samedi 7 mai 2011

Histoire de l'utopie

Les sources de l'utopie : les traditions anciennes, bibliques et médiévales

"Utopie: plan de gouvernement imaginaire où tout est parfaitement réglé pour le bonheur commun." Dictionnaire de l’Académie française 1795

C'est à Thomas More, au début du XVIe siècle, qu'on attribue traditionnellement la paternité du genre utopique. C'est à l'humanisme que se rattache ce rêve, promis à un vaste avenir, d'une cité idéale née de la volonté et du travail des hommes, réalisée par eux et pour eux sous l'empire harmonieux de la raison.

Ainsi, la religion, si elle y est tolérée et souvent même encouragée, ne saurait y occuper une position centrale, en particulier le christianisme qui s'appuie sur le dogme du péché originel et de la Chute, et place au cœur de l'histoire du salut le sacrifice du Christ. La véritable « religion » de la cité utopique est celle de la société et de son juste fonctionnement.

La Cité idéale, Francesco di Giorgio Martini (1439-1502)

D'autres mondes

En 1509, l'Éloge de la folie d'Érasme est le premier manifeste de l'âge nouveau : il prépare Thomas More et annonce Rabelais. Mais c'est Thomas More qui crée un véritable genre littéraire et philosophique, dans le contexte des Grandes Découvertes.

Les récits des marins et des explorateurs contribuent à l'essor du thème romanesque des voyages extraordinaires et des îles fabuleuses. Des cartes sont dressées, des mappemondes et des globes sont réalisés, comme le célèbre Globe vert où figurent pour la première fois les contours du Nouveau Monde.

L'utopie se fonde sur la représentation d'une société idéale qui se crée par ses propres moyens, sans recours à la Providence et en prenant les hommes tels qu'ils sont. De multiples projets architecturaux voient le jour, tels ceux de Léonard de Vinci qui offrent l'image d'un nouvel urbanisme à l'échelle de l'homme, notamment dans les esquisses du fameux manuscrit B.


Léonard de Vinci - Manuscrit B (1487-1490) 23.5x17cm, Bibliothèque de l'Institut de France, Paris

A la fin du XVIIIe siècle, les architectes des Lumières projettent dans leurs plans leurs idéaux révolutionnaires. Il en résulte des œuvres architecturales hors normes, comme le projet de cénotaphe en l'honneur de Newton par Boullée ou la maquette de la ville de Chaux par Ledoux.


L'utopie dans l'histoire: du temps  des révolutions à l'aube du XXe siècle

Au XIXe siècle, les utopistes, stimulés par l'idée de progrès héritée du siècle précédent, vont tenter de donner aux rêveries utopiques une réalité à la fois pratique et scientifique. La nouvelle ère industrielle berce les espoirs des premiers « socialistes», qui associent dans leurs projets communautaires progrès économique et bien-être social.

Au milieu du siècle, les rêveries proposant des sociétés nouvelles hors du temps et de l'espace laissent place à des programmes d'action visant, avec le développement des luttes sociales, à un avenir sans exploitation ni oppression. Les utopies entrent désormais dans l'histoire, ouvrant les débats sur les promesses du progrès.

Les utopies de la fin du siècle n'en finissent plus de se contredire, écartelées entre les promesses de la révolution socialiste, la violence inéluctable qu'elle engendre, l'anarchisme individualiste et le capitalisme social. Le doute s'installe et, avec lui, la « contre-utopie », donnant naissance à un nouveau genre littéraire, le récit d'anticipation, qui décrit comme un cauchemar l'utopie réalisée.


Entre rêves et cauchemars: utopies et contre-utopies au XXe siècle

"Si l'homme nouveau recrée la nature selon ce qu'il est devenu lui-même - nature et non-nature en équilibre d'équivalence - alors l'homme aura reconquis, dans l'homme nouveau [ ..] le paradis sur terre!Piet Mondrian

Cette aspiration à l'homme nouveau est une constante du XXe siècle, tant dans le domaine de l'art pictural qu'en littérature ou en politique. Avec les expériences du suprématisme et du constructivisme dont la Victoire sur le soleil de Lissitzky est un exemple, l'art a pour fonction non seulement de créer un monde nouveau, mais également un homme nouveau.

Maquette de costume Opéra Victoire sur le soleil - Lissitzky (1923)


Sur le plan politique, cette aspiration est au cœur de la propagande soviétique. L'État prend en charge le bonheur des individus au sein d'une société nouvelle établie dans un nouvel espace. Le fonctionnalisme s'impose dans le domaine architectural avec l'œuvre de Le Corbusier (la Ville radieuse) ou de Frank Lloyd Wright. Aux envers de l'utopie, la volonté de transparence et de purification ethnique de l'Allemagne nazie nous montre comment, de l'hygiénisme à l'eugénisme, la fabrication de l'homme nouveau peut se transformer en cauchemar totalitaire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire