ça (1923) et Inhibition, Symptôme et Angoisse (1926). Freud multiplie également les tentatives pour expliquer et populariser la psychanalyse, notamment dans Ma vie et la psychanalyse (1925) et Abrégé de psychanalyse (1938).

Freud cherche également à constituer une vision globale de l'homme qui s'apparente davantage à une anthropologie qu'à une philosophie. Dès avant le début de la Première Guerre mondiale, il tente de dresser un tableau de l'humanité primitive dans Totem et Tabou. Il entend trouver une origine phylogénétique à la psyché de l'homme, à la constitution du moi par la "castration" en évoquant la mise à mort du chef de la «horde primitive» par ses fils. Il renoue avec cette approche anthropologique après la Première Guerre mondiale, notamment dans l'Avenir d'une illusion (1927), Malaise dans la civilisation (1930) et Moïse et le monothéisme (1939). Pour Freud, la religion maintient par la notion de sacrifice une culpabilité permanente de l'humanité.

Atteint dès 1923 d'un cancer de la mâchoire qui nécessite un traitement continu et douloureux et quantité d'opérations chirurgicales, il réussit à continuer, malgré ses souffrances, à pratiquer, élargir et diffuser la psychanalyse. Mais la montée du nazisme le guette: ses œuvres sont brûlées à Berlin en 1934. Lorsque les Allemands occupent l'Autriche en 1938, Freud s'enfuit avec sa famille à Londres, où il meurt le 23 septembre 1939 à l'âge de 83 ans. Il ne connaîtra jamais le sort réservé par les nazis à ses quatre sœurs, exterminées dans les camps de concentration. A sa demande, et avec l’accord d’Anna Freud, Max Schur, son médecin personnel, lui a injecté une dose mortelle de morphine. Son corps est incinéré au cimetière de Golders Green et les derniers hommages sont remis par le docteur Ernest Jones au nom de l'Association internationale de psychanalyse et par l'écrivain Stefan Zweig, le 26 septembre. Le récit de sa longue maladie est fait dans le détail par Max Schur. Après la mort d'Anna Freud, en 1982, la maison qui avait accueilli la famille en exil devient le Freud Museum.


Son œuvre : la psychanalyse

La contribution essentielle de Freud est la création d'une approche entièrement nouvelle de la personne humaine. La psychanalyse — dont l'idée a évoluée depuis ses débuts, en 1896, aux derniers exposés de la plume de Freud, en 1930 — regroupe trois acceptions. Le terme désigne en effet d'abord une certaine méthode d'investigation du psychisme inconscient, mais aussi une méthode de traitement (la cure psychanalytique), et, plus généralement une conception psychologique globale touchant à la conception même de l'homme. « Par la triple voie du personnel, du pathologique et du culturel, c'est de l'insu de l'âme humaine qu'il cherche à devenir l'interprète ». Du point de vue de sa méthode d'approche, son objet étant l'inconscient, la psychanalyse est une discipline centrée sur l'observation et non sur l'expérimentation ; elle est donc une « science phénoménale » rattachée à la médecine et à la psychiatrie mais possédant auprès de celles-ci une autonomie toute relative. En outre, il a fondé une nouvelle discipline médicale et élaboré des méthodes thérapeutiques fondamentales. Dans l'histoire des idées, la psychanalyse constitue une des théories à la fois les plus influentes et les plus décriées. Karl Popper, un adversaire déclaré de la psychanalyse, appelle celle-ci un ensemble théorique irréfutable («infalsifiable»), dont on ne peut que tout prendre ou tout laisser et qui ne progresse pas: c'est un hommage incontestable tout autant qu'une critique. Mais les innombrables continuateurs de la psychanalyse, comme en France Jacques Lacan, qui lança le mot d'ordre de «retour à Freud», témoignent du caractère révolutionnaire de l'œuvre de Freud sur l'ensemble de l'évolution des sciences humaines.

Avec sa conception novatrice de l'inconscient, Freud a permis une nouvelle compréhension des névroses et, au-delà, de la psyché. Les travaux historiques d'Ernest Jones et, plus récemment, d'Henri F. Ellenberger rappellent que le concept d'inconscient est antérieur à Freud, mais précisent que ce dernier est un précurseur par sa manière de théoriser l'inconscient. Le mouvement psychanalytique s'est développé d'abord en référence à Freud et à ses proches partisans, puis en opposition à ses détracteurs, tant internes (Jung, Adler, Rank parmi les principaux) qu'externes (le milieu psychiatrique et médical notamment).

Les pulsions sexuelles sont conçues par Freud comme une énergie, qu'il nomme « libido » (le désir  en latin). Ces pulsions sont susceptibles de maintes transformations et adaptations selon la personnalité et l'environnement. La libido est en effet essentiellement plastique et son refoulement est le plus souvent à l'origine des troubles psychiques alors que sa sublimation explique les productions culturelles, intellectuelles et artistiques de l’humanité. La doctrine freudienne de la libido a souvent été critiquée comme étant un « pansexualisme » matérialiste. Constituant le socle de la métapsychologie freudienne, le concept de libido, décrit dans Trois essais sur la théorie sexuelle (1920) est corrélatif à celui de pulsion.

Freud est le premier à élaborer une théorie d'une sexualité infantile avec, d'abord, la théorie de la séduction. L'idée de sexualité infantile est surtout formalisée en 1905 dans l'ouvrage Trois essais sur la théorie sexuelle, mais elle se fait sur la base des travaux précédents, en particulier de la théorie de la séduction, abandonnée en 1897, et par laquelle il démontre la sexualité infantile à travers son aspect pulsionnel. Il y décrit l'existence d'une opposition radicale entre sexualité primaire et adulte, marquée par le primat du génital, et sexualité infantile, où les buts sexuels sont multiples et les zones érogènes nombreuses, à tel point que Freud est souvent considéré comme le découvreur de la sexualité de l'enfant. Progressivement, entre 1913 et 1923, cette thèse se trouve remaniée par l'introduction de la notion de "stades prégénitaux", précédant l'instauration du stade génital proprement dit, et qui sont le stade oral, le stade anal et le stade phallique. Freud propose ainsi d'expliquer l'évolution de l'enfant à travers des caractères pulsionnels d'ordre sexuel qui vont évoluer au travers de plusieurs stades psycho-affectifs, pour aboutir ensuite à la sexualité génitale adulte. C'est aujourd'hui une base théorique importante en psychologie ou en psychiatrie.

Selon Freud, l'"interprétation des rêves est la voie royale qui mène à l'inconscient". Les rêves sont, dans le modèle psychanalytique, des représentations de désirs refoulés dans l’inconscient par la censure interne (le surmoi). Les désirs se manifestent dans le rêve de manière moins réprimée qu'à l'état de veille. Le contenu manifeste du rêve est le résultat d'un travail intrapsychique qui vise à masquer le contenu latent, par exemple un désir œdipien. En cure de psychanalyse, le travail repose sur l'interprétation à partir du récit (contenu manifeste) du rêve. Les associations du patient sur son rêve permettent de révéler son contenu latent. Le travail du rêve repose sur quatre procédés. 

Tout d'abord, le rêve condense, comme s'il obéissait à un principe d'économie. En une seule représentation sont concentrées plusieurs idées, plusieurs images, parfois des désirs contradictoires. Deuxièmement, le rêve est décentré et le désir déformé est fixé sur un autre objet que celui qu'il vise, ou sur de multiples objets jusqu'à l'éparpillement. Il y a un déplacement de l'accent affectif. Par ailleurs, le rêve est une illustration du désir en ce qu'il ne l'exprime, ni en mots, ni en actes, mais en images ; ici joue le symbole : la représentation substitutive de l'objet et du but du désir est parfois typique et d'usage universel. Enfin, le rêve est aussi le produit d'une activité également inconsciente, mais très proche de l'activité vigile en ce qu'elle s'efforce de lui donner une apparence de vraisemblance, d'organisation, de logique interne.

Le Cauchemar - Johann Heinrich Füssli,  (1790-1791)

Pour Freud, la culture désigne l'ensemble des institutions qui éloignent l'individu de l'état animal. Elle désigne les pensées, la raison, le langage, les sciences, les religions, les arts, tout ce qui a été créé par l'être humain. La nature correspond aux émotions, aux instincts, pulsions et besoins. L’être humain lutte en permanence contre sa nature instinctuelle et ses pulsions, qu'il tente de réfréner afin de vivre en société, sans quoi l’égoïsme universel amènerait le chaos. Pourtant, Freud opère une confusion constante dans ses écrits entre la civilisation d'une part et la culture d'autre part. Son processus de développement s'assimile à celui de la psychogenèse. Ainsi, plus le niveau de la société est élevé, plus les sacrifices de ses individus sont importants. En imposant la frustration sexuelle surtout, la civilisation a une action directe sur la genèse des névroses individuelles. L'homme occidental en particulier n'est pas heureux et le texte de 1929, Malaise dans la civilisation, soutient la thèse que la culture est la cause principale de névrose et de dysfonctionnements psychiques. Par les règles claires qu’elle lui impose, la culture protège l'individu, même si elle exige des renoncements pulsionnels conséquents. Ces contraintes peuvent expliquer qu’il existe une rage et un rejet – souvent inconscients – vis-à-vis de la culture. En contrepartie, la culture offre des dédommagements aux contraintes et sacrifices qu'elle impose, à travers la consommation, le divertissement, le patriotisme ou la religion.

Dans l'essai « Une difficulté de la psychanalyse » publié en 1917, et dans ses conférences d'introduction à la psychanalyse, écrites pendant la Première Guerre mondiale, Freud explique que l'humanité, au cours de son histoire, a déjà subi « deux grandes vexations infligées par la science à son amour propre ». La première, explique-t-il, date du moment où Nicolas Copernic établit que « notre Terre n'est pas le centre de l'univers, mais une parcelle infime d'un système du monde à peine représentable dans son immensité ». La deuxième, selon lui, a lieu quand la biologie moderne – et Darwin au premier chef – « renvoya l'homme à sa descendance du règne animal et au caractère ineffaçable de sa nature bestiale ». Il ajoute : « La troisième vexation, et la plus cuisante, la mégalomanie humaine doit la subir de la part de la recherche psychologique d'aujourd'hui, qui veut prouver au Moi qu'il n'est même pas maître dans sa propre maison, mais qu'il en est réduit à des informations parcimonieuses sur ce qui se joue inconsciemment dans sa vie psychique ».

Se disant « incroyant », en dépit de sa culture juive, Freud est critique vis-à-vis de la religion et estime que l’être humain y perd plus qu’il n’y gagne par la fuite qu’elle propose. Selon lui, l’humanité doit accepter que la religion n’est qu’une illusion pour quitter son état d’infantilisme, et rapproche ce phénomène de l’enfant qui doit résoudre son complexe d’Œdipe : "ces idées, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà: l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé – protégé en étant aimé – besoin auquel le père a satisfait".

La critique qualifiée de polémique, en raison du nombre et la spécialité des intervenants, semble atteindre son apogée lors de la publication d'un ouvrage collectif : Le Livre noir de la psychanalyse, corpus d'articles publié sous la direction de Catherine Meyer. La plupart des points critiques sont abordés, de la scientificité de la psychanalyse à la personnalité de Freud, en passant par la fabrication suspectée de cas psychopathologiques. Cet ouvrage a suscité de vives réactions dans divers milieux psychiatriques, thérapeutiques et psychanalytiques, relançant ainsi des conflits d'intérêts sous-jacents. Michel Onfray, philosophe publie au mois d'avril 2010 un livre critique sur Freud intitulé Le Crépuscule d'une idole : L'affabulation freudienne dans lequel il reproche à Freud d'avoir généralisé son cas personnel, d'avoir signé une dédicace à Benito Mussolini, et aussi d'avoir écrit "L'homme, Moïse et le monothéisme" en plein essor du nazisme et de l'antisémitisme. Onfray reprend les habituelles critiques déjà connues et développées avant lui, en utilisant une grille d'interprétation d'inspiration nietzchéenne.


Citations de Sigmund Freud

"Nous ne savons renoncer à rien. Nous ne savons qu'échanger une chose contre une autre."

"Chaque rêve qui réussit est un accomplissement du désir de dormir."
L'interprétation des rêves

"Après trente ans passés à étudier la psychologie féminine, je n'ai toujours pas trouvé de réponse à la grande question : Que veulent-elles au juste ?"

"La liberté individuelle n'est nullement un produit culturel."
Totem et tabou

"L’humour ne se résigne pas, il défie."

"Le diable n'est pas autre chose que l'incarnation des pulsions anales érotiques refoulées."

"On ne devient pas pervers, on le demeure."

"Le diable est encore le meilleur subterfuge pour disculper Dieu."
Malaise de la civilisation

"L'inconscient s'exprime à l'infinitif."

"Le rêve est le gardien du sommeil."
Extrait de l’Introduction à la psychanalyse

"Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d’où elles viennent : on n’est pas capable non plus de les chasser."

"La psychanalyse par elle-même n'est ni pour ou contre la religion ; c'est l'instrument impartial qui peut servir au clergé comme au monde laïque lorsqu'il n'est utilisé que pour libérer les gens de leur souffrance."
Extrait d'une lettre au Pasteur Pfister

"Le caractère normal de la vie sexuelle est assuré par la conjonction vers l'objet et le but sexuel de deux courants, celui de la tendresse et celui de la sensualité."
Extrait des Trois essais sur la théorie sexuelle

"L'humour a non seulement quelque chose de libérateur, mais encore quelque chose de sublime et d'élevé."

"Le premier homme à jeter une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation."

"La conscience est la conséquence du renoncement aux pulsions."
Malaise dans la civilisation

"Au fond, personne ne croit à sa propre mort, et dans son inconscient, chacun est persuadé de son immortalité."

"Les femmes, c'est le continent noir."

"Faute de pouvoir voir clair, nous voulons, à tout le moins, voir clairement les obscurités."

"Le maintien de la civilisation offre la possibilité d'obtenir de chaque nouvelle génération une nouvelle transformation des penchants, condition d'une civilisation meilleure."
Extrait des Essais de psychanalyse

"Autrui joue toujours dans la vie de l'individu le rôle d'un modèle, d'un objet, d'un associé ou d'un adversaire."
Essais de psychanalyse

"Les qualités de l'objet sexuel, nous les nommerons : excitantes."
Trois essais sur la théorie sexuelle

"La joie de satisfaire un instinct resté sauvage est incomparablement plus intense que celle d'assouvir un instinct dompté."
Extrait du Malaise dans la civilisation

"Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons."
Malaise dans la civilisation

"L'accumulation met fin à l'impression de hasard."

"L'opposé du jeu n'est pas le sérieux mais la réalité."

"Quoique vous fassiez, vous ferez mal !"

"Chez la fille, il n'est pas de désir plus grand que celui de protection par le père."

"L'activité sexuelle s'est d'abord étayée sur une fonction servant à conserver la vie, dont elle s'est rendue indépendante."

"Ce qui caractérise toutes les perversions, c'est qu'elles méconnaissent le but essentiel de la sexualité, c'est-à-dire la procréation."

"Etre normal, c'est aimer et travailler."

"L'homme a un instinct sadique, et la femme un instinct masochiste, lesquels sont inconscients, donc incontrôlables."
Sexualité et psychologie de l'amour

"Le rêve ne pense ni ne calcule ; d’une manière générale il ne juge pas : il se contente de transformer."
"Le bonheur est un rêve d'enfant réalisé dans l'âge adulte."

"On a beau rêver de boissons : quand on a réellement soif, il faut se réveiller pour boire."
Introduction à la psychanalyse

"Non, la science n'est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous puissions trouver ailleurs ce qu'elle ne peut pas nous donner."
L'Avenir d'une illusion

"Les souvenirs oubliés ne sont pas perdus."
Cinq leçons sur la psychanalyse

"Le rêve est la satisfaction d’un désir."

"Celui qui est parvenu à accepter sans critique toutes les absurdités que lui offrent les doctrines religieuses, et même à fermer les yeux sur leurs mutuelles contradictions, n’est pas quelqu’un dont la faiblesse de pensée doive nous surprendre outre mesure. Or nous n’avons pas d’autres moyens pour dominer nos pulsions que notre intelligence. Comment peut-on attendre de personnes qui se trouvent sous la domination d’interdits de penser qu’ils accèdent à l’idéal psychologique, au primat de l’intelligence?"

"Il serait certes très beau qu'il y eut un Dieu créateur du monde et une Providence pleine de bonté, un ordre moral de l'univers et une vie future, mais il est cependant très curieux que tout cela soit exactement ce que nous pourrions nous souhaiter à nous-mêmes."
L'avenir d'une illusion
   

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    En ligne sur mon blog, une fiche de lecture consacrée au Malaise dans la culture/civilisation de Freud : http://100fichesdelecture.blogspot.fr/2015/05/freud-malaise-dans-la-culture-1929.html

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